Cinéma et littérature

Pour moi, le problème est le même qu'en littérature.

Les buzz médiatiques ne couvrent que des grosses productions, avec des stars.

Mais quand les scénarios sont totalement indigents, le casse pipe est au bout et TANT MIEUX. On peut en déduire, avec une once d'optimisme, que les spectateurs ne sont pas des bourrins qu'on mène à la cravache médiatique.

Dans la réalité, malheureusement, on comprend avec le deuxième article, que ces échecs commerciaux s'expliquent également avec les cachets astronomiques de ces stars.

C'est le système qui s'auto-détruit en quelque sorte.

Même constat en littérature. Les bulldozers ne drainent plus la masse et on parle d'une crise de la littérature. FAUX. Il s'agit d'une crise créée de toute pièce par ces médias qui courtisent les stars pour vendre leurs articles et qui délaissent l'immense création littéraire qui restera dans l'ombre. La qualité existe mais elle n'est pas montrée.

Même massacre au cinéma. Les films de talent existent.

On ne voit que ce qui est montré.

Pour le reste, il faut chercher soi-même.


2012 : le cinéma français déçoit

Le cinéma français n’a pas réitéré ses records atteints lors de l’année 2011. Loin de là. Les chiffres de la fréquentation pour l’année 2012 dépasse de peu les 200 millions d’entrées.

Le Centre national du cinéma (CNC) publiera ses comptes définitifs le 2 janvier mais, d’ores et déjà, après quatre années consécutives de croissance de la fréquentation et une année 2011 exceptionnelle avec 217 millions d’entrées, 2012 s’inscrit en recul de 5 % à un niveau légèrement au-dessus de 200 millions d’entrées. Si, en 2011, Intouchables, The Artist ou Polisse avaient accaparé le box-office, la part de marché des films français demeure, cette année, élevée, avec près de 40 % des entrées, ce qui constitue le meilleur résultat européen. En 2012, les films français réalisent plus de 80 millions d’entrées* avec des succès comme Sur la piste du Marsupilami (5,3 millions), Le Prénom (3,3 millions), Taken 2 (2,9 millions). En revanche, pour La vérité si je mens 3 (4,6 millions), Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté (3,7 millions), Les Seigneurs (2,7 millions), les entrées, bien que considérables, ne sont pas à la hauteur des budgets engagés. Sans parler d’un automne très terne avec des déceptions comme Stars 80 (1,8 million), Un plan parfait (1,2 million), Pamela Rose (270.000), et des échecs comme Nous York (614.000) ou Do not disturb (105.000 au terme de deux semaines d’exploitation).

On peut s’interroger sur la qualité des scénarios. Et également, comme le dénonce Vincent Maraval dans l’édition du Monde de vendredi, sur le salaire exorbitant des acteurs. Dans une lettre ouverte, le fondateur de la société de distribution Wild Bunch s’étonne que les stars nationales exigent des cachets "allant de 500.000 à 2 millions d’euros", alors que, dès qu’elles travaillent aux États-Unis, elles se contentent de "50.000 à 200.000 €". "Pourquoi, par exemple, Vincent Cassel tourne-t-il dans Black Swan pour 226.000 € et dans Mesrine pour 1,5 million d’euros?" Et Vincent Maraval d’ajouter que Dany Boon "s’apprête aujourd’hui à attaquer son nouveau film, Hypercondriaque, pour lequel on parle d’une somme proche de 10 millions d’euros"…

* Source Le Film français et CNC


L'année du cinéma français est un désastre. Pendant que Gérard Depardieu fait l'actualité et que les ministres rivalisent d'esprit pour en faire le scandale du moment et dénoncer son exil fiscal à 2 kilomètres de la frontière d'un pays dont il ne se sent "plus faire partie", personne ne parle du cinéma français. Or tous les films français de 2012 dits importants se sont "plantés", perdant des millions d'euros : Les Seigneurs, Astérix, Pamela Rose, Le Marsupilami, Stars 80, Bowling, Populaire, La vérité si je mens 3, etc.

Pas un film, sauf peut-être Le Prénom, pour gommer ce que toute la profession sait pertinemment, mais tente de garder secret : le cinéma français repose sur une économie de plus en plus subventionnée. Même ses plus gros succès commerciaux perdent de l'argent.

