Néandertal
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/04/2018
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Une exposition au Musée de l'Homme à Paris montre la reconstitution de l'Homme de Spy, le 26 mars 2018 / © AFP/STEPHANE DE SAKUTIN
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L'homme de Néandertal, notre cousin pas si lointain, à Paris
PARIS - AFP - MARDI 27 MARS 2018
Paris (AFP)
L'homme de Néandertal, une brute épaisse aux allures de singe? S'il a traîné longtemps une mauvaise image, la science a permis depuis quelques décennies de dresser un portrait nettement plus flatteur de notre cousin, au centre d'une grande exposition à Paris.
Apparu en Europe occidentale il y a environ 350.000 ans, Homo neanderthalensis s'est étendu vers l'est jusqu'à l'Altaï (Russie) et est allé également au Proche-Orient.
Puis il a disparu, il y a environ 35.000 ans. Pas totalement cependant dans la mesure où 1 à 4% de ses gènes se retrouvent chez les Eurasiatiques actuels, Néandertal et l'Homme moderne s'étant reproduits à certains moments de la Préhistoire.
L'exposition "Néandertal", qui ouvre ses portes au public mercredi au musée de l'Homme à Paris, fait le point sur les dernières connaissances scientifiques autour de cette espèce du genre Homo. Mais elle questionne aussi nos représentations de Néandertal depuis le 19e siècle.
Aujourd'hui, l'homme de Néandertal est clairement à la mode. "C'est devenu le top", dit Marylène Patou-Mathis, une des commissaires de l'exposition, peut-être "parce que beaucoup de gens n'aiment pas ce que l'on est devenu".
L'exposition du musée de l'Homme à Paris rassemble plusieurs crânes d'hommes de Néandertal, le 26 mars 2018
/ © AFP/STEPHANE DE SAKUTIN
L'exposition au musée de l'Homme présente quelque 260 objets dont des fossiles originaux qui voyagent très rarement.
Les visiteurs vont ainsi pouvoir découvrir la célèbre calotte crânienne qui a donné son nom à l'espèce. Découverte en 1856 avec d'autres ossements fossiles dans la vallée allemande de Neander, elle avait fait sensation.
"C'était la première fois que l'on mettait en évidence une espèce du genre Homo différente de l'Homo sapiens. Pas facile à admettre dans une époque très religieuse où l'on pensait que l'Homme moderne avait été créé à l'image de Dieu", explique à l'AFP Pascal Depaepe, l'un des commissaires scientifiques de l'exposition. Certains préférèrent alors voir dans le fossile de Neander un Homo sapiens "dégénéré", un "crétin", tandis que d'autres le considèrent comme un "homme-singe".
Une des commissaires de l'exposition "Néandertal", Marylène Patou-Mathis, pose au Musée de l'Homme à Paris, le 26 mars 2018 / © AFP/STEPHANE DE SAKUTIN
Trois décennies plus tard, en 1886, on découvre les fossiles néandertaliens de la grotte de Spy en Belgique. "Les auteurs des fouilles ont compris qu'il s'agissait d'une sépulture. Et là, problème. Si c'était un être simiesque et brutal, le fait qu'il enterre ses morts lui faisait grimper une marche côté humanité", souligne Pascal Depaepe, de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives).
- 'Artisan hors pair' -
Chasseur-cueilleur nomade, Néandertal n'a pas toujours vécu durant des périodes glaciaires; il a aussi connu des périodes où le climat était tempéré.
Il possédait le savoir-faire nécessaire pour construire des abris temporaires. L'exposition reconstitue partiellement un campement de base néandertalien protégé par un abri coupe-vent circulaire.
Une dizaine d'outils sont présentés. Racloirs pour couper la viande ou tailler le bois, bifaces, éclats, pointes et lames en pierre, lissoirs pour tailler les peaux, retouchoirs en os pour redonner du tranchant...
Des outils de l'homme de Néandertal sont exposés au Musée de l'Homme à Paris, le 26 mars 2018 / © AFP/STEPHANE DE SAKUTIN
Néandertal était un grand chasseur (bison, renne, cheval, bouquetin...). Il pratiquait également le charognage sur des animaux difficiles à tuer comme les mammouths ou les rhinocéros.
"C'était un artisan hors pair", souligne Pascal Depaepe, spécialiste des outils. "Un être sensible qui s'intéressait à la symbolique, à la beauté". Il se parait probablement avec des coquillages, des dents d'animaux perforées.
Il se livrait occasionnellement au cannibalisme, comme l'atteste l'étude d'ossements retrouvés sur des sites néandertaliens, note la préhistorienne Marylène Patou-Mathis. Ce cannibalisme était-il alimentaire ou rituel? "Probablement les deux".
