Constance de Polignac

Cette grande Dame est partie voir ailleurs. On peut l'imaginer heureuse au regard de son cheminement terrestre et de ce que les épreuves lui ont enseigné. Rencontre avec une femme remarquable.

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SPIRITUALITÉS

Nos épreuves 
nous rappellent 
à l’essentiel...

Plutôt que de tenir son rang dans le milieu huppé 
dont elle est issue, la princesse Constance de Polignac, 
en quête de spiritualité, a préféré prendre la tangente 
chez les peuples premiers d’Afrique et d’Amérique.
Retour sur le chemin de vie d’une grande dame au regard vrai.

Issue de l’une des plus grandes lignées de l’aristocratie française, la princesse Constance de Polignac ne doit pas uniquement la dignité qui émane de sa personne à son rang, mais aussi et surtout à la souveraineté intérieure qu’elle a su affirmer au fil de son exceptionnel chemin de vie. Quatrième fille du prince Guy de Polignac, venue au monde dans un milieu extrêmement patriarcal, où la tradition, les convenances, l’avoir et le pouvoir priment sur les qualités de l’être, sa naissance ne répond pas à l’attente de l’héritier masculin tant désiré. Rejetée par ses parents et confrontée tout au long de sa vie à de multiples épreuves, elle est très tôt pénétrée par les « forces de l’ailleurs », imprégnée par la lumière et initiée à ne plus craindre ni l’ombre ni la mort. 

Portée par « l’intelligence de la vie », centrée dans une « matrice d’amour », elle n’hésite pas à passer, par le biais de ses activités diplomatiques et humanitaires, des grands salons parisiens à la rencontre de peuples premiers d’Afrique et d’Amérique qui la reconnaissent d’emblée comme « initiée ». Conviée plusieurs années consécutives à participer à de puissants rituels de guérison à leurs côtés, ces expériences d’ouverture de conscience lui permettent de dépasser les écueils de son hérédité et de retrouver ses racines universelles. Aujourd’hui présidente de deux fondations qui gèrent le vaste domaine de Kerbastic, dans le Morbihan, et la forteresse de Polignac, en Haute-Loire, elle redonne vie aux héritages de sa lignée grâce à la fertilité recouvrée de sa terre intérieure. Le chemin accompli vers son être profond s’incarne dans la matière, mettant ses « fruits d’or » au service de l’intérêt collectif, de l’écologie, de l’insertion, de l’art et de la connaissance de soi.
À travers son livre Ma vie en révolution, elle nous offre un témoignage hors de commun qui nous appelle à faire sortir le féminin de notre être, à entrer en amitié avec notre corps, à alchimiser nos souffrances et à découvrir le potentiel infini qui se cache dans les êtres finis que nous sommes. Rencontre avec une grande dame au regard vrai, à la présence à la fois douce et puissante, de laquelle transparaît une véritable noblesse…


Vous dites avoir vécu votre première expérience spirituelle à l’âge de 5 ans. Comment s’est-elle manifestée ? 

 

Je crois que j’avais déjà la sensation d’appartenir à un autre monde

Avant même que celle-ci advienne, je crois que j’avais déjà la sensation d’appartenir à un autre monde. Je venais de rentrer des États-Unis où ma mère, déçue et coupable d’avoir encore donné naissance à une fille, m’avait laissée quatre années durant seule chez ma grand-mère, qui n’aimait guère les enfants. À mon retour en France, je découvrais un petit frère que je n’avais pas le droit d’approcher. Je subissais encore le rejet et l’exclusion. C’est là qu’un jour, enfermée dans le cagibi, alors que je hurlais ma peur et ma colère, je fus traversée par une lumière douce et intense, comme enveloppée par les ailes d’une fée. J’eus l’impression de devenir moi-même cette lumière, que chacun de mes atomes en était empli. Je sus alors que j’étais aimée profondément par la vie. Cette expérience a été une véritable transfiguration qui m’a confortée dans mes ressentis de petite fille, à savoir que tous les protocoles et les conventions des adultes qui m’entouraient n’avaient pas beaucoup de sens. Nous n’étions pas sur terre pour nous faire souffrir mais pour retrouver l’unité, faire un avec le tout !


Vous avez par la suite connu l’abus, trois accidents suivis de coma, plusieurs épisodes de maladies, le décès de votre fils, puis de votre mari, etc. Au fil de toutes ces épreuves, n’avez-vous jamais perdu foi en la vie ?

