Marshall Rosenberg : le changement

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« Le fondement spirituel du changement social


Marshall : Si, lorsque nous œuvrons en faveur du changement social, nous ne nous appuyons pas sur une certaine spiritualité, nous risquons de faire plus de tort que de bien. Par spiritualité, j’entends le fait de rester à chaque instant en lien avec sa propre vie et avec celle des autres. Nous pouvons découvrir notre spiritualité en nous posant certaines questions : qu’est-ce qu’une bonne vie ? Quelle est notre raison d’être ? Cette qualité de conscience contribuera à nous conduire vers une spiritualité qui embellit la vie, qui nous aide à nous relier cœur à cœur à nous-mêmes et aux autres. Nous sommes politiquement évolués, nous connaissons toutes les structures dangereuses qui existent, nous sommes très habiles à voir ce qui ne va pas dans le monde et nous allons le changer. Mais si nous n’opérons pas d’abord un changement spirituel en nous-mêmes, nous ne serons pas efficaces ; en fait, nous pourrions même contribuer à perpétuer la situation actuelle. 
Alors oui, nous allons commencer par nous-mêmes, mais soyons prudents : la spiritualité peut être synonyme de passivité si nous amenons les gens à être si calmes, conciliants et aimants qu’ils en finissent par tolérer les structures dangereuses. La spiritualité que nous avons besoin de développer pour réaliser le changement social doit avoir un effet mobilisateur en faveur de ce changement. Elle ne doit pas simplement nous permettre de rester là à aimer le monde, quoi qu’il arrive. Elle doit créer une qualité d’énergie qui nous incite à l’action. Si notre développement spirituel n’a pas cette qualité, je ne pense pas que nous pourrons réaliser le genre de changement social que j’aimerais voir advenir. 
La spiritualité que j’essaie de vivre est très simple. Chaque fois que je me suis trouvé dans une église ou une synagogue, je me suis ennuyé; j’ai donc besoin d’une spiritualité qui soit vivante pour moi, qui ne nécessite pas tant de mots. J’aime la manière dont Joseph Campbell l’a résumée. Joseph Campbell a écrit un grand nombre d’ouvrages sur les mythes et les religions comparées. Il a tenté de mettre en évidence la beauté de chaque religion et a constaté que chacune d’entre elles offrait le même message - un message qu’il appréciait. Quelle est donc sa définition de la spiritualité ? Voici le message commun à chacune des religions : "ne faites rien si ce n’est pas par jeu." 
Si nous gardons cette notion à l’esprit - ne rien faire si ce n’est pas amusant - nous constaterons que le jeu le plus amusant au monde consiste à rendre la vie plus belle. Comment rendre la vie plus belle ? Ne faites rien qui ne soit pas un jeu. Attendez que cela le devienne. Ce que vous faites deviendra un jeu dès lors que toute votre conscience sera au service de la vie. Alors, utilisez votre puissance pour répondre aux besoins de la planète et des êtres humains. Mettez votre puissance au service des besoins. 
Le changement social consiste à nous libérer de toute théologie, de toute spiritualité qui n’est pas en harmonie avec ce qui, selon nous, permettra de créer le monde dans lequel nous voulons vivre. Sachons d’abord définir le monde dans lequel nous voulons évoluer, puis faisons en sorte de le créer. Dès que nous commençons à vivre une autre spiritualité, nous mettons en place le changement social. Il ne s’agit pas de s’arrêter là, mais dès le moment où nous vivons - à quelque degré que ce soit - une autre spiritualité, le changement social s’amorce. 
La spiritualité dans laquelle j’ai été éduqué et la culture dans laquelle j’ai grandi m’ont appris que la bonne vie consistait à punir les personnes mauvaises. Les forces du bien punissent les forces du mal. Je dirais que cette forme de spiritualité est encore notre spiritualité de prédilection. Les enfants de nos cultures y sont exposés, tout spécialement lorsqu’ils regardent la télévision. Soixante-quinze pour cent des programmes proposent des histoires de héros, de gentils qui tuent ou tabassent les méchants. Nous ne pouvons pas reprocher à la télévision de promouvoir ce type de spiritualité : de nombreux livres sacrés ont servi à enseigner le même message. J’opte, quant à moi, pour une autre forme de spiritualité. »
Marshall Rosenberg, Clés pour un monde meilleur (The Heart Of Social Change)

 

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