L'originalité de l'exposition, qui se tient jusqu'au 7 janvier 2019, réside notamment dans sa façon de montrer les représentations de Néandertal, du 19e à aujourd'hui. On est ainsi confronté au buste inquiétant d'un Néandertalien à l'aspect simiesque, réalisé en 1909 à la demande de l'anthropologue et criminologue Cesare Lombroso.
Plus loin, un mur couvert de citations rappelle qu'aux Etats-Unis, traiter quelqu'un de "Néandertal" est encore utilisé comme une insulte.
Juste avant de partir, le visiteur croise Kinga, une jeune Néandertalienne rousse réalisée par la plasticienne Elisabeth Daynès et habillée par la styliste agnès.b. Avec son regard mutin, son cardigan pression, on s'attendrait presque à la rencontrer dans la rue.
Une équipe internationale de chercheurs a étudié le tartre dentaire de quatre fossiles d'hommes de Néandertal. Retrouvés en Belgique (grotte de Spy) et en Espagne (site d'El Sidron), ils ont entre 42.000 et 50.000 ans. / © Paleoanthropology Group MNCN-CSIC/AFP/Handout
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L'homme de Néandertal, pionnier de l'automédication?
PARIS - AFP - MERCREDI 8 MARS 2017
Paris (AFP)
L'homme de Néandertal, notre cousin disparu, se soignait déjà à l'"aspirine" il y a 48.000 ans, en mangeant du peuplier qui libère une substance aux propriétés anti-inflammatoires et antalgiques, selon une étude publiée mercredi.
Cette découverte a été réalisée par une équipe internationale de chercheurs qui a étudié le tartre dentaire de quatre fossiles d'hommes de Néandertal. Retrouvés en Belgique (grotte de Spy) et en Espagne (site d'El Sidron), ils ont entre 42.000 et 50.000 ans.
La plaque dentaire est un véritable attrape-tout: elle capture les micro-organismes de la bouche, les agents pathogènes de l'appareil respiratoire et digestif mais aussi de petits morceaux de nourriture coincés dans les dents. Lorsqu'elle se minéralise sur les dents, elle se transforme en tartre.
"L'analyse génétique de l'ADN +enfermé+ dans la plaque dentaire représente une fenêtre unique sur le mode de vie de l'homme de Néandertal", souligne Laura Weyrich, de l'Université d'Adélaïde (Australie), principal auteur de l'étude publiée dans la revue Nature. Le tartre donne des informations sur le régime alimentaire de ces hommes préhistoriques, leur état de santé, l'impact de l'environnement sur leur comportement, ajoute-t-elle.
Pour les chercheurs, la "principale surprise" est venue de l'étude du tartre dentaire d'un jeune adulte néandertalien trouvé dans la grotte d'El Sidron (nord-ouest de l'Espagne). Il souffrait d'un abcès dentaire encore visible sur sa mâchoire. L'analyse de son tartre montre qu'il était aussi affecté par un parasite intestinal (Enterocytozoon bieneusi) qui provoque des diarrhées sévères.
Cet homme malade mangeait du peuplier, dont les bourgeons sont "réputés pour contenir des concentrations élevées d'anti-inflammatoires ou antalgiques, comme notamment la salicine", métabolisée en acide salicylique (aspirine) par notre foie, explique à l'AFP Bastien Llamas, co-auteur de l'étude.
L'ADN de la moisissure Penicillium, qui produit naturellement l'antibiotique pénicilline, est également présent dans le tartre, ajoute ce chercheur.
"Apparemment, les hommes de Néandertal connaissaient bien les plantes médicinales, leurs propriétés anti-inflammatoires et anti-douleur et semblent s'être automédiqués", déclare Alan Cooper, directeur du Centre Australien pour l'ADN ancien (ACAD) de l'Université d'Adélaïde.
- Rhinocéros ou pignons de pain -
L'analyse ADN corrobore une étude parue en 2012 dans la revue Naturwissenschaften qui évoquait la possibilité que l'homme de Néandertal se soit servi de plantes médicinales comme la camomille ou la millefeuille pour se soigner. Elle s'appuyait sur l'analyse chimique du tartre de fossiles de Néandertaliens retrouvés là aussi à El Sidron.
Dans l'étude parue mercredi, les scientifiques indiquent également être parvenus à réaliser le séquençage presque complet d'une bactérie très similaire au Methanobrevibacter oralis, qui provoque des parodontites (l'infection de la gencive et du tissu osseux). Vieux de 48.000 ans, il s'agit du plus vieux génome microbien à avoir été décrypté.
L'étude illustre aussi la diversité des régimes alimentaires de l'homme de Néandertal suivant la région où il vivait et le type de nourriture disponible.
