"Quand il n'y a plus rien..."

 
 
Une interview de SATPREM en 1982.
D'étranges échos avec ce que j'ai cherché à traduire dans le roman "Là-Haut".
La barbarie. 
La crise évolutive.
"Quand il n'y a plus rien, qu'est-ce qui reste ?"
 
Et finalement, dans le roman en cours "Kundalini", la même question revient...Et une fois encore, c'est l'Amour qui apparaît. Un Amour intégral, corps et âme, un Amour naturel, délivré des entraves du mental, de l'intention, du projet, sans le poids du passé ou de l'avenir, juste l'instant immédiat dans un total saisissement.
C'est au coeur de la Nature que cet apprentissage de l'Amour se fait car elle est l'exemple parfait de cette Vie immédiate, de cette joie de l'instant, une joie simple qui génère la plénitude. 
Autrefois, quand j'atteignais le sommet d'une montagne, je parcourais l'horizon pour identifier la prochaine "course"...La prochaine "course"... C'est après moi que je courais...
Je n'ai plus ce besoin. Je m'assois et je regarde, avec parfois une certaine "porosité" dans le regard, comme si mes yeux ne pouvaient plus analyser les reliefs mais qu'ils englobaient l'intégralité comme un Tout. 
Être "Là-Haut" comme dans un ventre maternel. Un placenta. 
Là où il n'y aucune césure, ni même dualité puisque l'identification n'a pas encore été entamée.
Être "Là-Haut" comme à "l'intérieur," sans identité, sans volonté, sans espoir, sans désir de reconnaissance ni même de partage. 
Il ne s'agit même pas de solitude puisque l'individu n'est plus là. Il n'y a pas "quelqu'un" qui observe mais juste un état d'absence à soi qui révèle justement l'ultime Présence. Celle de l'Amour. Le flux vital, la Source de Tout. 
 
 
 
 

Avant l'Inde

Bernard Enginger est d'abord élève au collège de Jésuites d'Amiens, d'où il est renvoyé. Il poursuit ses études secondaires dans un lycée parisien jusqu'au baccalauréat puis intègre une classe préparatoire à l'école coloniale. Il voit d'abord en André Gide son premier maître spirituel2. Il entre alors dans le réseau de résistance « Turma Vengeance » (c'est sous ce titre qu'il obtiendra la Médaille de la Résistance après-guerre). Il est arrêté par la Gestapo à l'âge de vingt ans et passe un an et demi dans le camp de concentration de Buchenwald3. Il déclare ensuite que la lecture de Gide lui a permis de survivre à cette épreuve.

Auprès de Mirra Alfassa

Il se retrouve ensuite en Haute-Égypte, puis en Inde, au gouvernement de Pondichéry4. Il y rencontre Aurobindo Ghose et Mirra Alfassa. Il déclare que leur message « l'homme est un être de transition » donne un sens à sa vie. Il démissionne des colonies pour se rendre en Guyane, au Brésil et en Afrique5.

En 1953, à l'âge de trente ans, il revient définitivement en Inde auprès de Mirra Alfassa, dont il devient le confident et le témoin pendant près de vingt ans. Elle lui présente Sujata Nahar en 1954 qui devient sa femme.

Le 3 mars 1957, Mirra Alfassa lui donne son nom, Satprem (« vérité et amour » ou « celui qui aime vraiment » en Sanskrit)6.

En 1959 Satprem, avec la bénédiction de Mère, devient disciple d'un prêtre tantrique du temple de Rameshwaram. Puis, en tant que disciple d'un autre yogi, il passe six mois à errer sur les routes de l'Inde comme mendiant sannyasin pratiquant le Tantra, ce qui lui donnera les bases de son second essai, « Par le corps de la terre, ou le Sannyasin ».

Il revient ensuite à l'ashram, auprès de Mirra Alfassa, qui poursuit avec Satprem une collaboration entamée dès 1953 dans ses appartements. En plus des travaux pour le Bulletin de l'ashram, Mère confie à Satprem le fruit de ses expéreinces intérieures - innombrables. Très rapidement Satprem, avec l'autorisation de Mère, a eu le réflexe d'enregistrer leurs conversations. Ces enregistrements vont constituer « l'Agenda », dont le premier volume comprend également des lettres écrites à Mirra Alfassa par Satprem durant ses jours sur les routes.

Sous le regard de Mirra Alfassa, il consacre un premier essai à Aurobindo Ghose, « Sri Aurobindo et l'Aventure de la Conscience » : « Le règne de l'aventure est terminé. Même si nous allons jusqu'à la septième galaxie, nous irons là casqués et mécanisés, et nous nous retrouverons tels que nous sommes : des enfants devant la mort, des vivants qui ne savent pas très bien comment ils vivent ni pourquoi ni où ils vont. Et sur la terre, nous savons bien que le temps des Cortez et des Pizarre est fini : la même Mécanique nous enserre, la souricière se referme. Mais comme toujours, il se révèle que nos plus sombres adversités sont nos meilleures occasions et que l'obscur passage est un passage seulement, conduisant à une lumière plus grande. Nous sommes donc mis au pied du mur, devant le dernier terrain qu'il nous reste à explorer, l'ultime aventure : nous-mêmes. »7. Ce livre est l'introduction la plus populaire à l'œuvre d'Aurobindo Ghose et de Mirra Alfassa8.

