Mise au point sur l'eau
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/02/2023
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On peut désormais relier la sécheresse de 2022 aux activités humaines
17 février 2023
RÉSULTAT SCIENTIFIQUE TERRE ET ENVIRONNEMENT
Le rôle du changement climatique d’origine anthropique dans l'aggravation des épisodes de sécheresse a souvent été évoqué dans le débat public, mais ce lien n’avait pas été étudié jusqu'à présent. Une nouvelle étude, impliquant des scientifiques du CNRS (voir encadré), a mis en évidence que le changement climatique lié aux activités humaines contribue à la survenue d’épisodes de sécheresse prolongés comme celui qui a affecté l'Europe de l'Ouest et la région méditerranéenne en 2022.
Cette étude aborde la question de l’impact du changement climatique anthropique sur la survenue d’épisodes de sécheresse en appliquant la méthode des analogues de circulation, où on recherche dans les archives météorologiques pour la période 1836-2021 des conditions atmosphériques passées similaires. En comparant les sécheresses des périodes antérieures au réchauffement climatique (1836-1915) avec les plus récentes (1942-2021), et en excluant la variabilité interannuelle et interdécennale en tant que facteurs possibles, l’équipe de recherche a pu identifier la contribution du changement climatique anthropique.
La sécheresse de 2022 a été associée à une anomalie anticyclonique persistante sur l'Europe de l'Ouest. Les analogues de circulation de la période 1942-2021 présentent d’une manière générale des anomalies anticycloniques plus étendues et plus intenses qui causent des températures plus élevées à la surface, par rapport à celles de 1836-1915. Or ces caractéristiques exacerbent la sécheresse en augmentant la zone affectée et en intensifiant le dessèchement des sols par l'évapotranspiration.
Les résultats de cette étude soulignent l'importance de poursuivre les efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atténuer les effets du changement climatique.
Laboratoire CNRS impliqué
Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) / OVSQ / IPSL
Tutelles : CNRS / CEA / UVSQ
Pour en savoir plus
Davide Faranda, Salvatore Pascale, Burak Bulut. Persistent anticyclonic conditions and climate change exacerbated the exceptional 2022 European-Mediterranean drought. Environmental Research Letters, 2023.
Référence image : article sur le site du LSCE.
Lire l'actualité sur le site internet de l'Institut national des sciences de l'Univers du CNRS (INSU)
"Qui aurait pu prédire la crise climatique ?" : la petite phrase d'Emmanuel Macron agace les scientifiques
Lors de ses vœux aux Français samedi soir, le chef de l'Etat a laissé entendre que le réchauffement climatique, dont les "effets spectaculaires" ont été bien visibles en France en 2022, était un événement inattendu. Le premier rapport du Giec sur le sujet date pourtant de 1990.
Article rédigé par
France Télévisions
Publié le 02/01/2023 12:24Mis à jour le 02/01/2023 17:41
Temps de lecture : 3 min.
Le président de la République, Emmanuel Macron, le 31 décembre 2022 à l'Elysée. (JULIEN DE ROSA / AFP)
C'est une petite phrase qui ne passe pas. Lors de ses vœux aux Français pour l'année 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, a laissé entendre que personne n'avait prévu le changement climatique, dont les "effets spectaculaires" ont été particulièrement visibles en France en 2022 (incendies, vague de chaleur, sécheresse, surmortalité...). Reprenant le fil des "inimaginables défis" qui ont marqué l'année écoulée, il a évoqué la guerre en Ukraine, puis lancé lors de son allocution : "Qui aurait pu prédire la vague d'inflation ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ?"
Les scientifiques, qui alertent précisément sur ces risques depuis des décennies, n'ont pas apprécié. Au téléphone, Jean Jouzel ne masque pas sa déception. Cette figure de la climatologie française, qui a soutenu Anne Hidalgo lors de la présidentielle 2022, se souvient très bien d'une réunion à l'Elysée en septembre 2013 pour présenter les conclusions du cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Dans la salle, François Hollande, président, et son secrétaire général adjoint, un certain Emmanuel Macron. "Cela fait dix ans quand même, je ne comprends pas qu'il ait pu dire ça", regrette-t-il.
"J'aurais pu parier que, pendant son mandat, il y aurait au moins une année d'événements extrêmes. La surprise, ce serait qu'une année comme 2022 n'existe pas."
Jean Jouzel, climatologue
à franceinfo
Gonéri Le Cozannet, géologue et co-auteur du dernier rapport du Giec, a, lui, "ri jaune" en découvrant les propos du chef de l'Etat dimanche sur les réseaux sociaux.
"Un des arguments de l'inaction"
"Au début, j'ai cru que c'était sorti de son contexte. J'ai regardé et j'ai trouvé ça assez stupéfiant. Il y a déjà eu six rapports du Giec, 27 COP, des alertes dans les années 1970 et 1980... On ne peut pas dire qu'on ne l'avait pas prévu", commente-t-il. Le géologue voit dans cette sortie présidentielle une maladresse de communication – le discours a été relu et enregistré – révélatrice : "Que personne n'ait relevé cette phrase, cela montre que les enjeux ne sont pas compris".
Un avis partagé par Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC), créé en 2018 par Emmanuel Macron. "C'est un discours qui rate le sens de l'histoire. Il aurait pu être tenu dans les années 1980, pas en 2022", observe-t-elle.
Elle voit dans le président de la République un "symbole de cette classe dirigeante, économique et politique, tous bords confondus, qui n'a pas pris la mesure du problème". La géographe identifie également un "discours de capitulation" face au réchauffement climatique. "Il reprend un des arguments de l'inaction [le "on ne savait pas"], comme s'il anticipait que c'était perdu et qu'il commençait à se dédouaner avant même d'avoir essayé" de régler le problème.
Dire en 2022 qu'on ne savait pas, c'est simplement une 'fake news'.
Magali Reghezza-Zitt, membre du Haut Conseil pour le climat
à franceinfo
En 2022, la France n'a quasiment pas réduit ses émissions de gaz à effet de serre, moteur du réchauffement climatique.
Un premier rapport dès 1990
D'autres scientifiques ont réagi sur Twitter. Valérie Masson-Delmotte, climatologue et coprésidente du groupe de travail 1 du Giec, a cité la phrase présidentielle, en l'accompagnant d'un message de mai 2022 où elle listait les principaux risques de ce réchauffement en Europe. Ces dernières années, elle est venue plusieurs fois à l'Elysée (voir ici et là) pour expliquer le problème.
Christophe Cassou, climatologue et auteur du dernier rapport du Giec publié en 2022, propose pour sa part d'en envoyer un exemplaire au président de la République.
Le premier rapport du Giec, l'institution de référence sur le sujet, date de 1990. Si les connaissances ont progressé depuis, on pouvait déjà y lire (PDF, en anglais) que la consommation d'énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) et la déforestation par l'homme augmentait l'effet de serre et réchauffait notre planète. Les scientifiques y parlaient déjà (PDF, en anglais) de sécheresse, de vague de chaleur et de feux de forêts.
Chaque rapport publié depuis est venu confirmer ces connaissances. "Ce qui se produit aujourd'hui, c'est ce que nous avions anticipé", confirme Jean Jouzel, qui a participé aux premiers rapports. Contacté par franceinfo, l'Elysée n'avait pas encore réagi au moment de la publication de cet article.
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