Le méthane
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/12/2016
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Explosions de méthane : risque d’emballement du réchauffement climatique
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Le 7 juil 2015
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Rédigé par Camille Tourneboeuf
Été 2015, une équipe de chercheurs russes localise plusieurs cratères de 80 mètres de diamètre dans la région de Yamal, en Sibérie. Ces cratères seraient le résultat direct du réchauffement climatique, la hausse des températures entraînant un dégel inhabituel du permafrost, ou pergélisol, ce sol sensé rester gelé en permanence, et libérant le méthane emprisonné jusque là dans la glace. Le risque d’un emballement du phénomène du réchauffement climatique est réel.
Des explosions de méthane dans le nord de la Russie
Les trous constatés par les chercheurs russes seraient le résultat d’explosions souterraines de gaz, dont le méthane. Pour l’équipe de chercheurs, cette découverte ne serait que le début de découvertes semblables à venir.
Les conséquences pour cette région du globe sont majeures, tant pour la sécurité des personnes dont les habitations menacent de s’écrouler si ce phénomène se poursuit, que pour la vie économique locale, si les voies de transports ne sont plus accessibles. Les éleveurs de rennes voient déjà leurs routes de transhumance disparaître avec la fonte du permafrost et des hivers trop doux qui ne permettent pas qu’une croûte de glace suffisamment solide se forme pour permettre le passage des rennes.
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Maisons s’écroulent avec la fonte du permafrost © Pi-Lens / Shutterstock.com – maisons permafrost
Au-delà des conséquences régionales, un risque d’emballement du climat
Le méthane est un gaz à effet de serre puissant, 25 fois plus important que le CO2, et les activités humaines ont comme conséquence une augmentation de la quantité de ce gaz dans l’atmosphère.
Or, cette libération de méthane fait peser une incertitude forte sur l’accélération du réchauffement climatique, par des boucles de rétroaction dites positives, car se renforçant mutuellement. Pour dire les choses plus simplement : nous entrons dans un cercle vicieux, c’est-à-dire d’amplification du phénomène observé par la répétition de l’action.
Dans le cas présent, le réchauffement climatique entraîne la fonte du pergélisol avec comme conséquence la libération du méthane qui à son tour accélère le rythme du réchauffement climatique, accélérant d’autant plus la fonte du permafrost et la libération massive du méthane, etc.
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Trous de fonte de permafrost dans le nord du Canada, près du Groenland. Permafrost thaw ponds in Hudson Bay Canada near Greenland” de S.Jurvetson. License sous CC BY 2.0 via Wikimedia Commons
Le pergélisol désigne la partie d’un sol gelé en permanence, au moins pendant deux ans, et de ce fait imperméable. Ses formations, sa persistance ou disparition, et son épaisseur sont très étroitement liées aux changements climatiques.
Un risque encore mal mesuré
Le méthane, tout comme le CO2, est présent naturellement sur notre planète. Mais, à l’inverse du CO2, son cycle et ses interactions avec les différents éléments de notre planète (le sous-sol, la biomasse, l’atmosphère) sont encore mal compris, mais tout à fait inquiétants.
Il est en effet certain que les activités humaines entraînent un déséquilibre de ce cycle naturel en libérant une quantité de méthane en surplus. La quantité de méthane dans l’atmosphère a augmenté de plus de 150 % depuis la révolution industrielle.
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Les cratères dans le pergélisol dus aux explosions de gaz, dont le méthane.
Pour mieux évaluer les interactions entre le méthane et les autres éléments de la planète et son impact sur le réchauffement, l’Académie des Technologies a fait le point sur les connaissances actuelles(2) car si le GIEC a intégré les émissions de méthane dans son dernier rapport les boucles de rétroactions possibles ne sont à ce jour pas prises en compte dans les différents scénarios.
Les rétractions associées au dégel du pergélisol pourraient intervenir sur l’échelle du siècle. Si la fonte du pergélisol est relativement certaine au-dessus d’un seuil de réchauffement climatique dont tout laisse à penser qu’il risque d’être atteint, sa vitesse et la quantité de carbone qui sera émise, en particulier sous forme de méthane, restent très difficiles à évaluer.
Académie des Technologies, janvier 2015
Jusqu’à 70 % de permafrost pourrait disparaître, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme
Selon les scientifiques, les zones de sol gelé couvrent environ 25 % des terres de l’hémisphère Nord, allant de Amérique du Nord en passant par la Sibérie. D’ici à la fin du siècle, les zones couvertes par le pergélisol devraient diminuer de 30 à 70 %, selon le volume des émissions de gaz à effet de serre provoquées par les activités humaines. Si la communauté internationale parvient à se fixer des objectifs permettant de limiter la hausse du réchauffement à 2°C, les chercheurs prédisent dans les scénarios optimistes une perte de 30 % du permafrost. Mais cette proportion pourrait grimper à 70 % dans les scénarios les plus pessimistes.
