Mémoire...cellulaire (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/03/2015
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Ce texte a pour objectif de donner un aperçu de la sophrologie analysante mais il est inévitablement très incomplet au regard des interventions d'un professionnel. Ce n'est donc qu'une vue très succincte de tout ce qui peut être fait dans le cadre de cette thérapie.
Paul. Un ami d’enfance. Il allait mal. Une heure au téléphone. Il appelait depuis son bureau, il ne voulait pas que sa femme, Emma, ait connaissance de sa démarche.
« Yoann, je sais que tu as pratiquement terminé ta formation de thérapeute et moi, j’ai besoin d’être aidé, je ne sais plus où j’en suis là, c’est le chaos dans ma vie. Avec Emma, ça ne va plus du tout. J’aimerais bien que tu me dises ce que tu en penses, mais pas juste comme ça, en discutant vite fait. J’ai vraiment besoin d’aller plus loin mais je n’ai pas envie d’aller voir n’importe qui.
- Tu sais, Paul, je n’ai pas le droit d’exercer, je n’ai pas fini ma formation, je n’ai pas ouvert de cabinet.
-Oui, je sais bien tout ça mais d’abord tu es mon meilleur ami, le seul d’ailleurs, deuxièmement, je n’ai pas du tout envie d’aller raconter ma vie à un inconnu, troisièmement tu es la seule personne en qui j’aie confiance.
-Dis donc, je ne t’ai jamais entendu aussi déterminé et en fait, chez toi, c’est vraiment que ça va mal.
-Ben, tu vois, tu me connais bien, c’est toujours ça de gagné.
-Écoute, passe un soir à la maison, quand tu veux. Préviens-moi avant quand même.
-Merci Yoann, je te laisse. Faut que je bosse.
-À bientôt, Paul. »
Trois jours plus tard. Yoann avait reçu un texto. Paul passerait dans la soirée.
Il était évident que la situation était morose. Paul n’avait jamais montré une telle volonté de prendre les problèmes à bras le corps mais, pour Yoann, de devoir en assumer la charge l’inquiétait grandement. La responsabilité était énorme et en même temps, il était certain que Paul n’irait pas voir quelqu’un d’autre. Pas dans l’immédiat en tout cas et il se dit que s’il parvenait à convaincre son ami de s’adresser à un vrai professionnel, il aurait fait sa part. Il fallait donc se montrer assez pertinent pour que Paul prenne conscience de certaines choses mais que ça lui paraisse insuffisant pour qu’il éprouve le besoin d’aller continuer avec quelqu’un de plus expérimenté. Sacré défi. Paul n’était pas du genre à s’étendre. Introverti et anxieux à souhait….C’était chronique chez lui. La sophrologie pourrait peut-être le libérer suffisamment pour que l’analyse ouvre des horizons.
Sonnerie à la porte. Il alla ouvrir.
« Salut Paul, entre.
-Merci Yoann. Tu sais, tu m’avais dit quand tu as décidé de faire cette formation que tu aurais besoin d’un cobaye.
-Je ne pensais pas à toi, en fait. Je n’aurais même jamais imaginé que tu aies envie d’être mon cobaye. Assieds-toi.
-Je ne l’aurais pas fait, Yoann, si la situation n’avait pas été aussi catastrophique. Depuis l’été dernier, tout est parti en vrille. Que ça soit avec Emma, avec les collègues du travail ou avec le boss de la boîte, c’est la misère. En fait, j’ai vraiment l’impression que je ne peux rien réussir. Tout le monde me montre que je ne vaux rien. Emma se sert du moindre prétexte pour me descendre.
-Attends, attends, je t’arrête tout de suite là. Tu as déjà tiré des conclusions comme si plus rien n’était possible. Si on doit tenter quelque chose ensemble, ça serait bien que tu ne sois pas ancré à des certitudes qui viennent de tes relations extérieures. Entre ce que tu sais de toi et ce que les autres pensent de toi, il y a une marge immense.
-Et bien, je pense de plus en plus qu’ils ont tous raison. Je ne vaux pas grand-chose.
-Bon, effectivement, il est temps que tu t’occupes de toi sérieusement.
-Tu sais, la semaine dernière, c’était notre anniversaire de mariage et bien, je n’ai rien trouvé de mieux que de l’oublier. Tu n’imagines pas la scène. J’en ai pris pour mon grade, toute la soirée et Emma a même fini par aller dormir dans le canapé.
-Et pourquoi tu l’as oublié cet anniversaire ?
-Parce que j’ai la tête en chou-fleur et que je n’arrive plus à penser calmement. J’oublie tout ce qui est important.
-Il y a peut-être aussi que ton inconscient est remonté à la surface.
-C'est-à-dire ?
-Que c’est un acte manqué. Quelque chose qui signifie que tu aimerais mieux ne plus être marié avec Emma.
-Non, non, pas question. Je tiens à elle.
-Tu tiens à elle ou tu l’aimes ?
-C’est pareil. Je tiens à elle parce que je l’aime.
-Est-ce que tu l’aimes parce qu’elle te permet de te tenir à elle ?
-Quoi ?
-J’essaie de savoir si c’est un amour inconditionnel ou si ta relation avec Emma cache des douleurs que tu t’interdis d’explorer. Est-ce que tu l’aimes ou est-ce que tu as besoin d’elle ? Est-ce que tu as besoin de son amour pour te sentir bien ? Est-ce que c’est un amour qui te permet de t’exprimer ou qui t’étouffe ?
