Les hommes du président
- Par Thierry LEDRU
- Le 17/07/2019
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Woodward et Bernstein.
On ne peut pas les oublier.
Qui aurait idée aujourd'hui de les accuser de lynchage médiatique, de harcèlement, qui aurait idée de les critiquer pour leur engagement, dans leur recherche de la vérité ? Qui aurait idée de ne pas leur rendre hommage ?
François de Rugy, assurément.
Je suis consterné de tout ce que je lis sur cette nouvelle affaire. Je n'entrerai pas dans les détails.
J'y vois juste une totale insolence envers le peuple, un mépris absolu de toute morale, de toute conscience, de toute fierté même.
Il n'y aucune différence entre des voyous et ces gens-là, sinon le fait qu'ils considèrent que leur statut les protègera et qu'ils ne risquent rien.
Je me suis souvent demandé quelle pouvait être l'éducation qu'ils ont reçue. Comment est-il possible d'atteindre un tel niveau de duplicité, tout en gardant intact la certitude d'être inattaquable ? Comment est-il possible de repousser aussi loin la probité dont devrait faire preuve toute personne vivant aux crochets de la société publique ? Comment est-il possible qu'une "démocratie" se perde à ce point dans les méandres législatifs les plus tortueux afin que toutes les malversations possibles et imaginables soient offertes aux élus ?
Il y a un roman à écrire, celui d'un enfant qui reçoit une éducation politicienne et devient président. L'apprentissage de la duplicité.
Comment est-il possible également que de Rugy, après avoir démissionné, retrouve son poste de député et le salaire qui va avec ? Il existerait donc une légilsation envers le gouvernement mais pas envers l'assemblée ? S'il a triché, s'il a menti, s'il a usé de l'argent public, pourquoi lui laisse-t-on le droit de continuer son petit bonhomme de chemin sur les bancs de l'Assemblée ? Ce lieu, hautement symbolique, peut donc s'ouvrir aux personnes coupables ?
Comment dès lors demander à la population de croire encore à cette sphère politicienne qui pousse des cris d'orfraies, qui use à outrance de la victimisation, comme si rien de tout ça n'était mérité, comme si les journalistes n'étaient que des hyènes, comme si la populace n'était qu'une masse crétine, un ramassis d'abrutis qui hurlent avec les meutes assoiffées de sang...
Le président l'a affirmé. "« Il y a encore dans notre pays le respect de la personne individuelle, des droits de la défense et de la possibilité de répondre, sinon ça devient la République de la délation. Il suffit que je sorte une photographie, dise des choses sur vous, sur n’importe qui, ça devient les Dix petits nègres".
Donc, dès lors qu'un journalisme d'investigation met à jour une affaire qui n'aurait jamais dû exister, il s'agit de délation ? La quête de vérité est un appel au lynchage ? Il conviendrait donc de ne rien dire, de ne rien dévoiler ? C'est cela le souhait du président ?
Mais lorsque des braqueurs sont pris, ils ne parlent pas de lynchage ? Braquer l'argent public n'est pas condamnable ? Il faut laisser la déontologie de chacun jouer son rôle ? Mais quelle déontologie ? Je ne rappelerai pas Cahuzac et consorts. Je n'ai pas trois heures à consacrer à la liste que cela donnerait.
Il n'y a que la dénonciation qui puisse mettre un frein aux braquages politiques et ce sont les politiciens les responsables et le pays entier la victime.
Pas l'inverse.
J'ajoute à cela le texte d'Aurélien Barreau, texte auquel j'adhère intégralement sur le fond du problème, au-delà de l'affaire de Rugy et qui met en avant le phénomène de déliquescence total dans lequel le pays est tombé. Nous finissons par nous habituer à l'impensable et par souffrir de la lumière des projecteurs médiatiques qui plongent dans l'ombre ce qui ne devrait pas l'être. Le "spectacle" médiatique entraîne le phénomène de pare-feu et les incendies les plus virulents ne sont pas ceux qu'on nous présente.
Je trouve quand-même l’affaire de Rugy bien triste. Ce n’est pas pour son (in)action écologique qu’il est tombé. Ça, ça passait très bien. C’est pour une histoire de menu … (et à ce compte là, tout le monde est dézingable pour une raison ou une autre - ça relève d'un emballement arbitraire, voire du meurtre symbolique rituel, et non pas d'une critique de fond.) Ça n’a aucun sens.
Les violences policières avérées ne mettent pas en danger le ministre de l’intérieur. Les procédés ahurissants utilisés pour les notes du bac ne mettent pas en danger le ministre de l’éducation nationale. Le soutien aux pesticides ne met pas en danger le ministre de l’agriculture. Les 3000 SDF morts chaque année dans nos rues ne mettent pas en danger le ministre des solidarités. La baisse sans précédent des postes au CNRS ne met pas en danger le ministre de la recherche. La situation catastrophique de l'hôpital - sa gestion managériale qui obère le coeur même de la mission - ne met pas en danger le ministre de la santé. L’indifférence manifeste aux réfugiés agonisants ne met pas en danger le premier ministre. Les éditoriaux du monde entier qui expriment leur sidération face à l’autoritarisme de la France ne mettent pas en danger le président de la république.
Finalement, ce qui a vraiment fait des remous ces derniers temps ce sont les menus d’un ministre mondain et les SMS échangés avec un garde du corps brutal … Ça n'a aucun sens.
Si ce sont là nos profondes indignations, alors que la violence alentours est extrême et que le monde se meurt, nous avons vraiment les dirigeants que nous méritons.
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