Je ne vois pas ces événements comme des épreuves mais comme des portes qui me « réactivaient » et venaient me rappeler à l’essentiel, me susurrant à l’oreille : « N’oublie pas d’où tu viens, ni qui tu es vraiment. » Je ne dis pas que je n’ai pas souffert, je me trouvais souvent privée de toutes mes évidences, mais quand je finissais par capituler et par accepter, alors la vie rejaillissait de plus belle, les sensations d’unité et de béatitude m’imprégnaient de nouveau. 
À chaque fois, je me découvrais dépositaire d’une force et d’une clarté accrues, et je comprenais à quel point toutes ces difficultés étaient vraiment des initiations, des épreuves qui m’étaient offertes pour faire mes preuves, me dépasser et me révéler. C’est vrai que la vie ne nous initie pas toujours de manière très tendre et c’est dommage que dans notre société, nous y soyons si peu préparés…
Toutes ces piqûres de rappel du « monde vrai » et de mon essence lumineuse m’ont permis de ne pas me perdre, de ne pas me laisser intoxiquer par mon milieu, de garder ma ligne directrice. Au bout d’un moment, la souffrance n’avait plus de prise sur mon âme qui savait qu’une existence sans mise à l’épreuve ne serait qu’illusion. 


 

Mon grand problème était de m’incarner

Vous avez retrouvé cette sensation d’unité lors de vos initiations chez les peuples premiers. Suite à ces expériences fortes d’ouverture de conscience, n’avez-vous jamais craint de perdre pied dans votre réalité terrestre ? 

Au contraire, mon grand problème était de m’incarner. Par rejet ou par crainte du monde tel qu’il était, je me tenais, consciemment - ou inconsciemment - loin de beaucoup de choses. J’étais souvent hors de mon corps et ces initiations m’ont aidée à m’ancrer. Ici, je n’étais pas loin d’être déclarée folle, et ça aurait arrangé tout le monde. Auprès des peuples premiers, mes ouvertures de conscience étaient au contraire perçues comme des privilèges.
Chez eux, chacun peut être comme il est. Les rituels avec les plantes maîtresses sont justement faits pour décharger tout ce qui nous en empêche, tous ces réservoirs de non-dits, de tristesse, de frustration, de rage, qui sont incommensurables dans nos sociétés et voilent notre être véritable. Au travers des danses, des chants et de l’accompagnement du maître, on évacue peu à peu tout ce qui nous encombre, on peut se « recréer » et laisser l’authenticité de l’être prendre place. Quand je revenais de voyage, je pouvais reprendre mes responsabilités beaucoup plus facilement, car j’étais davantage moi-même, ancrée et affirmée, j’étais plus reliée que jamais à mon corps, à mes sens et à mon intuition. Vous savez, dans les initiations, qui ne sont pas toujours des parties de plaisir, vous percevez le monde invisible dans lequel vous avez affaire à des forces très puissantes, positives et négatives. Quand vous vous êtes retrouvé face à ça et que vous n’en avez plus peur, vous pouvez être confronté à beaucoup de choses, vous ne perdez plus votre axe. Et ici, il y en a, des forces qui détruisent…


Vous écrivez : « Ne devons-nous pas d’abord nous laisser conduire au cœur des zones d’ombre, pour ensuite y découvrir cette étincelle de lumière créatrice qui permet à notre âme d’agir en nous ? » Cette rencontre avec l’ombre fait-elle donc nécessairement partie du chemin initiatique ? 

C’est inévitable. Ne prendre que le bon côté ne serait pas réaliste. Nous ne sommes pas là pour ça. Personnellement, j’ai constaté à quel point mon histoire familiale était pleine de meurtres, de trahisons, etc. Je portais cela en mémoire, comme chacun a les siennes. Ces mémoires sont inscrites au cœur de nos cellules et nous chargent parfois d’un corps de souffrance qui bloque notre évolution. Les religions, la culture, l’éducation, etc., ont mis des coups de polish à n’en plus finir sur ces aspects obscurs de nous-mêmes. Mais en attendant, le germe de violence, de haine, de destruction est là, en chacun de nous. Si on refuse de le voir, on se trompe, et un jour ou l’autre, ça vous saute à la figure. Tous les grands mystiques, comme Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et bien d’autres, ont parlé de cette nécessaire rencontre avec l’ombre. 


Et quel est, d’après vous, le juste comportement à adopter face à ces ombres ? 