En Belgique, les Néandertaliens de la grotte Spy mangeaient du rhinocéros laineux et des mouflons, accompagnés de champignons, selon les chercheurs. "Ils vivaient dans un environnement de steppes" et "les gros animaux herbivores représentaient pour eux une source majeure d'aliments", déclare à l'AFP Laura Weyrich.
Plus au sud, les hommes de Néandertal du site d'El Sidron "vivaient dans une forêt dense à l'époque". "Leur régime était largement composé de champignons, de pignons de pain et de mousses, plutôt que de gros gibier", ajoute-t-elle.
"Il semble donc que la population belge était chasseuse et cueilleuse, alors que la population espagnole était juste cueilleuse", souligne Bastien Llamas, lui aussi chercheur à l'université d'Adelaïde.
L'homme de Néandertal, du genre Homo comme l'homme moderne, est apparu il y a environ 300.000 ans en Eurasie et s'est éteint il y a environ 30.000 ans.
Chez l'Homme de Néandertal, l'esthétique avait aussi sa place
WASHINGTON - AFP - MERCREDI 29 MARS 2017
Un fragment d'os de corbeau gravé, datant de 40.000 ans, laisse penser que les Néandertaliens, proches cousins de l'homme moderne disparus il y a 38.000 ans, avaient bien un sens esthétique voire du symbolisme, conclut une étude française publiée mercredi aux Etats-Unis.
Ce bout d'os d'un centimètre et demi de long mis au jour sur un site archéologique de Crimée, en Ukraine, compte huit entailles régulières faites avec un silex.
Une analyse au microscope a montré que l'auteur de ces marques profondes en avait fait initialement six avant de réaliser qu'il avait laissé trop d'espace entre certaines.
Il en a rajouté deux mais de manière à ce que la distance entre toutes les entailles reste égale, a expliqué à l'AFP Francesco d'Errico, un paléontologue de l'Université de Bordeaux, principal auteur de ces travaux parus dans la revue Plos One.
Les chercheurs ont ensuite demandé à un groupe de volontaires de faire huit marques équidistantes sur des os de dinde de la même taille.
L'analyse a montré qu'ils avaient espacé et creusé les huit entailles exactement de la même manière que l'Homme de Néandertal.
"On a pu ainsi démontrer que le Néandertalien a bien fait des entailles avec l'intention de créer un motif harmonieux visuellement et peut-être symbolique", explique le scientifique.
"Il y avait au moins un but esthétique derrière ces marques en raison de leur régularité et du fait de produire cette régularité de façon délibérée (...), qui a d'ailleurs nécessité une certaine expertise", ajoute-t-il.
Des ossements d'oiseaux portant des marques régulières, découverts sur plusieurs sites néandertaliens en Europe, avaient déjà conduit de nombreux chercheurs à penser que ces objets étaient des parures et que ces encoches ne résultaient pas du découpage des carcasses avec des silex pour récupérer la viande.
- Des cultures plus complexes -
"Cette recherche est la première à produire une indication directe confortant l'hypothèse d'une intention symbolique dans ces modifications volontaires d'un os d'oiseau (...), ce qui est une avancée", souligne le professeur d'Errico.
Il s'agissait peut-être de marques de propriété de l'objet, qui dans ce cas symbolisaient la personne le possédant, suppute-t-il.
L'étude est aussi nouvelle dans le sens qu'elle met des hommes modernes dans les mêmes conditions que les Néandertaliens pour voir s'ils produisent la même chose, relève l'anthropologue.
Au cours des dernières années, poursuit-il, on s'est rendu compte que les Néandertaliens avaient des cultures plus complexes que ce qu'on pensait initialement.
Il cite notamment le fait que les Néandertaliens s'intéressaient aux oiseaux et ramassaient les griffes des gros rapaces comme des aigles ainsi que les plumes pour peut-être en faire des parures, selon les vestiges mis au jour sur une demi-douzaine de sites en Europe, dont le plus récent en Croatie. On connaissait aussi leurs sépultures.
Mais on ne pouvait pas vraiment savoir avant les résultats de cette dernière étude si ce cousin de l'Homme moderne, dont les capacités cognitives sont toujours débattues, pouvait avoir un sens esthétique voire du symbolisme.
Les Néandertaliens sont apparus en Eurasie il y a environ 200.000 ans et ont cohabité avec l'homme moderne pendant quelque 10.000 ans, ce dernier étant arrivé d'Afrique voilà 50.000 ans.
Selon les anthropologues, les dernières traces de l'Homme de Néandertal remontent à 38.000 ans, selon les plus récentes estimations publiées en 2014.
Mais il n'a pas totalement disparu puisque, à la suite de croisements, les humains ont hérité de 2 à 4% de ses gènes.
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