Le parfum des mots

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Hier, je suis resté très tard devant mon écran... Tentative d'écriture sur le roman en cours.

Je sais ce que je veux raconter mais je n'ai pas trouvé les mots.

Alors, je me suis arrêté et j'ai tenté d'analyser la situation. 

Qu'est-ce qui m'empêchait de développer les images que je portais, d'avancer l'intrigue, de placer les personnages, de leur donner vie ?

Comme souvent, j'ai lancé le dialogue intérieur, un dédoublement entre l'auteur et moi...

 

"Pourquoi tu arrêtes d'écrire ?

-L'écriture, justement. Tu sais bien que c'est l'écriture.

-Quoi, l'écriture ? Tu sais construire une phrase pourtant ! Raconte, raconte et ne t'arrête pas à un mot ouà  une tournure !

-Non, c'est impossible, tu le sais bien. Je n'ai pas le droit de me contenter de raconter une histoire.

-Pas le droit ? Et qui t'en empêche ? C'est idiot comme réponse.

-L'auteur, c'est l'auteur qui ne le veut pas. L'auteur doit prendre de la hauteur par rapport à son histoire sinon, il n'est qu'un raconteur.

-Qu'est-ce que tu as contre les raconteurs ? C'est bien de raconter des histoires et plein de gens sont heureux qu'il y ait des raconteurs.

-Je ne dis pas le contraire mais quand j'écris, je ne m'adresse pas prioritairement aux gens.

-Ah bon, et à qui alors ?

-À moi. À celui qui a lu et aimé, passionnément, tous les auteurs éternels qui voguent dans les airs, comme des parfums. Le Clézio, Saint Exupéry, Hémingway, Conrad, Camus, Steinbeck, Hesse, Sartre, Buzzati, Schoendoerffer, Raspail, Proust, Yourcenar, Dostoïevski, Kafka, Faulkner, Gide, Malraux...Ils n'ont pas raconté des histoires, ils n'ont pas lancé des parfums éphémères, dispersés par les souffles du temps qui passe. Non, ils ont diffusé des senteurs qui ne s'effaceront jamais.

-Et tu te mets à leur niveau quand tu écris ? Eh bien, tu ne manques pas d'air ! Quelle prétention !

-Non, justement. Je n'ai aucune prétention envers eux. C'est juste envers moi. Me contenter de raconter des histoires, c'est comme si je lançais des pelletées de purin dans les délices de leurs parfums. Je n'ai pas le droit. Je serais prétentieux si je me satisfaisais simplement de formuler l'histoire que j'ai en tête. Tu vois, pour moi, les gens qui coupent les fleurs dans un pré pour égayer leur intérieur, c'est comme un écrivain qui arrache des mots pour se réjouir lui-même. C'est juste un assassin, un tueur de la beauté littéraire, tout comme le cueilleur des fleurs est un assassin de la beauté du monde.

-Et donc, tu préfères ne rien écrire ?

-Oui, c'est ça.

-Mais tu sais qu'un jour, les fleurs fânent, naturellement. Ton histoire va disparaître comme une fleur desséchée si tu ne l'écris pas.

-Non, elle restera simplement en terre. 

-Et personne n'en profitera, même pas toi d'ailleurs. 

-Il ne s'agit pas de profiter mais d'honorer. Quand je contemple une fleur, je ne profite pas juste de sa beauté. Je la bénis, je la remercie, je l'enlace de ma tendresse, je respire son parfum tout autant que ses couleurs, la douceur de ses pétales, la perfection de ses formes. Comme je le fais envers Nathalie. 

-Et donc, tu voudrais que les gens bénissent ton écriture de la même façon que tu contemples une fleur ou Nathalie ?

-Tu ne m'écoutes pas ! Je viens de te dire que je n'écris pas, prioritairement, pour les gens. C'est à ma propre exigence que je m'adresse et cette exigence doit se nourrir de la beauté de la littérature immortelle. Je suis immensément heureux bien entendu que des lecteurs ou lectrices aiment ce que j'écris, sinon je n'aurais jamais cherché à être édité mais je pense que tout cela ne doit pas changer mon écriture au risque que ça ne soit plus moi qui écris mais les lecteurs à travers ma plume...

-Eh bien alors, pourquoi tu partages tes écrits si c'est pour toi ?

-La nature ne fait pas pousser les fleurs à l'envers.

-Quoi ? Je n'ai rien compris.

