Agir ou réagir ?

"Le monde des hommes a oublié les joies du silence et la paix de la solitude qui sont, dans une certaine mesure, nécessaires à la plénitude de la vie. Si tous les hommes ne sont pas appelés à devenir ermites, tous ont besoin d’assez de silence et de solitude pour permettre à la voix intérieure secrète de leur être véritable de se faire entendre, au moins de temps en temps. Et lorsque cette voix n’est pas entendue, lorsque l’homme ne peut arriver à la paix spirituelle qui vient d’une union totale avec son être vrai, sa vie est toujours malheureuse et épuisante.

Car il ne peut vivre longtemps heureux s’il n’est en contact avec les sources de vie spirituelle cachées au fond de son âme. S’il est constamment exilé de chez lui, dans l’impossibilité de retrouver sa propre solitude spirituelle, il cesse d’être une personne. Il ne vit plus en être humain. Ce n’est même plus un animal sain. Il devient une sorte d’automate, fonctionnant sans joie parce qu’il a perdu toute spontanéité. Il n’est plus mû de l’intérieur, mais seulement de l’extérieur de lui-même. Ce n’est plus lui, ce sont les autres qui décident pour lui. Au lieu que ce soit lui qui agisse sur le monde extérieur, c’est le monde extérieur qui agit sur lui. Il avance dans la vie par une suite de collisions avec les forces du dehors. Sa vie n’est plus celle d’un être humain, mais celle d’une boule de billard sensible, d’un être sans but et sans aucune réponse vraiment valide à la réalité."

Thomas Merton
La vie silencieuse p 174, 175. Ed du Seuil, la vigne du carmel


 

 

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JUSQU 'AU BOUT

"On peut considérer les choses de deux façons : soit vous voyez la conscience comme unique mais possédant différents niveaux, comme si elle habitait dans un immeuble. Vous démarrez au rez-de- chaussée et vous essayez de gravir les étages. Le risque dans ce genre de métaphore, c’est de pouvoir à tout moment retomber aux étages inférieurs. Si par contre, vous considérez que les consciences sont multiples, vous les voyez comme possédant chacune une maison. Pour progresser, vous devez quitter la première demeure et intégrer la suivante. La distance vous séparant de la première demeure abandonnée vous protègera quelque peu du risque de faire demi-tour. Il faut en fait établir une séparation importante pour ne pas céder à la tentation. Et les tentations sont extrêmement nombreuses et perverses. Pour notre part, nous voyons quatre niveaux de conscience séparés. Le premier, c’est celui de l’homme endormi. C’est un état passif. Même si l’individu garde quelques souvenirs de ses rêves, il n’a rien contrôlé. Il s’est abandonné et ne cherche rien d’autre dans cet état que le repos. Le deuxième état, c’est celui de l’homme réveillé. A première vue, c’est un état de conscience actif, l’individu semble prendre des décisions, faire des projets, rencontrer d’autres personnes. Il s’agit en fait d’un état de sommeil agité. On dit « agité » car effectivement il connaît des moments d’activité. Mais il n’a toujours pas conscience de son moi profond, de son essence, de sa place comme participant dans une nature identique à lui-même. Il est toujours dans son moi enveloppé. Il n’existe qu’à travers sa personnalité qui n’est pas un état d’existence, ni de conscience. C’est un état d’inconscience où l’individu est actif mais jamais pensif. Tout arrive à cet homme là, ce qui fait qu’en réalité, il n’agit pas. Il réagit ! Malgré tout, il reste persuadé d’être conscient, ce qui rend extrêmement difficile toute tentative de l’attirer sur une autre voie. Le troisième état laisse entrevoir à de brefs instants des halos de clarté, la prescience que quelque chose de supérieur existe, qu’il est possible de le découvrir, qu’on se dirige vers une illumination. Mais tout cela provient de l’extérieur, c’est par exemple une musique, un paysage, une relation amoureuse, un regard d’enfant, parfois l’usage de drogues. Comme il n’y a aucune maîtrise de ces états, tout s’effondre désespérément, parfois au bout de quelques secondes. Nos conditions de vie sont beaucoup trop difficiles et abrutissantes pour permettre à l’individu de se mouvoir durablement dans ces états sublimes. Ce n’est pas l’homme lui-même qui est coupable mais ce que l’homme en général a fait de la vie. Une course effrénée. Il existe néanmoins un grand espoir lorsque l’individu a pu goûter à ce bref instant de bonheur. Si une aide extérieure peut le guider, un professeur ou un livre, à la demande bien sûr de cet individu, il est possible qu’il parvienne peu à peu à s’engager dans une voie nouvelle. C’est un travail très long. Voilà la difficulté principale. Quant au quatrième état, il existe lorsque l’individu parvient à contrôler ces états d’illumination, lorsqu’il a conscience de lui-même, hors de toutes pressions extérieures, baignant dans une paix absolue, et qu’il reçoit l’ensemble des émotions et des connaissances relatives à l’essence de l’être et à sa communion avec l’univers. Ce sont souvent des états décrits par des religieux, des mystiques, des ermites, quelques écrivains, des maîtres yogis, des sportifs parfois lorsque leurs activités impliquent un engagement dans une nature sauvage. Bien souvent, les hommes ne dépassent pas les deux premiers états, ceux qui éprouvent parfois quelques moments de clairvoyance en sont souvent effrayés et rejettent cela sur le compte de la fatigue, de l’alcool, du stress ou de toutes autres excuses réductrices. Le troisième état leur reste donc fermé. Quant au quatrième état, il ne peut être atteint qu’après avoir éprouvé durant de longues années de terribles échecs et quelques moments de sérénité et d’éblouissement, mais surtout après avoir réalisé un considérable travail sur soi."

 

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Commentaires

  • Isa Lise
    • 1. Isa Lise Le 25/11/2011
    Très juste.

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