Un très beau texte

Sans titre (eh oui ! va falloir lire le texte !)

Publié le  par Marie Ghillebaert

https://yogasesame.com/2017/08/15/sans-titre-eh-oui-va-falloir-lire-le-texte/

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Aujourd’hui, cela fait tout juste un an que j’ai créé – en plein cœur d’une situation difficile – ce site Internet pour présenter la salle que j’allais ouvrir deux semaines après.

Pleine d’incertitudes, je me disais : « Allez ! On verra bien… Je vais donner tout ce que j’ai à donner (et même ce que je n’ai pas) et si ça ne va pas, j’arrête. Il y aura bien autre chose qui se présentera. »

Et vu que rien d’autre ne s’est présenté…

Aujourd’hui, à quelques jours de la ré-ouverture après une période d’interruption estivale, les doutes ne m’ont toujours pas quittée. Ils se sont peut-être même intensifiés.

Mais bon. Allez ! On verra bien…

***

Il n’y a pas un texte, pas un seul, que je publie sans me demander : « À quoi bon rendre cela public ? Qui cela intéressera ? Ça ne parle que de moi et qui j’intéresse, moi ? »
J’ai toujours ce frein, cette résistance qui vient s’immiscer là, juste après avoir écrit, à cet instant même qui précède la mise en ligne de ce qui livre – même si ce n’est souvent qu’entre les mots – autant de mon intimité.
Et puis, je ne sais jamais pourquoi, je lance à l’eau, j’abandonne à la lecture d’autres que moi – de mêmes que moi, en fait – ce qui au fond ne m’appartient pas tant que cela.

Je parle de moi dans chacun de mes textes ; il n’y a en pas un, pas un seul, où je ne parle pas de moi. Mais je n’utilise pour ainsi dire jamais le « je ». C’est toujours avec beaucoup d’hésitation, voire même de réticence, que j’écris à la première personne.
Sans doute parce que je trouve le « je » trop personnel, trop exclusif, trop excluant et j’ai à coeur de ne pas parler que de moi mais de recouvrir des sensations, des émotions, des sentiments et des états qui peuvent être reconnus et partagés par quiconque me lit.
Et sans cela, pour la raison évoquée dans le paragraphe précédent, je ne publierai rien. C’est l’absence de « je » – qui ne signifie pas pour autant la négation de ma présence, bien au contraire – qui me permet de ne pas rester bloquée sur le frein.

Ici, je vais parler avec le « je ». Je n’ai presque pas le choix. Comme bien souvent lorsque j’écris, cela s’impose à moi.
Je vais écrire avec sincérité, comme je le fais chaque fois d’ailleurs, mais sans avoir besoin ici de me cacher derrière l’absence de « je » que je viens d’évoquer.
Il me coûtera alors d’autant plus de laisser partir ce texte pour être lu. Sans doute autant, sinon plus, que lorsque j’avais laissé partir ce texte ci (publié alors sur Yoganova magazine) : 
Faut-il être « bien roulée » pour « faire » du Yoga ?

***

Comme à chaque fois et – comme je l’ai expliqué précédemment – encore bien davantage cette fois, j’ai beaucoup hésité avant de décider de laisser partir ce texte. Il fallait que je sache pourquoi je le fais, sinon cela n’aurait aucun intérêt et aucun sens à mes yeux.

La raison qui m’est apparue comme étant la plus évidente est en lien avec ma constatation de plus en plus fréquente de cette sorte de mise en scène d’une prétendue et souvent déguisée « meilleure version de soi » dans toutes les sphères de la vie et en particulier dans celle du « bien-être » à laquelle le Yoga est assimilé.

Je ne suis pas fondamentalement opposée à l’idée de « vendre du rêve ». Mais, pour ma part, le Yoga est une science de la Réalité et non pas une sorte de scénario bien ficelé d’un bonheur standardisé à base de palmiers à la noix (de coco évidemment !), de thé detox qui purifie autant le côlon de toutes ses toxines que le mental de tous ses soucis, de postures de yoga quasi irréalisables mais qui donnent le plus beau sourire de l’Univers tout entier. Mais je ne vais pas m’étendre sur le sujet, je l’ai fait déjà à maintes reprises (entre autres, ici et, je l’ai cité plus haut : ).

Pour moi, la vocation du Yoga est de nous amener à sortir de l’ignorance dans laquelle nous sommes enfermés (et aussi dans laquelle nous nous enfermons, du reste !) pour nous ouvrir à la Connaissance. Et c’est la raison majeure pour laquelle j’offre l’énergie que j’ai consacrée à la rédaction de ce texte, comme à celle de tous les autres. Il m’est essentiel d’énoncer la vérité, même si elle n’est que la mienne.

