L'ego encapsulé (3)

 

 

"Korzybski, le père de la sémantique générale, a qualifié l’humanité de lieuse de temps, parce qu’elle a le sens de l’avenir. Apparemment, les animaux ne le possèdent pas, car ils ne prévoient pas. Les sciences sont, en effet, une forme de prédiction. Mais notre pouvoir de prédiction constitue à la fois un avantage et un désavantage. D’une part, à partir du moment où il peut prévoir, l’homme possède un pouvoir sur l’avenir. D’autre part, il est troublé parce qu’il sait qu’il mourra et qu’il n’a pas d’avenir véritable. C’est un atout déprimant. Alors il se donne dix ans ou un peu plus. Il se décharge des responsabilités plus lointaines sur ses enfants."

Allan Watts

 

Il est évident que la conscience de notre mort en temps qu'individu est à la source de notre course en avant, de ce "toujours plus" qui caractérise les sociétés occidentales et même désormais les sociétés orientales. Il nous faut acquérir le pouvoir de jouir de cette vie avant qu'elle ne s'arrête. Et c'est une véritable angoisse qui ne trouve son apaisement que dans cette euphorie, cet activisme, cette frénésie à faire. Je ne vais pas tenter de faire ici un résumé des milliers de livres qui ont été écrits sur le sujet. 

Tout cela n'aurait pas été problématique si ça n'avait pas engendré toutes les exagérations dont nous vivons désormais les effets. Car, à se penser individuel, à se voir comme une identité séparée du tout, nous n'avons plus conscience de la portée universelle et intemporelle de nos actes. 

Encore une fois, j'entends les critiques fuser, comme je les lis bien souvent sur les forums ou blogs qui abordent les thèmes de "survivalisme", de "décroissance", de "changement de paradigme". Les adversaires de ces idées qui ricanent en imaginant la vie de ces "suvivalistes" dans leurs grottes, à la lumière de la bougie, à faire cuire quelques racines dans une vieille marmite, sur un feu de bois et à collectionner les reliques d'un monde moderne écroulé.

C'est juste pitoyable et j'en ai encore été le spectateur aujourd'hui sur un forum économique. Je n'ai même pas essayé de participer aux échanges. J'en suis fatigué. 

C'est si facile de réduire celui qui pense autrement à un déglingué du bulbe.

Mais bon, comme le dit le dicton populaire, "c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses."

Nous ne sommes pas des identités séparées de tout. Cette idée, c'est celle que Allan Watts a appelé "l'ego encapsulé".

Et c'est à la source de toutes les dérives de l'humanité. 

 

L'ego encapsulé.

L'ego encapsulé (2)

 

Dans le concept de "croissance verte", de "développement durable", ou dans "l'écomodernisme", il n'est aucunement question de remettre en question ce fonctionnement de l'ego encapsulé. Il s'agit avant tout de le péréniser au mieux. Et c'est bien pour cela que ça n'a pas de sens. Nous continuons à marcher dans la même direction, avec les mêmes objectifs, avec la même "philosophie".

Il n'y aucun changement dans tout ça. Il ne faut donc y espérer aucune solution durable. C'est juste une façon de prendre le problème et de le rejeter un peu plus loin.

Beaucoup répondront que ça n'est pas bien grave. Ils seront morts avant que le véhicule ne bascule dans le fossé. Une preuve supplémentaire de la puissance mortifère de l'ego encapsulé.  

 

 

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