Dans la prestigieuse revue scientifique Nature, en avril de cette année(3), le bilan dressé par les scientifiques est pour le moins alarmant et souligne le risque d’emballement.
Selon Susan Natali, chercheuse du Woods Hole Research Center et coauteur des travaux publiés par Nature : « Il y a 1.500 milliards de tonnes de gaz à effet de serre gelé et emprisonné dans le permafrost. Le volume de CO2 accumulé depuis plusieurs milliers d’années dans les terres du permafrost est environ deux fois plus important que celui présent dans l’atmosphère (…) Selon nos estimations, 130 à 160 gigatonnes de gaz à effet de serre pourraient être libérées dans l’atmosphère d’ici à 2100 » du fait de ce dégel.
Lire page suivante : Les différentes sources de méthane ; les solutions
En savoir plus sur http://www.consoglobe.com/methane-emballement-rechauffement-cg#J8mRIQqb4gxrYrrP.99
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Le 7 juil 2015
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Les différentes sources de méthane liées aux activités humaines
Il existe quatre grandes sources d’émission de méthane liées aux activités humaines :
- l’élevage et la culture,
- les feux de végétation,
- l‘extraction et la distribution des énergies fossiles,
- les décharges.
Concernant l’élevage, les émissions de méthane sont dues tout particulièrement à la digestion des ruminants qui libère du méthane. Une des solutions passe par une amélioration de l’efficacité nutritionnelle, ainsi que par la recherche d’un bilan neutre en analysant les émissions de méthane dans le système complet d´élevage. Par exemple, le méthane rejeté par des ruminants élevés à l’herbe correspondra au méthane absorbé par la prairie et le sol, tout les deux puits de méthane, aboutissant à un équilibre entre le méthane prélevé et le méthane rejeté dans l’atmosphère.
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Pour l’agriculture, se sont tout particulièrement les rizières qui sont sources de rejets de méthane. D’autant plus quand elles sont réalisées sur un terrain préalablement sec. En effet, c’est la décomposition de la matière végétale dans un milieu sans oxygène qui aboutit à une libération du méthane. Afin de réduire la quantité de méthane émis, il est nécessaire de drainer l’eau régulièrement durant le phase de culture.
La combustion de la biomasse et les décharges répondent aux même principes de décomposition de la matière organique sans oxygène ou partiellement sans oxygène qui aboutit aux rejets de méthane dans l’atmosphère. Le principe pour les décharges est tout d’abord de confiner cette décomposition. Le méthane est ensuite capté et utilisé comme combustible. Des usines de méthanisation récupèrent ainsi le méthane pour produire chaleur et/ou électricité.
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Pour les feux de végétation, la réduction des rejets de méthane passe par un changement des pratiques agricoles afin de réduire la culture sur brûlis, tandis que les mesures de prévention pour limiter les feux de forêts doivent être constamment rappelées.
Enfin, dans le cas de l’exploitation des énergies fossiles – pétrole, gaz de schiste, etc. -, c’est la libération du méthane préalablement emprisonné dans les roches qui favorise le rejet du méthane dans l’atmosphère. Les efforts aujourd’hui consistent à récupérer le méthane qui là encore peut servir de combustible.
Un nouveau dégagement de méthane avec les puits abandonnés de gaz de schiste
S’ajoute à cette longue liste, une nouvelle source importante de méthane. C’est ce qu’ont découvert récemment des chercheurs de l’Université de Princeton avec les puits abandonnés de gaz de schiste et de pétrole dont plusieurs remontent au 19e siècle. Or ces fuites ne sont pas incluses dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre des données gouvernementales des USA, alors que les chercheurs estiment qu’elles comptent dans la contribution globale à l’effet de serre.
Des puits de méthane à ne pas négliger
Si les activités humaines sont responsables d’émissions de méthane en excès, elles peuvent aussi contribuer à former des puits de méthane, tout particulièrement en favorisant l’absorption du méthane par les plantes et le sol. En effet, le premier puits de méthane est le sol. Mais la nature de celui-ci influence fortement sa qualité à absorber le méthane. Ainsi, un sol totalement goudronné n’aura aucune capacité d’absorption, alors qu’à l’inverse les sols forestiers sont des puits importants de méthane.
L’aménagement du territoire, la préservation de sol agraires, des jachères et de zones forestières sont également nécessaires pour réduire la quantité de méthane aujourd’hui libérées dans l’atmosphère et ainsi limiter le risque d’emballement du climat.
A lire aussi :
Références :
- On peut lire leur rapport intitulé Le méthane : d´où vient-il et quel est son impact sur le climat ?
- On peut lire leur rapport intitulé Le méthane : d´où vient-il et quel est son impact sur le climat ?
- Climate change and the permafrost carbon feedback, Nature 520,171-179
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