Tout d’abord, je ne dis pas qu’il faut passer sa journée à aller chercher et gratter des choses épouvantables. La vie se charge naturellement de nous les montrer. Ensuite, s’en libérer, c’est déjà accepter que ces mémoires soient là et consentir. Vous les regardez en face, honnêtement, vous acceptez d’en être issu. Ainsi, vous vous réappropriez ce qui vous constitue et vous n’êtes plus là à refuser de voir ou d’entendre quelque chose, ce qui crée forcément une tension. « Consentir » est pour moi très important : il ne suffit pas d’accepter intellectuellement mais de ressentir tout ce que ça représente. Il ne faut pas avoir peur d’aller jusque-là. Mais seul, ce n’est pas toujours évident, ça peut même être très déstabilisant et on a parfois besoin d’être bien accompagné. Et puis quelquefois, il suffit de taper dans un punching-ball et ça marche très bien aussi ! Personnellement, le sport extrême m’a ¬beaucoup aidée !
Le tout, c’est d’accepter notre polarité. Cela ne veut pas dire « séparation ». Nous avons fait de nous des êtres séparés justement parce que nous mettons l’ombre de côté. Alors que si on se prend juste pour ce que l’on est, c’est-à-dire des êtres polarisés, on relâche la tension, on se réunifie et on peut avancer. Nous avons deux pôles, ces pôles nous constituent, l’important c’est de les accueillir et d’essayer de les équilibrer. 


Vous appelez de vos souhaits la réhabilitation du féminin « pour que la terre soit le réceptacle de l’amour incarné ». Comment définiriez-vous le féminin ? 

 

Nous oublions trop souvent que notre corps est plein de rythmes

On entend beaucoup parler du « féminin sacré » et je ne sais pas pourquoi ! Pour moi, le féminin n’est pas plus sacré que le masculin. Ce qui devient sacré, au sens de « là où ça se crée », c’est justement une personne qui a équilibré ses polarités et en cela, a retrouvé toute sa puissance créatrice. Souvent, on décrit le féminin par les vertus de sensibilité, de douceur, de finesse... C’est vrai, mais n’oublions pas que c’est aussi une puissance énorme ! Il n’y a pas un seul être humain sur cette terre qui ne soit passé par le ventre d’une femme ! Le féminin est aussi proche des rythmes, des cycles, et il n’y a pas de mouvement sans rythme. 
Quand j’étais dans la forêt vierge et que je dansais pendant des heures, je revenais aux rythmes originels de la vie et ça me guérissait. Nous oublions trop souvent que notre corps est plein de rythmes : cardiaque, cérébral, pulmonaire, hormonal, etc. Quand vous laissez les rythmes vous pénétrer, que ce soient ceux des tam-tams ou de la nature, ils éveillent votre sensibilité et vous replacent dans votre corps. Cela est fondamental pour vivre bien, les peuples premiers le savent, alors que dans notre culture, nous restons cantonnés dans notre tête et percevons le corps comme une machine. Nous l’exploitons au maximum et, quand il déclare forfait, nous le boostons avec de la chimie, nous nous fichons de tout le travail que cela lui impose et nous nous étonnons d’avoir mal ailleurs ! Pourtant, notre corps sait parfaitement s’autorégénérer, mais encore faut-il lui en laisser la possibilité. Peu de personnes ont l’art d’être malade. 


C’est-à-dire ? 

Il s’agit d’abord d’accepter la maladie comme le « mal à dire », d’écouter notre corps et de l’accompagner. La sagesse de notre corps est merveilleuse ; il possède une vraie aptitude à créer toujours plus d’ordre et de bien-être. La médecine allopathique est incomplète car elle veut faire disparaître les symptômes sans chercher à les comprendre. On veut s’en débarrasser car ils sont « gênants », ils nous font « perdre du temps ». Tout ça pour rester ¬rentables, productifs, et ne pas renoncer à nos projets. Mais que projette-t-on en réalité ? Toutes nos absurdités, nos inconséquences, nos séparations… On ne peut pas prétendre avoir des sociétés harmonieuses sans commencer par soi-même. C’est un chemin exigeant mais essentiel. Mon état de santé a été la priorité pendant des années. Heureusement, j’ai toujours eu cette autre vision des choses qui m’a permis de tenir le cap jusqu’ici. Dans les moments les plus difficiles, maigrissant parfois beaucoup et allant jusqu’à me retrouver en chaise roulante, je ne perdais pas de vue que mon corps était en train d’épurer des mémoires mortifères. Je lui offrais mon consentement total et essayais de l’aider au mieux par des moyens non violents, une alimentation vivante, une eau dynamisée dont les énergies ont été restructurées, des jeûnes fréquents, des cures de détoxination, etc. 


Quel rapport entretenez-vous avec la nature ? 