Le 29 février 1968, lors de l’inauguration d'AurovilleMirra Alfassa lit la Charte, assise sur un haut tabouret dans sa chambre, Satprem à son côté. « Auroville n’appartient à personne en particulier, mais à toute l’humanité dans son ensemble... »9.

À l'âge de cinquante ans, Satprem rassemble et publie, l'Agenda de Mirra Alfassa, en 13 volumes, tout en écrivant une trilogie : le Matérialisme divinl'Espèce nouvellela Mutation de la mort puis un dernier essai :Le Mental des Cellules. C'est aussi le moment de la mort de Mirra Alfassa et de la rupture consécutive entre l'ashram d'Auroville et Satprem10. Il rapporte que la « garde rapprochée » de Mirra Alfassa lui avait interdit l'accès à ses appartements pendant les six mois précédant mort11. Un conflit apparaît autour de sa volonté de publier l'intégralité de ses dialogues avec Mirra Alfassa, ce à quoi s'opposent les responsables de l'ashram. Satprem exprime alors ses critiques quant à la tournure qu'il juge « dogmatique » de l'enseignement à l'ashram. La plupart des Auroviliens prennent son parti, contre l'ashram. Dès 1973, Satprem a quitté l'ashram, qui lui est globalement hostile, et s'est installé à Deer House. Le 14 juillet 1977 il fonde, à Paris, l'IRE (Institut de Recherches Évolutives), qui assumera la publication intégrale des Agendas. Le 18 février 1978, il écrit Premier Agenda prêt à sortir. Le 22 mars 1978, avec l'aide d'Auroviliens, il quitte définitivement Pondichéry, pour une destination qu'il gardera secrète12 : ce sera à Land's End que seront préparés, sans relâche, les 12 tomes suivants des Agendas.

Après Auroville[modifier | modifier le code]

Au printemps 1980, Frédéric de Towarnicki, journaliste et critique littéraire, part pour l'Inde et rencontre Satprem. Leurs entretiens sont diffusés sur France Culture en décembre puis publiés chez Robert Laffont13. Satprem y évoque son passé, retrace son cheminement et l'objet de sa recherche.

En 1981, une équipe de cinéastes dirigée par David Montemurri, réalisateur de la télévision italienne, se rend dans les Nilgiris, les Montagnes Bleues du Sud de l’Inde où Satprem réside à l’époque, pour l’interviewer. « On n’est pas dans une crise morale, on n’est pas dans une crise politique, financière, religieuse, on est dans une crise évolutive. On est en train de mourir à l’humanité pour naître à autre chose... »répond-il aux questions concernant la crise de civilisation que nous traversons actuellement et l’avenir du monde moderne14.

À cinquante-neuf ans, il se retire complètement pour rechercher un « grand passage » évolutif vers ce qui suivra l'Homme. Sa dernière entrevue, en 1984, a donné lieu à La Vie sans Mort où il relate le début de son expérience dans le corps.

En 1989, après sept années passées à « creuser dans le corps », Satprem écrit un court récit autobiographique où il fait le point de la situation humaine, La Révolte de la Terre.

Vint ensuite en 1992 Evolution II, où il demande : « Après l'homme, qui ? Mais la question est : après l'homme, comment ? » En 1994 paraissent ses Lettres d'un insoumis, deux volumes de correspondance autobiographique. Il écrit en 1995 La tragédie de la terre - de Sophocle à Sri Aurobindo : « Dans cette vaste fresque, qui n'a rien d'un essai didactique, Satprem met en évidence le fil conducteur qui relie Sri Aurobindo, Sophocle et les Rishis védiques et commente : Entre un Occident post-socratique qui ne croit qu'en ses pouvoirs mécaniques sur la Matière et une Asie post-védique qui ne croit qu'en sa libération de la Matière, Sri Aurobindo incarne un autre grand Tournant de notre destinée humaine... »15.

Ce livre fut suivi en 1998 par La clé des songes et en 1999 par Néanderthal regarde, un court texte comme un appel aux hommes à se réveiller et à se mettre en quête de la vraie humanité. Car, dit Satprem,« Même l'homme de Néanderthal aurait honte de ce que nous sommes devenus »15. Suivi en 2000 par La légende du futur. La même année, Satprem entama également la publication de ses Carnets d'une Apocalypse, aujourd'hui 8 volumes d'autobiographie qui s'étendent de 1973, année où Mirra Alfassa décède, à 1987 et décrivent son travail en profondeur dans la conscience du corps.

Satprem est mort le 9 avril 2007. Sa compagne Sujata Nahar est morte peu après lui, le 4 mai 2007.

 

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