Monsieur le ministre de l'Éducation Nationale, je suis papa de deux petites filles et je découvre votre prose du 12 juin 2014, le courrier que vous venez d'adresser aux parents de France.
Tout d'abord, nous n'avons pas en commun la réussite de mes enfants. Comme parents responsables, c'est à mon épouse et à moi-même que revient le devoir de pourvoir aux besoins de nos enfants. Le vôtre est d'y concourir.
Votre courrier témoigne d'une profonde hypocrisie car nulle part vous n'y faites mention de l'expérimentation en cours. Les rythmes dont vous parlez n'existent pas encore et ils n'existeront pas avant trois ans. Par ailleurs, le propre d'une expérimentation n'est-elle pas d'être volontaire ? Or votre expérimentation nous est imposée à tous. De quel droit ?!
Sur ce point, la seule once de vérité que l'on puisse trouver à votre diatribe réside dans les cinq matinées travaillées. Est-ce un choix judicieux ? Vous l'affirmez en citant des études internationales. Pourtant, vous ne nous présentez pas ces études, vous ne les expliquez pas et nous devrions pourtant vous croire par la seule force de votre discours. Je m'y refuse !
Imaginer que nous puissions boire vos paroles comme texte d'évangile ne peut être que le résultat d'un aveuglement. Ce doit être ce même aveuglement qui vous permet, devant l'Assemblée Nationale, lors des questions au gouvernement posées le 10 juin 2014, de vous ériger en juge. Vous y avez affirmé que tous les recours seront rejetés. Monsieur, vous n'êtes que ministre et si vous avez la possibilité de saisir la justice pour faire appliquer la loi, avez-vous le droit de préjuger du résultat de ces saisines ?
Quant à moi, j'ai bien l'intention de saisir la justice, si c'est possible et nécessaire, espérant ne pas être le seul, non pas pour réclamer un coup d'arrêt au changement mais pour demander que l'État remplisse ses devoirs envers la Nation. En effet, monsieur le ministre, l'inconsistance des décrets concernés va laisser bien des enfants sur le carreau. Vous vous êtes préoccupés du temps scolaire mais vous avez laissé de côté le temps périscolaire, fuyant lâchement votre responsabilité.
En conséquence un temps qui aurait pu être mis à profit pour gommer les inégalités va se réduire, dans bien des communes, à de la simple garderie. Le mercredi, jour ouvré autant qu'ouvrable, les enfants n'auront pas accès aux cantines scolaires et, parents, nous pouvons légitimement nous inquiéter pour la sécurité de nos enfants. Pourtant cette sécurité, lorsque nos bambins vous sont confiés, est un devoir de l'État ! Vous l'esquivez en faisant du mercredi, en dehors de la matinée de cours, un temps extrascolaire. Bien sûr, vous pouvez me rétorquer que c'est à moi de m'organiser mais de quels droits remettriez-vous en cause notre droit et notre devoir à travailler ? Comme parents, nous n'avons pas que le devoir d'instruire nos enfants ; nous avons également le devoir de les nourrir, de les vêtir et de les loger. Comme État, la France s'est d'ailleurs engagée à nous y aider de toutes ses forces. La faiblesse avec laquelle ce changement de rythme est conduit vous a fait ignorer la Convention des Droits de l'Enfant, traité international dont la France, je crois, est signataire. Relisez-là !
À ce propos, je vous signale qu'à aucun moment, les enfants n'ont été consultés. Pourtant certains, c'est le cas d'une de mes filles, font preuve d'une maturité suffisante. En accord, avec les engagements de la Nation elle aurait dû, et je le suppose d'autres enfants avec elle, être entendue sur un sujet qui la concerne au premier chef.
Monsieur le ministre, la réforme de l'Éducation Nationale est une promesse de campagne de François Hollande, la seule que vous ne sauriez ignorer car elle engage l'avenir de la Nation, mais on ne peut réussir un tel chantier sans un engagement plein et entier. Le compte n'y est pas ! Et il est évident que le gouvernement essaye d'imposer un changement sans débourser les sommes indispensables. Vous promettez un fond d'amorçage de 50€ par enfant sur deux ans alors que le minimum serait de 150€ par enfant et par an. Et je parle bien ici d'un minimum car je dirais qu'il manque à cette réforme plusieurs millions d'euros, 1,5 milliards si j'en crois l'Association des Maires de France, d'un engagement concret et durable de l'État. Où sont-ils ? Que faites-vous de notre Constitution qui vous impose pourtant le devoir suivant ?
Article 13 du préambule de la Constitution de 1946 : La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État.
Mais qui suis-je pour interpréter notre Constitution ? Un simple citoyen qui comprend à sa lecture que votre obligation ne s'arrête pas à l'enseignement mais s'étend à tout ce qui y concourt.
Monsieur le ministre vous tentez de nous rassurer en affirmant que " les équipes académiques ont travaillé, dans chaque commune, main dans la main avec les enseignants, avec vos représentants et avec les élus locaux pour que la modification des temps scolaires se fasse dans les meilleurs conditions ". Si vous le croyez vraiment, c'est qu'on vous a menti. À chacune des réunions auxquelles j'ai participé, dans le canton de Fayence, nous étions seuls. N'étaient présents que les enseignants, la mairie et les parents ; vos équipes académiques ont été inexistantes ! Elles se sont bornées à transmettre vos directives et celles de votre prédécesseur sans jamais participer activement à la mise en place des nouveaux rythmes. De fait, se sont la crainte et la défiance qui se sont immiscées entre les Français alors que vous auriez dû les unir.
Monsieur le ministre en écrivant cette lettre et en la diffusant mon but n'est pas d'arrêter toute réforme car, c'est une évidence pour beaucoup, la France et son système d'enseignement en ont bien besoin. Mon objectif est de réclamer que l'État et le gouvernement dont vous faites partie prennent toutes leurs responsabilités sans en esquiver aucune. Il y va de mes enfants, de ceux de mes amis, de ceux de mes voisins, de ceux de chaque Français.
Monsieur Hamon, il est grand temps pour ce gouvernement d'investir pleinement dans l'avenir du pays.
Gauthier Vranken
Papa et Représentant de parents
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