Une dernière fois sur le climat
- Par Thierry LEDRU
- Le 10/12/2024
- 0 commentaire
Avec cet article, je mets un terme aux partages de données sur la situation climatique.
Ceux et celles qui pensent que ce sont des fadaises, un complot, une manipulation, qu'ils passent leur chemin.
Quant aux autres, je leur souhaite le meilleur pour la suite, c'est à dire le moins pire.
https://reporterre.net/Pourquoi-le-seuil-de-1-5-oC-de-rechauffement-est-crucial
On a dépassé le seuil de 1,5 °C de réchauffement : pourquoi c’est grave
2024 sera la première année où le réchauffement de la Terre dépassera les 1,5 °C. Le franchissement durable de ce seuil décuplerait les dégâts du changement climatique et le risque de franchir d’irréversibles points de bascule.
C’est désormais officiel : 2024 va avec certitude devenir la première année calendaire à voir la Terre dépasser le seuil des 1,5 °C de réchauffement global par rapport à l’ère préindustrielle. C’est le service changement climatique de l’observatoire européen Copernicus qui en a fait l’annonce, lundi 9 décembre.
L’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C — sur lequel se sont engagés les États en signant l’accord de Paris — n’est toutefois pas encore factuellement dépassé. Car le climat connaît des variations naturelles d’une année à l’autre. Pour être officiellement atteint, le seuil de 1,5 °C devra être mesuré en moyenne sur plusieurs décennies. Copernicus mesure par exemple le réchauffement actuel à 1,3 °C, en prenant en compte la moyenne des cinq dernières années.
Même si les chances de tenir l’objectif de 1,5 °C paraissent aujourd’hui quasi-nulles, le chiffre est loin d’être seulement symbolique. Reporterre revient sur quelques-unes des raisons qui rendaient ce seuil crucial.
Le réchauffement annuel moyen par rapport au seuil préindustriel depuis 1940. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Les climatologues ont coutume de rappeler que « chaque dixième de degré compte ». Il n’est en ce sens jamais trop tard pour agir car toute hausse de la température ne fait qu’augmenter les risques d’emballement climatique et la survenue de catastrophes toujours plus intenses. Le seuil de 1,5 °C demeure cependant important car il a beaucoup été étudié par la science : les recherches montrent à quel point s’aventurer au-delà pourrait être dramatique pour de nombreux êtres, humains et non-humains.
10 millions de personnes en plus touchées par la montée des eaux
En 2018, le Giec publiait ainsi un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C. D’ici 2100, notaient les auteurs, un réchauffement limité à 1,5 °C, par rapport à un réchauffement de 2 °C, permettrait par exemple de réduire de 10 cm la montée du niveau des océans, exposant 10 millions de personnes en moins aux risques liés à la montée des eaux.
Pluies torrentielles, vagues de chaleur, baisses de rendements céréaliers, perte de biodiversité… Tous les dégâts sont bien plus forts à 2 °C qu’à 1,5 °C. Un cas emblématique est celui des coraux, très vulnérables aux vagues de chaleur marines et qui abritent 25 % des espèces océaniques connues : les pertes pourraient aller de 70 à 90 % à 1,5 °C de réchauffement, contre 99 % à 2 °C.
Les anomalies mois par mois de la température moyenne de l’air sur Terre depuis 1940. En orange l’année 2023, en rouge 2024. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Le seuil de 1,5 °C est particulièrement important pour les petits États insulaires en développement (PEID). Une étude publiée en 2023 dans la revue Nature Sustainability conclut que, même limité à 1,5 °C, le réchauffement menacera les PEID de dégâts majeurs, « conduisant probablement à des migrations forcées ». Et les choses empirent dès que l’on dépasse 1,5 °C.
