Pendant nos virées en montagne, nous voyageons avec un fourgon aménagé. Pendant la journée, parfois en VTT, nous trouvons souvent les coins perdus où nous allons nous installer le soir pour dormir. Jamais en camping ou sur une aire de stationnement, dans un village ou sur un parking.
Uniquement, le plus haut possible, dans les forêts, sur une piste forestière, un chemin, sous les arbres, là où il n’y a personne. Le silence de la nuit. Aucun bruit humain. Un ruisseau, le vent, une chouette. On entre sur la piste le soir, phares éteints et on s'enfonce, loin de la route. Aucun objet sorti du camion, pas de table de pique-nique ou de barbecue....Rien....
De temps en temps, nous écoutons les infos.
Et là, cette scission entre la nature et le monde humain prend toute son ampleur. Violence, agression, terrorisme, exclusion, guerre, misère, violences de toutes sortes, aux femmes, aux enfants, aux animaux, à la Terre, violence, violence, de toutes sortes, de celle des voyous à celle des gouvernements, de celle des caïds à celle du ministre de l’intérieur…
Nous nous sommes surpris parfois à ne pas nous sentir en sécurité en descendant vers les vallées, traverser une ville, nous garer, faire des courses, laisser le fourgon pendant une randonnée…De la crainte…Nous avions envie de remonter vers les hauteurs.
Réaction exacerbée par les infos, conditionnements effrayants qui nous amènent à craindre tout et n’importe quoi parce que les infos relaient systématiquement les actes violents et en oublient tout le reste, parce que cette paix de l’altitude nous ravit et nous apaise et que l’agitation des vallées nous effraie, comme si nous étions menacés, surveillés, attendus…
Paranoïa dont le gouvernement use et abuse, dont les médias se nourrissent sans comprendre qu’elles font le jeu des politiques…
Qu’on ne vienne pas me dire qu’il n’y a pas dans ces vallées des gens respectueux, honnêtes, intègres, ouverts, accueillants. Pourquoi cette activité des villes nous est devenue si inquiétante ? Est-ce un sentiment généré par notre amour de la solitude, est-ce une cassure si forte qu’elle en devient une peur ?
Dans l’Aubrac, un été, nous avons pris vraiment conscience de cet éloignement des deux mondes.
Ces paysans rivés à leur terre, témoins de la désertification des plateaux, du changement inéluctable de la vie, je les imagine descendre dans une grande ville, une hospitalisation, un évènement néfaste qui brise cette vie des hauteurs, ou une visite à la fille partie vivre à Marseille, Lyon, Grenoble…Le choc…
Mais comment est-ce possible d’être allé aussi loin dans la concentration humaine, dans l’isolement humain au milieu d’une fourmilière humaine.
Tokyo compte plus de 30 millions d’habitants, 14 000 habitants au km²…Qu’on me dépose au milieu et je meurs.
Quatre habitants au km² en Lozère. Pur bonheur.
Impossible de nier cette violence latente, ce sentiment étouffant d’être inséré dans un engrenage fou, une machine à broyer les êtres. Créer par les êtres eux-mêmes. Un système ? Qui le contrôle ? Y a-t-il un pilote dans l’avion ou les flux créés par la masse elle-même constituent-ils une marée sans retour, un vent dominant que plus rien ne peut contenir ? Cette impression effroyable que l’évolution humaine est une chute sans fin…Involution alors ? Une régression spontanée ? L’Univers est en extension et nous serions en contraction spirituelle ? Emportés par un mouvement de foule. Mondialisation, croissance démographique, économique, technologique…Oui, et alors ? Pour aller où ? J’ai 53 ans et déjà l’impression d’avoir assisté à une involution non contrôlée…Qu’en sera-t-il dans dix mille ans ?
On repart Là-Haut pour quelques jours......
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