Randonnées du vertige

Aujourd'hui, on était Là-Haut, dans le massif des Bauges. C'est un massif qu'on aime beaucoup.

On y trouve les "randonnées du vertige" qui nous enchantent.

Des itinéraires qui semblent parfois improbables et qui délivrent des passages qu'on ne découvre qu'au détour d'un pilier rocheux, d'un "sangle", longue vire au-dessus du vide, un couloir où il faudra utiliser les prises de main, une descente en "rappel" avec une corde et parfois un câble placé par des professionnels, des sentiers si étroits que deux personnes ne s'y croisent pas, des lignes de crêtes bordées par le vide, une absence de balisage et donc la nécessité de développer le sens de l'itinéraire, la recherche d'une trace de pas, d'une roche marquée par une semelle terreuse...

Il faut être à l'affût, concentré... 

Le massif de la Chartreuse possède également de ces randonnées réservées au pied montagnard. On y croise très rarement d'autres adeptes. Il faut accepter l'idée d'être isolés et de devoir se débrouiller. 

Aujourd'hui, alors qu'on franchissait un ravin parcouru par les avalanches de neige et parfois de roches, dans un passage escarpé, Nathalie était devant moi et a voulu poser un pied sur une dalle lisse et la semelle n'a pas tenu. J'ai vu la chute avant même qu'elle s'enclenche. Il n'y avait aucun moyen pour elle de se rattraper. Elle a basculé en avant, elle a commencé à rouler dans le couloir, elle a rebondi...

C'est stupéfiant le temps de réaction. Il n'y a aucune pensée mais une prise de décision immédiate, le balayement instantané du lieu, de chaque roche, de chaque appui à prendre, du geste le plus adapté, une analyse de la situation qui semble décorrelée du mental, comme si le cerveau disposait d'un autre disque dur, d'une carte mère en pause et qui soudainement s'active, avec une célérité inimaginable.  

J'ai laissé tomber mes bâtons (il ne faut jamais passer les mains dans les sangles) et j'ai dévalé le couloir sur la gauche. Je savais que je devais l'attraper avant qu'elle ne bascule du ressaut qui s'ouvrait quatre mètres plus bas et qui l'aurait envoyée dix mètres en-dessous.

Mais elle a réussi à s'arrêter toute seule au moment où j'allais l'atteindre. 

Et lorsqu'on a fait le tour des égratignures et des contusions, elle m'a raconté exactement la même chose. Elle a vu, alors qu'elle basculait en avant, tous les détails du couloir, elle a su qu'elle devait se laisser rouler une fois sans chercher à saisir une roche, rien n'était accessible mais trois mètres plus bas, il y avait un resserrement des roches, elle a su que là, elle pourrait venir appuyer une épaule et se bloquer avec les mains. 

Mais tout ça n'a pas été réfléchi, raisonné, analysé minutieusement. Tout ça se fait en un battement de paupières.

Et il est impossible de savoir d'où émerge cette capacité de réaction. 

Et c'est fascinant. 

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