Et la vérité que je souhaite énoncer ici c’est que non, la pratique du Yoga, et qui plus est le fait de la transmettre, ne prémunit pas contre les doutes, l’incertitude, le manque voire même l’absence de confiance et d’estime de soi. Non, atteint un certain nombres d’heures et même d’années de pratique, on n’est pas « sorti d’affaire » et on ne connaît pas la Béatitude jusqu’à ce que la mort nous sépare de notre actuel corps. Quel que soit le chemin sur lequel nous sommes engagés et le nombre de pas que nous avons fait sur celui-ci, nous n’avons jamais fini et je dirai même nous venons toujours à peine de commencer.

Après une discussion avec un ami hier soir (merci Xavier), j’ai également compris que ce qui importe le plus pour court-circuiter l’illusion du « paraître » qui divertit de l’essentiel est non pas – comme je l’ai longtemps cru et comme je reste encore si souvent tentée de le croire (je développe plus bas à ce propos) – de « disparaître », mais bien plutôt de « transparaître ». Disparaître revient à se placer dans un état d’opposition à ; tandis que transparaître c’est transcender, aller au-delà de la dualité en fait.

Alors voilà ce que je tente de faire ici en livrant ce texte « à visage découvert » : transparaître.

***

La sincérité – Satya en sanskrit – est pour moi l’une des valeurs les plus fondamentales. Elle est à mon sens très en lien avec la connaissance de soi (Svadhyaya), et donc évidemment avec le Yoga qui nous y initie. On peut en effet très bien se croire tout à fait sincère sans pour autant l’être faute en fait de se connaître vraiment… faute en fait d’être sincère avec soi-même en embrassant la totalité de ce que l’on est en somme. Dans nos dimensions paraissant être les plus gratifiantes mais aussi dans celles qui semblent les moins louables.

Alors voilà. La sincérité me doit de dire que j’écris présentement dans un état intérieur délicat, pétri avec peine pendant des heures et des heures de doutes et d’incertitudes.

Il y a quelques jours, j’ai annoncé ma reprise des cours après cinq semaines d’interruption (à l’exception de quelques cours particuliers). J’ai annoncé cette reprise comme il se doit et comme il en est : des informations clairement données et, à la fin, une phrase communiquant mon enthousiasme à reprendre.

Mais là aussi, la sincérité me doit de dire que, en rédigeant cette annonce, je me demandais – et il se peut très certainement que je me le demande encore à cet instant – comment j’allais pouvoir reprendre ? Comment vais-je pouvoir guider d’autres que moi alors que je ne suis, disons-le, même pas fichue de me guider moi-même en ce moment ?

Et toutes ces choses que je ne cesse de répéter, par écrit dans mes textes et à l’oral auprès de mes élèves, auprès de mes amis rares mais précieux, alors que je suis la première personne à avoir besoin de lire et d’entendre tout cela. La première ! Et pourtant ça peine encore si souvent autant à s’intégrer en moi… N’est-ce pas insensé ?

Et puis lorsque l’on me demande des références bibliographiques sur le Yoga – ce qui arrive fréquemment – je ne suis même pas capable d’en donner. N’ayant jamais lu sur le sujet, pas même les fameux Yoga-Sutra dont je me suis « contentée » de recevoir l’enseignement oral, comme tout le reste d’ailleurs, je ne peux apporter que ce que je ressens à travers ma propre pratique qui, bien que je m’y accroche depuis tant d’années, me semble pourtant m’avoir actuellement abandonnée.

Et pourtant…

***

Cela fait 14 ans que j’ai commencé à pratiquer le Yoga, 7 ans que j’ai commencé à le transmettre, 3 ans que j’ai commencé à publier ce que j’écris sur le sujet et 1 an que j’ai commencé à faire pousser Yoga Sésâme planté toutefois un peu malgré moi.

Mais tout ceci ne représente pas grand chose en fait.
C’est un temps en réalité non comptable, non mesurable, aussi insignifiant qu’une poignée de grains de sable qui, bien qu’on les maintient bien en main, parviennent tout de même à s’écouler, à s’échapper, à nous filer entre les doigts. A disparaître comme s’ils n’existaient que tant qu’on les tenait.

Ce temps ne représente rien.
Il n’existe pas un jour où je ne fais pas l’expérience de l’éternel recommencement où, du néant que je suis, il me revient de créer la réalité que j’ai à incarner.
Je me réveille chaque matin en ne sachant rien, en n’étant rien ; en ayant tout à apprendre et tout à être.
A chaque instant je pars de rien et de nulle part.
Tout reste à vivre.

Une vie qui n’est pas gagnée, qui n’est pas due, qui n’a même pas été demandée. Mais qui est là pourtant et qu’il me faut bien apprendre à aimer et à mener… sans la détruire ni la subir.