Je la trouve fascinante. Regardez bien, il n’y a aucun angle droit et l’énergie peut circuler avec fluidité. Tous les éléments sont interreliés et échangent en permanence de l’énergie pour maintenir l’équilibre de l’ensemble. Chez les Pygmées, lors de nos longues balades dans la forêt vierge, je me sentais en plein cœur d’un réseau de forces dont nous étions à la fois récepteurs et émetteurs. Je me sentais à ma place, tout autant que la terre, le ciel, les arbres, les pierres, les sons, les couleurs, tous reliés et dotés de la possibilité de nous accorder et de nous harmoniser. L’état de conscience dans lequel nous nous trouvions avec mes amis faisait que nous pouvions communiquer intuitivement sans parler la même langue, élargir nos perceptions à l’univers entier et participer à la création de mondes et de nous-mêmes…


 

Laissez donc votre tête tomber dans votre cœur !

Pour vous, y a-t-il un lien évident entre l’écologie et la conscience ? 

Oui, certainement ! Plus notre conscience s’ouvrira, plus nous découvrirons à quel point nous sommes tous reliés et plus nous serons enclins à protéger la terre. En Amazonie, sur les peintures visionnaires des chamanes ayahuasqueros, on retrouve très souvent le symbole de l’ADN. Car leurs visions les amènent au cœur des cellules où ils découvrent l’interrelation entre tous les règnes. La vie est ainsi faite, mais nous l’oublions. C’est pour cela que je dis souvent aux personnes que j’accompagne : « Laissez donc votre tête tomber dans votre cœur ! »


Est-il est important que l’humanité redécouvre ce potentiel de vivre entre les mondes, entre terre et ciel ? 

C’est même essentiel ! Les visions, les transes, les extases, les rêves des peuples racines leur apprennent à vivre en harmonie avec leur environnement. L’évolution humaine s’est faite grâce à ces états visionnaires. Nos ancêtres connaissaient aussi ces passages entre les mondes. Les compagnons bâtisseurs, par exemple, utilisaient une géométrie sacrée faite de codes pour construire nos cathédrales dans le but d’en faire de vrais intermédiaires entre le ciel et la terre. Mais tout cela s’est perdu, les cathédrales ont été restaurées sans en tenir compte et elles ne remplissent plus leur fonction première. Heureusement, elles peuvent être réactivées énergétiquement. Et alors, c’est merveilleux : plus vous avancez en elles, plus vous sentez que ça vous régénère ! Au fond de la nef, vous arrivez au lieu des initiés, à savoir ceux qui ont passé les épreuves, qui ont été préparés, pour être capables de recevoir une énergie plus puissante et de vivre l’intense processus alchimique qui va révéler la beauté de l’être. Aujourd’hui, ce processus n’est plus réservé aux seuls initiés. Nous sommes tous conviés à cette transmutation et s’il y a de plus en plus d’expériences de mort imminente, c’est bien pour montrer aux êtres humains où est l’essentiel… Si nous considérons l’univers et notre petite personne seulement comme une mécanique, alors nous ne pourrons avoir qu’une vie mécanique. Mais si nous nous considérons comme une matrice dépositaire d’un potentiel infini, alors notre vie peut devenir infiniment créatrice.


Au fil de votre chemin, vous dites avoir retrouvé vos racines universelles. Qu’entendez-vous par là ? 

J’ai retrouvé ma place dans l’univers. Des racines, ça, j’en avais, mais ça faisait des nœuds ! Il fallait vraiment que j’aille voir au-delà. Par mes expériences, je savais que l’essentiel était ailleurs…


Et quand on remonte le fil vers ces racines universelles, où arrive-t-on ? 

On arrive à l’Être. Et l’âme est ce lieu où l’Être se manifeste, même en filigrane…


Vous racontez avoir perçu dès votre plus jeune âge la présence d’esprits et de guides. Peut-on autant puiser notre source du dedans que collaborer avec une intelligence plus grande ? 

Notre âme est justement là pour établir une « reliance » entre le dedans et le dehors. Plus on lui laisse de place, plus les choses peuvent se faire tranquillement… Nous sommes ces êtres finis qui contenons et générons de l’infini ! C’est ce qu’on retrouve dans la fleur de vie et son infinité de fractales contenue dans un cercle. L’important, c’est de ne pas l’oublier ! Car ainsi nous ne subissons plus notre vie, nous retrouvons notre souveraineté, nous découvrons notre puissance et nous prenons conscience qu’il ne nous est jamais demandé plus que ce que nous pouvons, ni moins.
 

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