-Le ciel n'est pas dans les racines.

-Tu peux être plus clair ?

-La beauté du monde n'est un secret pour personne dès lors que quelqu'un la regarde mais les regards humains ne constituent pas la beauté elle-même. 

-Tu veux dire que tu écris comme si tu étais la nature et que tu cherches juste la beauté ? Même si personne ne te lit ?

-C'est ça. Ce qui importe, c'est la beauté de la création. Toutes les créations de la nature sont visibles quand elles sont achevées.  

-Mais comment peux-tu juger de la beauté de ta création si personne ne la contemple et ne te dit ce qu'il en pense ?

-Si je ne sens pas les parfums des mots me remplir, c'est qu'il n'est pas temps d'éclore. Quand j'ai écrit "Kundalini", j'avais en moi le désir d'une littérature sexuellement transmissible. 

-C'est à dire ?

-Le parfum de l'amour. Je voulais diffuser des phéromones, des senteurs de corps aimantés, je voulais sur mes lèvres le goût de la peau, je voulais dans mes mots des étreintes qui emportent, des accouplements d'âmes et des coeurs en jouissance. Et quand je l'écrivais, j'avais des érections littéraires qui me remplissaient de bonheur, comme des poussées de sève, des ruissellements de nectars délicieux dans mes veines. Nathalie est une fleur divine pour mon âme, tu le sais. Je n'aurais pas pu me contenter de raconter ce parfum. Il fallait que je le sente, qu'il m'enivre, qu'il m'élève, comme la lumière solaire étire les fleurs des champs vers le ciel. C'est dans les vagues de ce parfum que je pouvais naviguer. 

-Et celui que tu écris maintenant ?

-Je cherche à saisir le parfum de l'esprit des hommes quand ils découvrent leurs errances, ce goût amer de l'insignifiance quand soudainement leur apparaît l'essentiel. Alors, je ne peux pas me contenter de raconter des faits. Les faits ne sont que le terreau. C'est le parfum des fleurs écloses qui m'importe. Et le temps que ça prendra n'a aucune importance.

-Tu sais que tu peux mourir avant que les parfums ne s'envolent ?

-Oui, et alors ? Je préfère mourir sans avoir saisi le parfum que de couper les fleurs pour m'en approprier follement les effluves de leur mort.

-Tu veux dire que les raconteurs d'histoires sont des assasins des parfums des mots.

-Oui, parfois. Ce qu'ils aiment, c'est l'odeur de leur statut d'écrivain.

-Et toi, tu n'es pas un écrivain ? 

-Non, je suis un amoureux des parfums mais je sais qu'ils n'ont pas besoin de moi pour exister. Je peux chercher à constituer des bouquets de senteurs mais ce travail intérieur ne contribue pas à l'existence du parfum. Tout est là, dans les molécules, dans les atomes, dans le flux vital qui se nourrit de la lumière du monde. Le jardinier qui se glorifie de la beauté des roses n'aime pas les roses ; il n'aime que son travail sur les roses. Je ne peux pas être heureux de mon travail sur les mots si ce labeur n'a pas de parfum. Imagine une fleur qu'un jardinier aurait gavé d'intrants artificiels. Quel serait son parfum ? Imagine une histoire qu'un auteur se serait forcé à écrire, comme si l'image du livre dans ses mains avait plus d'importance que le parfum ? 

-Oui, je comprends.

-Bon, alors, on est en paix toi et moi ?

-Oui.

-Alors, l'émergence du parfum devient possible. C'est le plus important."


 


 

 

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Commentaires

  • Thierry LEDRU
    • 1. Thierry LEDRU Le 18/10/2018
    Bonjour "le parfum des mots" :)
    Effectivement, ce sont des similitudes étonnantes ! Le nom du blog et de l'article, la profession, bon, on peut penser que c'est possible mais alors le nom de famille, là, c'est proprement incroyable !
    Je viens de parcourir votre blog et je vois que les frasques de l’administration vous ont déjà atteint.
    Et je découvre également un travail de présentation d'ouvrages, un passionné de littérature.
    C'est chouette tout ça.
    Au plaisir de vous lire Benjamin.
  • Le Parfum des mots
    Etrange ...

    Titre de votre article = Nom de mon blog littéraire
    Votre profession = Ma profession
    Votre nom de famille = Le mien également

    Aurais-je trouvé un jumeau inconnu jusqu'à présent ?

    Mystérieux ...

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