Sénèque et la peur
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/09/2021
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Oh combien, ce texte me parle.
C'est une interrogation récurrente chez moi. Une interrogation fondamentale.
Est-ce que les peurs contribuent à l'amplification ou même à l'apparition du danger ou sont-elles nécessaires afin d'anticiper les effets de ces dangers ?
Mais si les dangers sont imaginaires, il est absurde de chercher à en identifier les risques.
J'ai longtemps pratiqué l'escalade et l'alpinisme et il était évident, au regard de mes expériences, que la peur n'était pas toujours justifiée et qu'il suffisait que mon imagination s'emballe pour que mon potentiel en soit amoindri, comme si la peur venait figer mes forces, pomper l'énergie nécessaire. La peur créait le danger. Ce que dit Sénèque, je m'efforçais de me l'appropier, que ça nourrise la sérénité dont j'avais besoin.
Qu'en est-il aujourd'hui au vu de la situation planétaire ?
Est-ce que Sénèque écrirait la même chose ?
La peur a-t-elle une utilité ? Biologiquement parlant, on sait qu'elle permet à l'organisme de produire des endorphines. Nous ne serions pas là si nos ancêtres de la préhistoire n'avait pas eu peur et n'avait pu trouver dès lors les ressources physiques nécessaires à la lutte. On sait tout autant que la peur porte atteinte à la lucidité et à la raison. Il s'agit donc de trouver le juste milieu.
Notre expérience de canyonning a été extrêmement enrichissante sur ce point.
La peur a joué le rôle de carburant, la peur pour Léo, ma peur pour Nathalie, la peur de mourir. Sans cette peur, nous serions peut-être morts. Mais c'est elle aussi qui nous a fourvoyés en nous privant pendant quelques instants de toutes sortes de réflexions, en nous empêchant de nous asseoir quelques minutes pour réfléchir.
Sommes-nous désormais, au niveau planétaire, dans un mouvement similaire au regard de toutes les peurs qui nous assaillent, de tous les risques qui nous entourent ? N'y-a-t-il pas dès lors un effet amplificateur au vu du nombre de personnes impliquées ? La peur est-elle amplifiée par la masse ? Oui, assurément. Il suffit de s'intéresser aux phénomènes de foule et aux désastres qui en résultent.
Alors, où en est-on ? Une hallucination collective nourrie par des medias qui savent comment gonfler leur audimat, nourrie par des scientifiques qui surfent sur la vague catastrophiste ?
Personnellement, je ne pense pas que tout ce qui a été écrit sur l'état de la planète soit le fruit d'esprits pervers et opportunistes. Je pense très clairement que l'humanité s'est embarquée dans une voie néfaste. Elle l'a fait pour de bonnes raisons et je ne conteste aucunement le fait que nous vivons bien mieux qu'il y a cent ans. Il serait absurde de dire le contraire.
Le problème, à mon sens, c'est que nous n'acceptons pas l'idée que ce temps de l'opulence et de l'insouciance est révolu. Il s'agit donc de se nourrir de nos peurs pour y puiser la force et la lucidité afin de changer de voie.
« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il nous prenne par la gorge. »
Winston Churchill
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