-Dis donc, tu as déjà commencé là ?
-Oui, c’est vrai, je m’emballe. Il faut que je t’explique deux, trois choses avant. »
Les techniques de base de la sophrologie, la méditation, les ondes alpha, le travail sur l’Inconscient, l’analyse, les protocoles…Yoann décrivit au mieux le travail qu’il proposait. Il reprit les exemples qu’il avait utilisés avec Mme Pagnol. Paul écouta.
« C’est la méditation qui m’inquiète le plus Yoann. Je ne sais pas du tout si j’arriverai à me laisser aller.
-Et bien, tu commences par arrêter de t’inquiéter pour rien. Ou alors, c’est comme si tu inscrivais déjà en toi les raisons de ne pas y arriver. Comme si tu versais de l’acide sur la graine que tu viens de planter. N’espère pas voir grandir une jolie fleur.
-Tu sais, déjà avant, tu analysais tout mais alors là, maintenant, je trouve que c’est encore plus que tout.
-Ne t’inquiètes pas, c’est juste quand je prends mon rôle de thérapeute. Mais je n’ai pas l’intention d’être comme ça tout le temps. Ou alors, je vais finir par me retrouver ermite, vu que tout le monde fichera le camp.
-Pour ma part, je trouve ça très bien et je suis certain que j’ai eu raison de faire appel à toi.
-Commence déjà par ne pas me mettre la pression, s’il te plaît ! Allez, on y va.
-On va où ?
-Tu vas t’installer sur le canapé, allongé, les bras le long du corps ou les mains sur le ventre, comme tu veux et tu fermes les yeux.»
Paul s’installa. Puis Yoann expliqua brièvement la séance, l’objectif final, l’importance pour Paul de se souvenir au mieux des paroles afin de recommencer l’exercice chez lui, les jours suivants. Travail primordial sur la respiration, la conscience des sensations, points par points, les endroits les plus infimes, les plus délaissés, la nécessité de se laisser aller, de s’écouter vivre, au plus profond. En pleine confiance, en pleine conscience.
« Juste un exercice pour ce soir, Tanguy. Tu t’allonges et avant de t’abandonner au sommeil, tu vas imaginer que tu suis le parcours de l’air dans ton corps. De bas en haut, en t’arrêtant à chaque partie que tu peux nommer : orteils, pieds, chevilles, mollets, genoux, cuisses, pubis, bassin, hanches, tous les mots qui te viennent sur le parcours et tu passes trois respirations sur chaque, en observant simultanément les pensées qui te viennent et lorsque tu vois que tu n’es plus connecté avec ton corps, tu te concentres de nouveau sur ton souffle et la zone où tu étais arrivé. On appelle ça « le body scan », une espèce de radiographie au rythme de ta respiration, ça n’a l’air de rien comme ça et pourtant, tu verras rapidement que tes pensées t’échappent régulièrement. C’est un travail primordial dans l’accès à la méditation.
-Tu sais Yoann, quand je t’entends parler de conscience, je me demande en fait ce que ça signifie. J’ai toujours l’impression d’avoir une conscience de retard pour ma part.
-Et bien, c’est une erreur puisqu’au moment où tu te dis ça, tu as conscience d’un phénomène en toi, celui de tes inquiétudes.
-J’aimerais bien être totalement inconscient alors, ça serait moins pénible.
-Tu peux l’être aussi. Imagine que tu as conscience d’avoir fait une bêtise, par exemple d’avoir oublié votre anniversaire de mariage. Tu en as conscience mais pas au bon moment. Lorsqu’il aurait fallu honorer cette date, tu étais dans un état d’inconscience au regard de cet événement mais dans un état de conscience par rapport à ce que tu faisais à ce moment-là.
-Tu veux dire qu’on peut vivre en mêlant les deux états ?
-Effectivement mais est-ce qu’on peut se satisfaire d’une conscience épisodique et aléatoire, c’est là toute la question. La conscience se définit comme la force qui permet l'intégration de tous les processus existentiels de l'humain. Il ne s'agit plus seulement de la conscience de quelque chose. La conscience est une énergie qui permet à l'être humain de se vivre dans la complétude, dans l'harmonie corps-esprit. Le corps est essentiel, pas comme une entité isolée mais comme le canal par lequel la constitution de la conscience est rendue possible.
-Et donc, la méditation est une voie d’accès à cette conscience.
-Exactement. Tu verras Paul, la méditation, c’est un entraînement et tu vas vite progresser, te sentir de mieux en mieux.
-Et ensuite ?
-Dans deux ou trois séances, on passera à des explorations plus engageantes pour toi. Mais ta pratique de la méditation sera importante pour la suite. Il faut que tu différencies simplement l’attention et la concentration. Dans notre vie quotidienne, tout ce qu’on doit gérer nous pousse vers l’attention, c'est-à-dire à analyser tous les éléments qui nous environnent, qu’ils soient relationnels ou matériels. Mais dans ce tohu-bohu permanent, on en oublie d’être concentré, c'est-à-dire centré sur nous-mêmes, dans une exploration et une connaissance de soi, hors de toutes interférences extérieures. C’est ça la méditation. Aller en soi dans une concentration intérieure et tu n’imagines même pas tout ce que tu peux y découvrir.
-Tu m’envoies la séance enregistrée par mail ?
-Oui, je m’en occupe tout de suite. »
Ils se quittèrent en organisant le planning des rencontres suivantes.
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