TERRE SANS HOMMES (1)

Le tome 4 de la tétralogie.

J'y travaille toutes les nuits depuis un mois. 

Et j'en rêve déjà. La nuit dernière, j'ai vu une aurore boréale. 


 

                                                                                         TERRE SANS HOMMES

 

« Il y a sur cette terre des gens qui s’entretuent ; c’est pas gai, je sais.

Il y a aussi des gens qui s’entrevivent. J’irai les rejoindre.

Jacques Prévert

 

CHAPITRE 1

Longyerbyen

Svalbard

Nous étions encore quatre-vingt-dix-sept après le départ du dernier bateau pour le continent. Huit semaines plus tard, nous ne sommes plus que trois. Et nous allons mourir. Astrid et Ivar sont au bout. Leurs cordes vocales ne fonctionnent plus, la toux sèche les a détruites. Comme il en a été pour tous ceux qui sont morts ici et comme il en sera désormais sur le continent. Les derniers habitants à avoir quitté Longyerbyen sont sans doute arrivés à Tromsø ou ailleurs, peu importe, les effets seront les mêmes. Ils vont contaminer tous ceux qui s'approcheront. Peut-être même que le virus est dans l’air et qu’il ne sert à rien de s’isoler, de porter un masque, de se laver les mains. Nous avons suivi tout le protocole du covid quand nous avons vu arriver l’épidémie et pourtant, rien ne l’a empêché de progresser et de contaminer tous ceux qui sont restés. Comme si l’île toute entière était atteinte, comme si l’atmosphère était empoisonnée, la terre, l’eau, la glace, la neige, les plantes, la nourriture, les rayons du soleil, les étoiles et le vide.

Le seul moyen de ne pas être atteint, c’est d’être déjà mort.

Hier, j'ai commencé à tousser. Je connais la suite : de la fièvre, de plus en plus forte, des douleurs articulaires et musculaires, à ne plus pouvoir dormir, l'épuisement, une toux sèche, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec des crises qui peuvent durer cinq minutes, jusqu'à ne plus pouvoir respirer, des vomissements épuisants, tout le monde a fini par cracher du sang, perte de la voix, l'impression d'avoir du plomb fondu dans la gorge, jusqu'à ne plus vouloir vivre. Dans leurs derniers jours, les mourants ne parlent plus, c’est trop douloureux. Ils ont un teint violacé par manque d’oxygène. Ils se noient dans leurs glaires.

J'ai vu mourir tellement de gens. Heureusement, tous les enfants avaient quitté l'île avec leurs parents. Je n'aurais pas supporté de voir un enfant mourir de cette façon.

Johannes s'est pendu et pourtant c'était une force de la nature. Jamais, je n'aurais imaginé qu'il en arriverait là. Henrik, son frère s'est fini avec son fusil de chasse. Solveig, la boulangère, s'est empoisonnée, cocktail de médicaments et d’alcool. Je ne les compte plus de toute façon ceux qui ont accéléré le processus.

Moi, je vais aller me noyer. J'ai envie de voyager. Les courants sont forts ici. Mais j'attends la mort d'Astrid et Ivar. Ils partiront avant moi. Je veux les accompagner jusqu’à la fin. Pour la plupart des contaminés, la dégringolade n'a pas pris plus de dix jours, quatre à cinq jours pour les cas les plus rapides. Mais les dernières heures comptent triple. Le dernier jour est une éternité, la dernière heure est une torture, la dernière seconde une délivrance. Les jeunes étaient plus rapidement atteints, on l’a bien vu. D’ailleurs, je suis toujours là. Astrid a fait une simulation il y a quelques jours. Elle a établi un parallèle avec la grippe espagnole (dont l’origine est américaine d’ailleurs). En 1919, on comptait cinquante millions de morts pour un milliard cinq cents millions d’humains. Vu la population actuelle de la planète, les victimes pourraient donc atteindre deux cent cinquante millions. Sauf que l’épidémie de choléra et celle du Hum et les attentats, les guerres entre pays ou les guerres civiles ont déjà effacé une grosse partie de l’humanité. C’est pas plus mal. Plus le nombre de contacts sera limité, plus l’épidémie sera contenue. L’idéal serait donc qu’aucun habitant contaminé du Svalbard ne rejoigne le continent, qu’ils meurent en route, que le bateau s’échoue ou qu’il coule. Mais je pense qu’il ne faut pas compter sur une aussi belle issue. Certains sont arrivés, c’est inévitable.