EXCEPTION CULTURELLE

Constat unanime : les films sont trop chers. Après les films des studios américains, la France détient le record du monde du coût moyen de production : 5,4 millions d'euros, alors que le coût moyen d'un film indépendant américain tourne autour de 3 millions d'euros. Ce coût moyen ne baisse jamais, alors qu'il y a toujours plus de films produits, que le marché de la salle stagne, que la vidéo s'écroule et que les audiences du cinéma à la télévision sont en perpétuel déclin face à la télé-réalité et aux séries.

Mais alors, pourquoi s'émouvoir ainsi sur le cas Depardieu ? Pourquoi ce déchaînement médiatique et politique ? Sans doute parce qu'il y a là un vrai scandale d'ordre plus général. On le sait, l'époque aime les cas particuliers. Mais le scandale qui nous intéresse les dépasse largement. Il est d'ordre systémique. On peut s'étonner de voir nos ministres s'en laver les mains.

Pourquoi si peu de voix s'en saisissent-elles dans le milieu du cinéma ? Parce qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil ? Que Delon, Hallyday et autres agissent de même depuis longtemps ? Dany Boon, par exemple, ce chantre de la France profonde qui vit à Los Angeles, obtient des sommes qui laissent un Gérard Depardieu sur le carreau, ratatiné. 3, 5 millions d'euros pour Le Plan parfait, dont les entrées ne seront pas suffisantes pour payer son salaire ! Un million pour quelques minutes dans Astérix, film qui fait exploser le ratio entrées/cachet/minute à l'écran...

MIRACLE DU SYSTÈME DE FINANCEMENT

Malgré ses récents échecs, grâce au miracle du système de financement du cinéma français, Dany Boon s'apprête aujourd'hui à attaquer son nouveau film, Hypercondriaque, pour lequel on parle d'une somme proche de 10 millions d'euros. Ce texte ne se transformera pas en lettre de dénonciation, je ne nommerai que ceux qui ont fait leur coming out fiscal. Mais ils sont nombreux, qui se disent à gauche, dénoncent les injustices, mais au fond n'en voient qu'une seule : leur niveau d'imposition.

Mais pourquoi, au fond, les acteurs seraient-ils pires que les sportifs ? Parce que leur carrière est potentiellement plus longue ? Non, le seul scandale, le voilà : les acteurs français sont riches de l'argent public et du système qui protège l'exception culturelle. A part une vingtaine d'acteurs aux Etats-Unis et un ou deux en Chine, le salaire de nos stars, et encore plus le salaire de nos moins stars, constitue la vraie exception culturelle aujourd'hui.

Pourquoi est-ce qu'un acteur français de renom, qu'il se nomme Vincent Cassel, Jean Reno, Marion Cotillard, Gad Elmaleh, Guillaume Canet, Audrey Tautou, Léa Seydoux, touche pour un film français - au marché limité à nos frontières - des cachets allant de 500 000 à 2 millions d'euros, alors que, dès qu'il tourne dans un film américain, dont le marché est mondial, il se contente de 50 000 à 200 000 euros ? Pourquoi, par exemple, Vincent Cassel tourne-t-il dans Black Swan (226 millions d'euros de recettes monde) pour 226 000 euros et dans Mesrine (22,6 millions d'euros de recettes monde) pour 1,5 million d'euros ? Dix fois moins de recettes, cinq fois plus de salaire, telle est l'économie du cinéma français.

Savez-vous que Benicio Del Toro, pour le Che, a touché moins que François-Xavier Demaison dans n'importe lequel des films dans lesquels il a joué ? Que Marilou Berry, dans Croisière, touche trois fois plus que Joaquin Phoenix dans le prochain James Gray ? Que Philippe Lioret touche deux fois plus que Steven Soderbergh et sept fois plus que James Gray ou Darren Aronofsky ? Pourquoi s'en priveraient-ils ?

Et pourquoi Depardieu est-il le salaud ? Lui qui fait Mammuth gratuitement pour permettre au film d'exister et propose de faire la même chose pour DSK de Ferrara. Pourquoi Vincent Cassel, qui met son argent et son énergie au service de jeunes talents comme Kim Chapiron ou Romain Gavras, serait-il plus coupable que le système ?

DES ÉCHECS ÉCONOMIQUES

L'explication, jamais le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ni la ministre ne l'ont fournie : la subvention directe dont jouit le cinéma français (chaînes publiques, avances sur recettes, aides régionales), mais surtout la subvention indirecte (l'obligation d'investissement des chaînes privées). Voilà pourquoi tous les échecs de 2012 mentionnés ci-dessus n'ont guère ému la profession, et que ceux-ci n'ont pas suscité d'articles de fond. Et pourtant, rendez-vous compte ! Sur le top 10 des films d'une économie qui en concerne 220, un seul est rentable !

