Perdre sa vie à vouloir la gagner.

"Il faut avoir un bon métier pour gagner sa vie."

Beaucoup d'enfants entendent cette phrase. A l'école élémentaire, déjà...

Oui, c'est certain que le coût de l'existence dans une société "moderne" exige un revenu. Il ne s'agit pas pour autant de perdre sa vie à vouloir la gagner.

Il faudrait surtout arrêter de confondre la vie et l'existence. 

La vie, nous l'avons tous. Puisque nous sommes là. 

Il faut assumer les besoins de l'existence. Pas de la vie.

Il faudrait par conséquent essayer d'imaginer les effets dévastateurs dans la tête d'un enfant lorsque les apprentissages scolaires sont difficiles. 

"Ma vie est fichue." 

Je l'ai déjà entendu chez des enfants de dix ans.

Qui est responsable ? Pas eux mais les individus, parents, enseignants, société de consommation, qui prônent l'excellence scolaire et ignorent l'esprit. 

 


"Triste jour sous le soleil levant

Nous déplorons avec une infinie tristesse la perte d'un de nos camarades de chambre. À 26 ans, notre ami qui partageait avec nous ce lieu de vie commun au nord de Tokyo s'est éteint dans son sommeil. Nous sommes sous le choc. Comment une telle chose est-elle possible ?

Si on ignore tout des causes de son départ brutal, plongeant notre communauté dans une profonde tristesse, nous savions que son travail était particulièrement épuisant. Quand nous avons contacté la société japonaise où il travaillait, souvent jusqu'à tard le soir, un responsable s'est spontanément inquiété d'un possible épuisement d'une surcharge de travail. Nous apprenons que sa collègue, quelques jours auparavant, s'était évanouie en service à plusieurs reprises. Placée en arrêt maladie, notre ami avait du la remplacer, augmentant sa charge de travail. Un soir, au retour de son lieu de travail, il s'est couché pour ne plus jamais se réveiller.

Au Japon, il a été inventé un mot spécifique pour décrire la mort par le travail : Karōshi (過労死). Reconnu comme "maladie" professionnelle, la mort d'épuisement par le travail se déclare le plus souvent par arrêt cardiaque. En 1994, le nombre de morts par karōshi était estimé à 5 % de l'ensemble des victimes de troubles cardiovasculaires dans la tranche d'âge 25-59 ans, soit environ 1 000 personnes par an.

Notre ami était en bonne condition physique, non-fumeur, sportif, mangeait sainement en cuisinant lui même la plupart du temps. Rien ne pouvait présager un tel scénario. Pour réaliser son rêve, vivre au Japon, il redoublait d'efforts et son courage n'avait aucune faille. S'il n'est pas possible de déterminer les causes exactes de son décès à ce stade, son sort tragique nous laisse un goût amer dans la bouche.

Le Japon est un pays merveilleux. Nous aimons sa culture infiniment riche et la respectons. Mais pas au point de céder à un aveuglement borné. La culture du travail au Japon, comme ailleurs en Asie, touche à l'extrême. L'individu est souvent poussé à se fondre dans l'entreprise jusqu'à s'effacer lui même. Le taux de suicide chez les jeunes est alarmant. Cette course au productivisme n'a pourtant pas empêché le pays d'avoir la plus grande dette nationale de l'histoire ni de traverser une crise économique profonde.

De loin, nous voyons des hommes politiques européens tenir des discours démagogiques sur le travail en prenant souvent en exemple l'Asie. Le TAFTA, la Loi Travail, l'austérité, tout semble bon pour vouloir exploiter un maximum le travailleur dont la vie se limite de plus en plus au boulot-métro-dodo. Ils sont fous. Ils ne savent rien de l'épuisement par le travail. Ils devraient avoir honte de n'avoir qu'un tel modèle à offrir à notre génération. Une génération pourtant courageuse, qui ne souhaite pas "rester à rien faire", mais simplement avoir une activité qui a du sens, qui respecte les équilibres du vivant et surtout la santé de ceux qui créent la richesse : les travailleurs. Avant la mort, la vie !

Nous ne pouvons pas ramener notre ami. Nous ne voulons pas instrumentaliser sa disparition. Mais il nous laisse inévitablement un message important : profitez de l'instant présent, allez jusqu'au bout de vos rêves, ne laissez pas des institutions, privées ou d’État, vous presser jusqu'à extraire la dernière goutte de vie de vos entrailles. "La vie est une bougie dans le vent" - dicton japonais." - Mr Japanization

 

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