Le chaos humain

Le roman en cours est une projection sur le chaos humain lorsque tous les garde-fous sont tombés. Il n'est pas nécessaire que je cherche à imaginer ce qui est de l'ordre de l'envisageable. Il me suffit de lire les actualités. 


Irma. Pillages, agressions et bandes armées : tensions à Saint-Martin

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  • Sur l'île dévastée de Saint-Martin, règne maintenant la loi du plus fort.
    Sur l'île dévastée de Saint-Martin, règne maintenant la loi du plus fort. | AFP

Hervé HILLARD

Sur l’île française de Saint-Martin, Irma a fait parler sa violence, l’homme laisse maintenant éclater la sienne. Au sein même des décombres et des ruines prolifèrent bandes armées, pillages, agressions. Le chaos. La loi du plus fort. Les autorités tentent de reprendre la situation en main, mais les témoignages glaçants se succèdent.

« C’est la mort ici. On est enfermé dans la résidence, plus de logement, ça pue la pisse, la merde, l’horreur. On peut pas sortir dehors : coups de feu, coups de machette. Heureusement dans la résidence on est solidaire, mais on commence à devenir dingue ».

« À Saint-Martin, ce n’est plus la force de la nature, mais la loi du plus fort. Mon père ne peut plus sortir, car dans les rues, les gens se baladent avec des armes et tirent sur la population pour récupérer des biens et des denrées alimentaires. Il dit également qu’il y a énormément de morts et non pas 8, puis 4. »

Pillages, agressions, bandes organisées qui sillonnent l’île, cambriolent les maisons et fracturent les magasins, machettes et revolvers dans les rues : depuis mercredi et le passage de l’ouragan Irma sur l’île de Saint-Martin, les témoignages de ce genre se multiplient sur les réseaux sociaux.

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Une évasion de détenus démentie

Le chaos et la violence ont pris racine dans les décombres mêmes de l’ouragan. Plusieurs médias français, citant une femme capitaine de gendarmerie de la partie française de Saint-Martin, ont annoncé samedi que 250 détenus s’étaient évadés de la prison partiellement détruite de Pointe Blanche de Sint Maarten (partie néerlandaise), affirmant que des détenus auraient fracturé l’armurerie de la prison et se seraient emparés d’armes.

Édouard Philippe a démenti l’information, affirmant qu’elle n’était « pas avérée par les autorités néerlandaises ». Ajoutant qu’il était en contact permanent avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Lequel a averti les auteurs de pillages dans la partie néerlandaise de l’île de Saint-Martin dévastée par l’ouragan Irma que la police et l’armée étaient « prêtes à agir pour réprimer ces actes ». Mais a aussi reconnu que les pillages n’étaient toujours pas « sous contrôle », soulignant que les circonstances étaient « compliquées ». Presque un aveu de faiblesse, d’impuissance.

 

Un des innombrables témoignages qui circulent sur les réseaux sociaux.
Un des innombrables témoignages qui circulent sur les réseaux sociaux. | Capture écran

 

Des soldats en nombre suffisant ?

Quelque 230 soldats néerlandais se trouvent sur l’île, et une centaine d’autres doivent y arriver d’ici lundi. Si nécessaire, 150 militaires supplémentaires seront déployés dans les Caraïbes, a indiqué M. Rutte.

De son côté, Édouard Philippe a lui aussi annoncé samedi soir l’envoi à Saint-Barth et Saint-Martin de 240 gendarmes supplémentaires.

Suffisant ? À Grand-Case, sur l’île de Saint-Martin, les habitants expriment autant leur colère que leur désarroi. Nicolas, un fonctionnaire installé là depuis six ans, s’est rendu près d’une galerie marchande qui sert désormais de caserne aux secours. « On n’a ni information, ni adresse quant aux solutions pour les sans-abri. Je suis en colère après Paris et sa gestion de crise », répète-t-il, en pointant quelques militaires qui sont là mais « sans matériel ».

 

Sur place, pompiers et gendarmes sont confrontés aux dévastations et aux pillards.
Sur place, pompiers et gendarmes sont confrontés aux dévastations et aux pillards. | AFP

 

Confusion et manque d’information

Depuis qu’Irma a quasiment tout ravagé sur l’île, la confusion est partout : aux abords de l’aéroport de Grand-Case - en fait, une sommaire piste en bout de plage d’à peine deux kilomètres -, une centaine de personnes aux visages tendus et fatigués s’agrippent aux grilles dans l’espoir de partir, mais sont retenues par les militaires.

« Après Irma, la population est dans un état psychologique médiocre. La moindre rumeur fait qu’ils se pointent tous à un endroit en espérant être évacués », déclare un capitaine de la Sécurité civile.

À l’est de l’île, dans le quartier pauvre d’Orléans, le cyclone a complètement dévasté les baraques aux toits de tôle, alors que les collines qui entourent cette cuvette n’ont épargné que quelques rares habitations.

État de tension permanent et panique

L’état de tension permanente mâtinée de panique s’accentue brusquement lorsqu’au moins deux cents personnes attroupées bloquent les routes et se battent entre elles, parfois armées de machettes. Si l’origine du différend est inconnue, la rumeur évoque « une histoire de voiture ».

À moins de 200 mètres, le désarroi gagne une longue file d’attente aux abords de l’ancienne gendarmerie. Le regard vide, les bras ballants trahissant un état de fatigue extrême, les habitants cherchent à se ravitailler en vivres et en eau.

Résignée, souriante mais fataliste, Sidonie Jasaron, 67 ans, a pu rester dans sa modeste maison au toit en tôle, où elle est désormais réfugiée avec ses six enfants et petits-enfants. Mais Irma a fissuré l’habitation et la porte vitrée du rez-de-chaussée brinquebale.

« Même si je voulais me déplacer, il n’y a pas de téléphone, il n’y a rien, je ne saurais pas où aller », fait observer celle qui habite Saint-Martin depuis plus de cinquante ans, et qui n’avait jamais vu un ouragan « aussi fort ».

 

Un des innombrables témoignages qui circulent sur les réseaux sociaux.
Un des innombrables témoignages qui circulent sur les réseaux sociaux. | Capture écran Facebook

 

« Maintenant, l’école va se faire piller »

Sur le front de mer, une femme, assise sur un banc pleure au téléphone. « On a tout perdu, tu sais, on n’a plus rien », dit-elle à son interlocuteur.

Près d’une école où la Sécurité civile donne discrètement à manger, à boire à environ 70 personnes, principalement des enfants et des femmes, le monde se masse autour du bâtiment « pour savoir ce qu’il se passe ».

C’est le concierge de l’établissement qui a ouvert les portes pour protéger les plus nécessiteux à l’intérieur du bâtiment, qui s’est retrouvé rapidement saturé.

Alors que les militaires tentent de garder l’école, l’un d’entre eux désespère : « Putain, tout le monde a vu ce qu’on a livré… Maintenant, l’école va se faire piller ».

 

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