Et Dieu dans tout ça ? (2)

 

 

L'humanité m'interdit de croire en Dieu.

Ou alors, il faudrait que j'accepte l'idée que Dieu autorise le Mal, le Mal absolu. Et si cela est, alors je déteste Dieu.

Mais c'est absurde de détester quelque chose qui n'existe pas. Alors, je déteste l'idée de Dieu mais j'aime infiniment la Nature.

« Deus sive natura » écrivait Spinoza.

« « Par la nature, considérée en général, je n’entends maintenant autre chose que Dieu même, ou bien l’ordre et la disposition que Dieu a établie dans les choses créées. »

Mais pourquoi donc fallait-il ajouter le mot Dieu à celui de la Nature ? D'où vient cette aberration ?

Il faudrait que j'étudie les textes anciens, que je fasse de l'archéologie des religions et ça ne m'intéresse pas. Pourquoi faudrait-il que j'essaie de comprendre les raisons d'une aberration ? Je veux bien m'efforcer de comprendre un phénomène inexpliqué de quelque chose qui existe mais aucunement d'un phénomène imaginaire. Et rien ne me prouve que l'hypothèse d'un Dieu est autre chose qu'un imaginaire. Alors, je m'efforce de comprendre la Nature puisqu'elle existe, qu'elle est là, qu'elle m'éblouit, me réjouit, me surprend, m'émeut, me subjugue par sa puissance et sa finesse, par son incroyable diversité.

La diversité. C'est peut-être ça le problème des religions monothéistes. Adorer la Nature ? Oui, mais quoi, précisément ? C'est plus aisé d'adorer un Dieu unique, une image qui nous ressemble, qui nous unit. Euh, non, en fait, elle ne nous unit pas. Voilà bien le problème de fond. Dieu est un pourvoyeur de troubles. Le Dalaï Lama a dit que Dieu n'y est pour rien, que ce sont les hommes qui sont responsables des guerres. Désolé, mais c'est trop facile. Dieu, nous dit-on, est Tout Puissant. Mais il n'a pas su éviter l'émergence du Mal, le Mal absolu. Alors, c'est qu'Il n'existe pas. Ou que c'est un débutant et qu'il a foiré son projet.

Protagoras écrivait, il y a longtemps : " Sur les dieux (sans majuscule), je ne puis rien dire, ni qu'ils soient, ni qu'ils ne soient pas. Trop de choses empêchent de le savoir : d'abord l'obscurité de la question, ensuite la brièveté de la vie humaine. »

Et depuis ce temps ancien, on n'a pas avancé, le mystère reste entier. Mais la Nature est toujours là et elle n'est toujours pas adorée à sa juste valeur.

Et c'est justement pour cette raison que même l'agnosticisme ne me satisfait pas car en ne prenant pas position, il entretient le doute. Choisir de ne pas choisir, c'est un choix inutile.

Il va bien falloir qu'un jour, nous nous positionnons. Non pas seulement pour résoudre le problème de l'existence de Dieu, mais bien pour que nous décidions de concentrer notre raison et notre intelligence à la Nature. Puisqu'elle existe et que c'est indéniable.

Car enfin, sur l'existence de Dieu, comment pourrions-nous nous y prendre pour prouver une inexistence ? Le questionnement est absurde et nous n'avons pas le droit d'être absurdes. Le temps de l'insouciance et de l'illusion est révolu.

Est-ce que Dieu est responsable des attaques du Hamas et des représailles d'Israël ? J'en reviens toujours à la même conclusion. S'il n'a pas su insérer dans l'esprit humain la notion du Bien absolu et y laisser se développer la possibilité du Mal, c'est qu'il n'est pas Tout-Puissant et s'il n'est pas Tout-Puissant, c'est qu'Il n'existe pas.

D'autre part, avancer que l'existence de l'Univers ne peut pas être expliqué autrement que par Dieu, c'est accepter l'idée que quelque chose qu'on ne peut pas identifier serait susceptible d'avoir créé l'Univers. Et il faudrait s'en contenter ?

Lorsque je suis considérablement ému par un coucher de soleil ou par les horizons ouverts au sommet d'une montagne, il m'arrive d'éprouver une émotion que certains appellent « mystique ». La réalité procure un stimulus, ma réaction procure une émotion. Et la puissance de cette émotion me laisse imaginer un Dieu créateur. C'est si simple en fait. Tout est expliqué en une fraction de seconde. Je sais alors que j'ai succombé à la facilité et il me revient les lectures de Hubert Reeves et les travaux de cet homme pour expliquer ce que je vois. Et qui me ramène à l'amour de la nature, un amour qui ne réclame rien d'autre que le silence et la contemplation. Aucun texte à réciter, aucune posture à prendre, aucun costume à enfiler. Mieux encore : que je me dénude et que je parte marcher. Que mon corps entier se nourrisse de tout ce qui coule de l'Univers. Que mon esprit s'apaise, que mes pensées se taisent, que mes émotions se calment, que je ne sois que dans la réalité naturelle de cet instant.

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, puis l'homme à son image. »

 

L'anthropomorphisme, c'est à mes yeux, la pire des explications quant à l'existence de Dieu. Je n'y vois que la prétention humaine.

Je suis baptisé, mes parents m'ont obligé à aller au catéchisme et à faire ma communion. Je n'ai aucun souvenir des séances de catéchisme et je n'ai qu'une photo dans ma tenue de communiant pour savoir que je suis passé par là.

Je me souviens très bien, par contre, de ces moments où je m'asseyais au bord de l'océan et que je me laissais envahir par la musique des vagues ou de ces moments au pied d'un grand chêne ou j'aimais écouter chanter les tourterelles ou de cette cabane que j'avais construite au sommet d'un immense pin maritime, à vingt mètres du sol et où il m'est arrivé d'aller dormir.

Je communiais là-haut, j'étais étreint par des émotions inconnues et parfois, il fallait que j'aille courir pour vider ce trop-plein, ça débordait comme une jouissance dont je ne savais que faire.

Je communiais.

C'est là que j'ai découvert la puissance du sport. Dans le prolongement de ces états extatiques. Alors, j'ai couru, de plus en plus et j'ai pédalé et j'ai nagé jusqu'au large, jusqu'à sentir le début des crampes avant d'accepter l'idée de faire demi-tour. J'ai passé des nuits sur ma planche à voile, juste assis à me laisser dériver et j'attendais le lever du jour. Puis j'ai découvert les montagnes et j'ai toujours pensé que j'avais déjà vécu là-haut.

J'ai communié des milliers de fois.

Je n'ai aucun souvenir d'avoir prié Dieu et lorsque mon frère, après un accident de voiture, s'est retrouvé dans le coma, cliniquement mort, j'ai détesté Dieu, je l'ai haï, je l'ai maudit. Et après les nuits de veille, je descendais dans le parc de l'hôpital, j'allais m'asseoir sous un cèdre et je regardais les nuages, je pensais aux montagnes.

Dieu ne m'est d'aucune utilité.

Leibniz écrivait : « Si Dieu existe, d'où vient le Mal ? S'il n'existe pas, d'où vient le Bien ? »

Les enfants palestiniens que leurs pères portent dans leurs bras... Les parents juifs qui pleurent leurs enfants exécutés.

Non, c'est impossible.

Dieu ne m'est d'aucune utilité.

Et il faudrait que son nom soit effacé, que cette idée disparaisse de l'esprit des hommes, que toute religiosité soit impensable. On verrait alors si le Mal absolu perdure. Et si c'est le cas, alors, c'est que l'humain n'est pas seulement une aberration de la création, c'est une abomination.

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