A chaque pas que je fais, le Ciel à hauteur de Cœur vers lequel je cherche depuis toujours à m’élever semble en fait toujours un peu plus s’éloigner.

Je me retourne parfois. Je peux mesurer le chemin parcouru. Et Dieu sait que oui, je reviens de loin. Je peux maintenant m’autoriser à le reconnaître.
Mais pourtant, bien que continuant à investir toute mon énergie à avancer sur ce chemin – parfois en le survolant presque sans aucun effort, souvent en ayant à m’extraire de la Terre où il me semble être enlisée – j’ai cette amère impression de ne jamais m’approcher du Centre.
J’y suis déjà pourtant. Nous y sommes toutes et tous déjà. Mais… bien que je le sache… je ne le sais pas.

Je ne le sais pas.

J’ai mis toutes ces années – et je continue encore – à me tirer à bout de bras d’un gouffre dans lequel je m’étais moi-même ensevelie, confondant les ténèbres avec la Lumière : à mesure où je m’allégeais, persuadée de pouvoir ainsi m’élever, je ne faisais en fait que m’enfoncer.
Étrange paradoxe de ne s’être jamais sentie aussi vivante spirituellement qu’en s’ingéniant à se faire disparaître corporellement jusqu’à n’être plus qu’une ombre suspendue ne se nourrissant à rien d’autre qu’au vertige de la mort.
Et la nostalgie de cette époque qui reste si souvent présente encore aujourd’hui, j’ai chaque jour à travailler encore et encore pour ne pas y glisser à nouveau et me laisser ainsi emporter dans ce fantasme à réaliser de parvenir à me désincarner d’un corps toujours trop lourd à porter.

Disparaître pour pouvoir être.

N’être plus rien : invisible, inaudible, impalpable… pour pouvoir être Tout : pure Lumière, pur Son et pure Présence. Immatérielle.

Ainsi, chaque jour tout est à recommencer.
Je ne sais rien, je ne suis rien.
Et ce néant duquel m’extirper et me convaincre de la nécessité d’être matière, de consentir à me laisser être faite de poussière pour pouvoir créer la réalité d’un Être qu’une Vie – pourtant même dédiée au Yoga – ne suffira pas à connaître et à aimer.
Mille fois égratignée – peut-être même mille et une – à tomber, et à retomber encore, et parfois plus bas encore que ce que j’aurai pu imaginer imaginable, je continue pourtant à remonter sans relâche à dos de ma volonté pour escalader l’immensité de l’inconnue que je suis pour moi-même.
En sachant bien néanmoins que demain il n’en restera plus rien.
Peu importe.
Il sera temps de recommencer demain.
Et après-demain.
Et les autres jours aussi.

C’est ainsi qu’une Vie se crée.

Que ce soit avec ou sans Yoga.
Recommencer.
Encore et encore.
Mais jamais cependant deux fois de la même façon.
Explorer en long, en large et parfois même en travers, à m’y perdre et à m’y retrouver, toutes les combinaisons possibles dans ce labyrinthe qu’est ce corps dans lequel j’ai été mise au monde.

Jusqu’au jour où jaillira en moi la Conscience que la Terre sur laquelle je tombe et retombe sans arrêt et le Ciel vers lequel je ne cesse d’aspirer à m’élever ne font en fait qu’Un.
Et ce n’est rien d’autre que moi-même qui leur fait office de lien.

***

À tant vouloir m’éloigner de la Terre et de tous les Êtres et de toutes les choses qui la constituent sur laquelle et parmi lesquels il me semble toujours prendre trop de place, non, je ne me rapproche pas du Ciel ; non, je ne me rapproche pas de moi-même.
J’avance et Cela me semble toujours autant, sinon plus, éloigné.
Me voici ainsi 
perdue au beau milieu de l’illusion d’une distance qui me sépare de Tout mais qui n’a en fait été créée par nulle autre que moi-même… alors qu’elle n’existe pourtant pas. Pas plus que le temps que j’évoquais plus haut.

Je ne suis en fait ni perdue entre la Terre et le Ciel, ni au centre de Rien ou de Tout. Je porte Cela – cette Vie et l’Amour de celle-ci – en moi autant que Cela me porte.
Et chaque jour je l’oublie.
Et chaque jour j’ai à m’en souvenir.
Encore et encore.

Pour chaque jour Le transmettre du mieux que je peux.

Et chaque jour renouveler d’essayer de convaincre la part de moi-même qui est persuadée que ce n’est pas assez – que je ne suis pas assez – que c’est tout de même mieux que rien…

***

À chaque instant, dans la douleur ordinaire de n’être qu’un Être limité et imparfait, faire ainsi l’expérience extraordinaire d’une création infinie et à jamais inachevée.

 

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