Rencontre
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/12/2013
- 2 commentaires
Il est des moments de vie qu'il ne faut pas manquer. Il est des partages qu'on regretterait infiniment d'avoir gâchés. Des rencontres d'âmes.
Je vis dans une solitude volontaire quasi totale. Je vois mes collègues de travail et quelques personnes par ci par là. Nos échanges restent corrélés aux circonstances. Aucune souffrance. Une totale acceptation d'un cheminement que j'ai choisi. La femme de ma vie et nos enfants sont des interlocuteurs privilégiés et je ne me lasse pas de les écouter et de parler avec eux ou de vivre en silence à leurs côtés. Ils savent ce que je vis. Je sais ce qui leur importe.
Et puis, il y a parfois ces fameuses rencontres ou des retrouvailles. De très rares moments. Un partage de nos vécus. La dimension spirituelle.
J'ai entendu des voix, j'ai vu des auras bleutées qui me parlaient, j'ai connu des éblouissements fulgurants, des chaleurs inconnues, comme si un soleil en moi illuminait les profondeurs, j'ai connu des envolées inexplicables, je me suis vu de très haut, petit point insignifiant sur la Terre, j'ai pleuré devant les montagnes, j'ai pleuré en écoutant des musiques, pleuré en pensant à la douleur du monde entier, pleuré de bonheur aussi, sans aucune raison identifiable, comme si l'Amour tombait en moi, un puits ouvert, un gouffre lumineux, j'ai compris soudainement des livres sur lesquels j'avais buté pendant des années, j'ai écrit des milliers de pages, comme si les mots venaient en moi sans que je ne les cherche, comme s'ils avaient leur propre vie et que je servais de canal de transmission, je me souviens de cette journée, je tronçonnais du bois et puis les frissons sont survenus, des bouffées de chaleur immenses, jusqu'à m'en faire tourner la tête, je me suis assis sur une souche, j'ai regardé l'arbre que j'avais coupé et j'ai pleuré. Sans rien comprendre. Et je ne cherchais plus à le faire. Lâcher prise absolu. Juste être là et laisser la Vie me parler. Ecouter et me taire intérieurement.
C'est toujours là et je ne cherche rien. Ni à retrouver les plus belles émotions, ni à craindre que plus rien ne revienne jamais. Tout est là. Je laisse ce trésor briller comme il l'entend. Rien ne m'appartient.
Je n'en parle pas, je l'écris. C'est mon vécu. Je sais que tout ça paraît totalement fou, je sais que je suis perçu parfois, comme un illuminé ou un être étrange. Je sais que tout ça ne relève pas de la vie quotidienne.
Mais il existe parfois des partages possibles.
Il existe des passerelles tendues lorsque les vécus sont similaires, non pas nécessairement dans leur développement mais dans leur étrangeté et il est indispensable d'expliquer qu'il ne faut pas avoir peur, qu'il s'agit bien d'une chance même si les repères ont volé en éclat, même si les proches ne comprennent pas, même si la vie quotidienne devient un fardeau constant, même si l'alternance entre le haut et le bas est incessante et épuisante, déstructurante, même si on y perd ce qu'on pensait être et que l'individu qui se révèle peut paraître incompréhensible, inconstant, insaisissable.
Je sais aujourd'hui, avec une certitude absolue, que la vie ne se trompe jamais de message.
Je suis allée voir une amie, je ne l'avais pas vue depuis bien longtemps. C'est quelqu'un que j'aime parce que je sais qu'elle porte en elle de belles choses. Elle m'a envoyé un message. Je ne voulais pas me contenter de répondre.
Alors, nous avons parlé, longuement, longuement, parlé de ce qui ne se dit qu'à ceux et celles qui savent sans rien comprendre, parlé de ce qui n'est pas racontable mais que nous entendons parce que c'est en nous, parce que cette vibration ne nous quittera plus jamais, même si parfois, elle semble éteinte, parlé de cet Amour qui nous dépasse, qui semble même trop puissant pour qu'on puisse l'accueillir, parlé de nos larmes et de nos éclats de bonheur, parlé de ces émotions qui nous étreignent jusqu'à nous serrer la gorge, parlé de ces douleurs qui nous submergent comme des étaux qui nous broient, parlé de nos doutes et de nos peurs qui nourrissent ces douleurs, nous avons ri aussi et puis nous reprenions l'exploration intérieure et je devinais ses larmes. Je sais ce qu'elle vit et je sens en moi la nécessité de l'accompagner, parce que nous sommes des âmes égarées au milieu d'un champ de bataille qui nous désole infiniment, parce que l'Amour de la Vie est là et qu'il serait ignoble de s'en détourner.
Je sais que c'est un cadeau et que la Vie nous fait confiance, qu'elle considère que nous pourrons continuer l'exploration, même si nous ne connaissons pas l'intention finale. Ce temps à venir n'existe pas, le temps passé s'étiole. Il ne reste que cet instant présent, que le maintenant, immédiat, puissant, euphorisant ou déprimant, il ne reste que nos errances et cet appel que la Vie nous lance.
"Aime-toi, aie confiance en toi, sois patient, bienveillant, lucide, réceptif, donne aux autres, à ceux et celles qui pourront entendre et recevoir à leur tour."
C'est ainsi que je ferai, c'est promis. Je ne peux pas rejeter cette confiance qui m'est accordée, je ne peux pas ignorer ce chemin à parcourir, là où je suis, maintenant.
"Laisse la vie te vivre, elle sait où elle va. "
Comment aurais-je pu ignorer ce message ?
Comment pourrais-je le garder pour moi ?
Alors, j'ai pris cette amie dans mes bras et je l'ai serrée, comme si la vie en moi, cette vie dont j'ignorais tout et qui s'était révélée, il y a longtemps déjà, pouvait se fondre en elle, comme si l'exploration que j'ai déjà menée pouvait servir de balises, juste un éclat dans le chaos qui l'étreint.
C'est peut-être ça que je devrais faire désormais.
Parler...
Merci Audrey.
Commentaires
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- 1. Thierry Le 05/12/2013
Bonjour Max. J'espère tout autant que toi que la vraie vie nous rejoindra. Merci à toi. -
- 2. Max Le 05/12/2013
Pour une fois je vais te faire mentir, Thierry.
C'est vrai, je lis en silence tes articles, presque tous, parce que tu touches le cœur de la cible à chaque fois. Aujourd'hui, je viens juste rebondir sur ton texte pour te dire, je le pense sincèrement, qu'on aura l'occasion de se rencontrer dans le vrai monde. J'ignore où et quand, mais c'est une évidence à mes yeux. Depuis le début.
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