Sabordage
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/12/2013
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Hier et aujourd'hui, j'ai travaillé en "animation pédagogique" avec les professeurs de collège du secteur. J'ai assisté à quatre heures de cours lundi matin puis trois professeurs sont venus dans ma classe. Aujourd'hui, il s'agissait, je le pensais, de condenser ce que nous avions vu et entendu, d'établir un projet commun, d'identifier les priorités pour unifier la continuité des enseignements mais lorsque j'ai entendu l'ordre du jour, j'ai été estomaqué. Il s'agissait d'analyser le livret de compétences et au préalable d'expliciter clairement ce que ce terme signifie.
Là, j'ai pris un coup de sang...
Un sabordage personnel grandeur XXL...
J'ai pris la parole...
Une vingtaine de professeurs de collège, tous les collègues de CM du secteur, les formateurs et conseillers pédagogiques, le proviseur du collège et l'Inspecteur de circonscription.
Je me suis adressé à l'Inspecteur. J'ai dit que j'en avais assez de cette dialectique et qu'elle ne me servait à rien, que j'en avais assez d'entendre depuis trente ans que jusqu'ici je ne savais pas travailler et que maintenant on allait m'apprendre le métier, que j'en avais assez d'être pris pour un crétin qu'on allait sauver et que j'avais déjà assisté à des centaines d'heures de concertation pour n'en sortir qu'avec un profond désoeuvrement, un flot d'interrogations qui venaient dévorer l'énergie dont j'avais besoin pour mener à bien mon travail avec les enfants, que j'en avais assez de cette idée que je devais m'adapter à un système défectueux et malsain et faire entrer dans ce cadre pervers des enfants innocents et malléables, que ça n'était pas ainsi que je concevais ma mission.
Le conseiller pédagogique m'a coupé la parole. Une fois. Pas deux. Il a suffi que je hausse la voix. Fortement.
J'ai continué en expliquant que les enfants dont tout le monde se plaignait n'éprouvaient aucun besoin FONDAMENTAL, EXISTENTIEL d'apprendre ce qu'on me demandait de leur enseigner et qu'il fallait donc que je parvienne à créer un désir en eux, que ce désir ne pouvait s'éveiller qu'à partir du moment où je les considérais comme des enfants et non seulement comme des élèves et que c'est l'observation et la connaissance de soi qui pouvaient générer ce désir. "Connais-toi toi même." Une des premières maximes que je leur transmets.
Ce qui m'importe, ça n'est pas d'identifier des compétences ou des objectifs parce que si j'en étais encore là après trente ans de métier, ça serait un effroyable constat d'échec. Ce qui m'importe, c'est de lancer les enfants dans cette exploration intérieure. Les travaux menés en classe sont des opportunités d'éveil à soi et non de possibles menaces d'évaluation de compétences. Tant que nous travaillerons sur des techniques en espérant améliorer un système carcéral, nous n'ouvrirons pas les grilles.
C'était un sabordage. Ou pas. Je n'en sais rien et en fait, je m'en contrefous.
J'ai dit que je ne voulais plus collaborer à ce désastre. Que je refusais d'être un "collaborateur". Maintenant, ils savent tous ce que je pense d'eux.
J'ai pris mon sac et je suis parti.
"Le déséquilibre entre le niveau du développement de notre environnement extérieur et celui de notre développement spirituel est très frappant. La vraie menace qui pèse sur l'homme aujourd'hui, ce n'est pas tant la guerre que cette aridité désespérée, cet arrêt du développement intérieur. Une éducation capable de sauver l'humanité n'est pas une mince affaire. Elle implique le développement spirituel de l'homme et le renforcement de sa valeur personnelle. " Maria Montessori.
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