Il est vrai, les scores de ces films ne sont pas honteux : 6 millions d'entrées pour le Marsupilami, 4 millions pour Astérix ou La Vérité si je mens, 3 millions pour Les Seigneurs, 2 millions pour Stars 80, 1 million pour Populaire... Ils sont même bons dans l'absolu, et il est probable que le niveau d'entrées 2012 ne va guère baisser par rapport à 2011, la fameuse année d'Intouchables. Mais ce sont tous des échecs économiques parce qu'ils coûtent beaucoup trop cher.

Astérix, à 60 millions d'euros, a le même budget qu'un film de Tim Burton. Voilà qui laisse rêveur... Stars 80 plus cher que The Hangover ou Ted. Ça laisse pantois... Et tout autant Populaire, plus cher que Black Swan ou Le Discours d'un roi ! La responsabilité de cette situation n'est pas à chercher, hélas ! dans une supposée incompétence de nos producteurs, mais dans ce que les Américains appellent le "above the line " ("la surévaluation"), les cachets qui font de nos talents, inconnus au-delà de nos frontières, les mieux payés du monde.

Mais à quoi servent de tels cachets si les résultats ne se matérialisent pas en recettes économiques ? En réalité, ils permettent d'obtenir le financement des télévisions. Black Swan se finance sur le marché. Il n'y a dans son financement aucune obligation, aucune subvention, l'acteur est donc payé pour ce qu'il vaut, 226 000 euros. Mesrine, en revanche, a besoin de ce financement pour exister, ce qui explique que l'acteur se retrouve avec un pouvoir de vie ou de mort sur le projet, et ce en fonction de sa valeur télé. Il réclame donc sa part du gâteau. Lui sera payé entre 1 et 1,5 million d'euros. Qui peut l'en blâmer ? Cela devrait vouloir dire qu'il touche là le fruit de sa notoriété sur le marché télévisuel. Sauf que le cinéma enregistre des contre-performances à la télévision. Sans les obligations légales issues de notre système public de financement, il y a bien longtemps que "Les Experts" et la "Star Ac" auraient réduit à néant les cases "Cinéma" des chaînes de télévision.

JETÉ À LA VINDICTE PUBLIQUE

Est-ce à l'individu qu'il revient de "réguler" le système sous peine d'être jeté à la vindicte publique comme Gérard Depardieu ou est-ce au CNC et à son ministère de tutelle de le faire ? A l'heure où François Hollande veut que les patrons des grandes entreprises publiques limitent leurs salaires, laissera-t-on les "hauts salaires" du cinéma gagner plus qu'ils ne valent, et ce grâce à de l'argent public, à un système unique, exceptionnel de financement ? Est-il normal qu'un Daniel Auteuil, dont les quatre derniers films représentent des échecs financiers de taille, continue à toucher des cachets de 1,5 million d'euros sur des films coproduits par France Télévisions ?

Le fameux système d'aide du cinéma français ne profite qu'à une minorité de parvenus. Mais jamais cela ne provoquera un scandale aussi retentissant que l'exil fiscal de Gérard Depardieu. Les miettes que laisse ce système réduisent en effet au silence ceux dont le rôle serait de pousser l'analyse.

Une idée simple : limitons à 400 000 euros par acteur - et peut-être un peu plus pour un réalisateur -, assorti d'un intéressement obligatoire sur le succès du film, le montant des cachets qui qualifient un film dans les obligations légales d'investissement des chaînes de télévision. Qu'on laisse à Dany Boon un cachet de 10 millions d'euros, si telle est véritablement sa valeur marchande. Mais alors que ce soit en dehors de ces obligations. Et redonnons ainsi à notre système unique et envié sa vertu en éliminant ses vices.

Le catalogue de Vincent Maraval

Wild Bunch, créée en 2002, détient un catalogue de plus de 1 700 films. Plusieurs films distribuésou vendus par Wild Bunch ont reçu des distinctions : "The Artist", de Michel Hazanavicius (Oscars, 2012),"La Part des anges", de Ken Loach, (Festival de Cannes, 2012),"Mr Nobody", de Jaco Van Dormael (Mostra de Venise, 2009), "La Saveurde la pastèque", de Tsai Ming-liang (Berlinale, 2005)

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