Si quelqu'un trouve ce cahier, qu'il sache que l'épidémie est partie d'ici.

Une mutation de la grippe espagnole.

Un mélange détonnant avec le covid, une association diabolique. À moins qu'elle soit divine et qu'il s'agisse d'un plan mûrement réfléchi.

On a déconné. Tous, depuis trop longtemps. Ça ne pouvait plus durer.

Le réchauffement climatique a dégelé le sol, là où étaient enterrés les victimes de la grippe espagnole de 1919, des trous pas assez profonds, la terre était trop dure. Les corps ont été mis à jour par un glissement de terrain. Le pergélisol fond, depuis bien longtemps, on le sait, tout le monde le sait et tout le monde s'en désintéresse, parce qu'on n'y peut rien, parce que ça nous dépasse, tout se ramollit, même notre volonté. Anton a découvert les restes. C’est peut-être lui le premier contaminé. Et comme l’incubation dure quelques jours, avant que les symptômes apparaissent, il a eu le temps de partager sa trouvaille. Anton n’est pas mort le premier. Il était costaud. On ne sait pas depuis combien de temps les corps étaient à l’air libre.

Ivar m’a raconté que la première étude génétique du virus avait pu être fait sur des victimes inuits dont les corps avait été conservés dans le pergélisol. Bien des années après le décès. Et c’est ce qui s’est passé ici. Mais on ne l’a pas compris parce qu’on était tous préoccupés par les évènements internationaux. On s’est même cru en sécurité. Pas de Hum, pas de choléra, pas de visiteurs, pas d’attentats, on vivait dans notre bulle polaire. Et c’est le réchauffement du climat qui nous aura tués.

On a déconné, depuis bien trop longtemps. J’ai commencé à noter les températures il y a vingt-deux ans exactement. Tous les jours de l’année. Ça n’intéressait pas grand-monde. Ici, tout le monde vient faire de l’argent. À part les jeunes de l’université. J’aimais bien discuter avec ceux et celles qui s’intéressent vraiment à la région. Et ils aimaient bien toutes mes histoires du pays.

Et ils sont tous morts ou ils sont partis et ils mourront chez eux.

On est au bout de l’histoire. De notre histoire. Celle de la planète va continuer. Et je lui souhaite le meilleur pour la suite.

Ce soir, il y a encore eu une aurore boréale. Depuis l’éruption solaire qui a anéanti le réseau électrique de la planète, les aurores sont quotidiennes et je ne m’en lasse pas. Je les regretterai, à moins qu’une fois mort, mon âme aille danser avec les particules.

Je vous souhaite une mort la plus douce possible. Pas la mienne en tout cas.

Markus Solberg

 

https://www.lemessager.fr/59115/article/2023-04-24/des-aurores-boreales-apercues-partout-en-france-jusque-dans-les-alpes

MIS EN LIGNE LE 24/04/2023 À 15:23

Des aurores boréales ont été aperçues dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 avril. Cette fois, les Nordistes n’ont pas été les seuls à en profiter, le phénomène a été visible jusque dans le sud de la France !

Des aurores boréales visibles à l’oeil nu ont pu être observées partout en France dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 avril.

Des aurores boréales visibles à l’oeil nu ont pu être observées partout en France dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 avril. - Webcam Les 2 Alpes

LECTURE ZEN

Cette nuit, il fallait lever les yeux au ciel ! Certains chanceux ont pu observer des aurores boréales, et pas seulement dans le nord de la France, comme en février dernier, mais aussi jusqu’au Sud.

Les aurores boréales apparaissent très rarement en France. Elles se forment en réaction à des éruptions solaires, en l’occurrence « les matières dégagées ont mis un jour et demi à arriver dans l’atmosphère et à des latitudes plus basses que d’habitude », expliquent auprès de nos confrères de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes deux prévisionnistes en météo de l’espace au CNRS.

Le spectacle offert par ce phénomène a été capturé par de nombreux amateurs de photographie, ainsi que par les webcams des stations de ski, comme celle des Deux-Alpes

Ces jolies couleurs ont également été capturées plus au sud, au-dessus du lac de Serre Ponçon.

Dans le nord de la France, là où le ciel était davantage dégagé, le spectacle était encore plus impressionnant.

AstronomieSciencePhotographieFrance

 

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