C’est ce que soulignent aussi des chercheurs de l’Institut allemand Climate Analytics dans un rapport publié en avril : « À titre d’exemple, le montant des préjudices annuels dus aux cyclones tropicaux à Antigua-et- Barbuda augmenterait de près de moitié si le réchauffement climatique atteignait 1,7 °C en 2050 au lieu de 1,5 °C, et de plus de trois quarts avec un réchauffement climatique de 1,8 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C. »
« De même, poursuivent les scientifiques, le nombre de personnes exposées chaque année à des canicules au Sénégal augmenterait de près d’un tiers avec un réchauffement de la planète de 1,7 °C en 2050 par rapport à 1,5 °C, et de moitié si le réchauffement atteignait 1,8 °C à la même date. »
D’irréversibles points de bascule dans la balance
L’autre argument majeur pour tenir l’objectif de 1,5 °C, c’est la crainte que le climat terrestre soit sur le point de franchir plusieurs points de bascule. C’est-à-dire des transformations drastiques dans les écosystèmes, déclenchés par un certain seuil de température, et irréversibles. La disparition des récifs coralliens évoquée précédemment, ou la fonte de la calotte glaciaire au Groenland, font partie de ces points de bascule à éviter.
Une étude internationale parue dans Science en 2022 estimait que plusieurs de ces points de bascule risquaient d’être franchis, même à 1,5 °C de réchauffement. Et plus la température monte, plus le nombre de points de bascule et la probabilité qu’ils soient franchis augmente.
Sur la péninsule ouest de l’Antarctique, de nombreux glaciers fondent à une vitesse alarmante : les glaciologues ne savent pas si, pour certains d’entre eux, les points de bascule ne sont pas d’ores et déjà franchis, ou sont sur le point de l’être. L’objectif de limitation du réchauffement à 2 °C est, quoi qu’il en soit, jugé là-bas largement trop haut.
Les anomalies de température dans les océans non-glacés en novembre 2024. En rouge, les chaleurs anormalement élevées ; en bleu les zones anormalement froides. Copernicus Climate Change Service / ECMWF
Pour les États insulaires et les populations côtières notamment, la montée des eaux ne s’arrêtera pas en 2100 dans tous les cas, souligne le rapport du Giec sur le réchauffement à 1,5 °C. Si les calottes glaciaires franchissent ces points de bascule, elles pourraient continuer à fondre sur une échelle allant « du siècle au millénaire » écrivent les scientifiques, provoquant une montée des eaux de plusieurs mètres (contre quelques dizaines de centimètres anticipés en 2100). Ces instabilités glaciaires pourraient être déclenchées quelque part entre 1,5 °C et 2 °C de réchauffement.
« Il n’existe pas un unique point de bascule pour notre système climatique mais, résume à Reporterre la climatologue Kristina Dahl, vice-présidente de l’ONG Climate Central, chaque dixième de degré de réchauffement au-dessus de 1,5 °C nous rapproche du déclenchement de dégâts irréversibles, comme l’extinction d’espèces ou le relâchement du méthane très réchauffant contenu dans le pergélisol en Arctique. »
Il est de retour.
Dans quelques semaines, Donald Trump se ré-installera à la Maison Blanche.
Un milliardaire, pour qui le réchauffement climatique est « un canular », sera à la tête de la plus grande puissance mondiale.
Dans une décennie cruciale pour l’écologie, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps.
La société civile doit continuer de se soulever, de se mobiliser et de faire pression sur les puissants.
Mais pour agir, il faut savoir.
Depuis 11 ans, nous publions des articles de qualité sur l’écologie, en accès libre et sans publicité, pour tous.
Nous avons la conviction que l’urgence écologique est l’enjeu majeur de notre époque.
Et comme plus de 2 millions de lectrices et lecteurs chaque mois, vous partagez sans doute cette conviction...
Alors si vous en avez les moyens, sachez qu’un don, même d’1€, est un acte de soutien fort pour l’écologie et le journalisme indépendant.
(Et ça vous prendra moins de temps que la lecture de ce texte).
Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel. Merci.
Ajouter un commentaire