"Le survivaliste" (mise à jour)
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/10/2020
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vendredi 10 avril 2020
Interview - LE MONDE
Je voudrais sincèrement remercier le journal “Le Monde” pour m’avoir contacté il y a quelques semaines pour une interview sur la thématique du Survivalisme. Je suis toujours enthousiasmé d’avoir l’occasion de peut-être influencer les lecteurs de journaux aussi sérieux que Le Monde, surtout dans une période de crise sanitaire et de tensions complexes sur nos sociétés.
Bien sur, je voudrais surtout remercier Le Monde pour, encore une fois, ne pas avoir publié ne serait-ce qu’une seule phrase de mon interview, et pour s’abandonner à la paresse intellectuelle remarquablement systémique chez nos journalistes; repli, croyance, catastrophe, sacs de nourriture, jubilation, néonazis, défiance vis-a-vis de l’Etat, fusils et arbalètes, lubies…sont les mots utilisés dans cet article pour dépeindre “les survivalistes”.
Et finalement merci de politiser le tout, en nous rappelant que “…le mouvement né aux États- Unis dans les années 1970 avec Kurt Saxon, un libertarien proche des néonazis, et par le courant européen de l’extrême droite identitaire, incarné par le Français Alain Soral ou le Suisse Piero San Giorgio, ils comptent aussi dans leurs rangs quelques « eco-warriors » d’extrême gauche, engagés dans un combat pour sauver la planète.”
Dans un effort de clarté, et pour peut être mettre à nu les motivations journalistiques, je partage ici même l’interview originale, qui n’a donc pas été publiée.
Merci a vous de partager cet article le plus possible !
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LE MONDE - Etes-vous surpris de ce qui arrive, à savoir cette pandémie de Covid 19 ?
volwest - Qu'il soit question de catastrophes naturelles, technologiques, économiques, sociales ou aujourd’hui sanitaires avec le coronavirus, chaque année de part le monde, des tensions plus ou moins dynamiques, plus ou moins lourdes et longues, perturbent la complexité de nos infrastructures techno-dépendantes, menacent le bon fonctionnement de nos systèmes de support tels que nos hôpitaux ou nos chaines d’approvisionnements, altèrent la nature même du vernis social ambiant, et finalement bouleversent, parfois violemment et soudainement, la stabilité physique et psychologique de millions de foyers.
- Athènes: Crise économique de 2012
- Aleppo: Guerre civile et sécheresse depuis 2011
- Japon: Tsunami et désastre nucléaire de 2011
- Caracas: Crise économique depuis 2010
- Mexico: Guerre des cartels depuis 2006
- USA: Ouragan Katrina de 2005
- Bagdad: Guerre et occupation militaire depuis 2003
- Argentine: Crise économique de 1998 a 2002
- Sarajevo - Siege de 1992 a 1996
- USA: Emeutes de 1992
- Mogadishu: Famine et guerre civile depuis 1991
- Russie: Effondrement de l’URSS des années 90
Etc.
La seule chose qui me surprend encore, est ce rapport de dépendance à outrance que nous, le peuple, entretenons avec l’Etat pour tous nos besoins de première nécessitée: nourriture, eau potable, énergie, soins et protection.
LE MONDE - Est-ce notamment, en prévision d'une telle crise que vous avez adopté depuis longtemps une façon différente de vivre ?
volwest - L’idée n’est pas de prévoir les crises en se demandant “comment vais-je survivre à demain” ?
L’idée est est de se demander “comment est-ce que je veux vivre dès aujourd’hui” ? Crise ou pas !
Outre les petites excentricités technologiques dont nous jouissons aujourd’hui, notre manière de vivre s’inscrit dans une longue lignée de rusticité “péquenaude”, de cohérence écologique, d’indépendance et finalement de résilience:
- Je ne m'intéresse pas à certaines méthodes alternatives de productions alimentaires comme la Permaculture juste pour survivre à une famine dans le cadre d'un effondrement total et systémique du monde tel que nous le connaissons.
Je m'intéresse a ces pratiques alternatives et parfois ancestrales pour contribuer, à mon échelle, à la construction d’une dynamique agricole locale, stable, cohérente et durable, pour pouvoir consommer des aliments sains, et finalement pour m'émanciper le plus possible d'un univers agro-alimentaire aujourd'hui principalement gouverné par l'agri-business, la monoculture et plus largement l'agriculture intensive.
- Je ne m'intéresse pas à la chasse pour le plaisir de tuer un animal, pour assouvir une quelconque pulsion “d’homme des cavernes” ou satisfaire un besoin en viande éléphantesque.
Je m'intéresse à la chasse pour m'éloigner de la manière dont notre espèce conçoit la consommation de protéines animales au travers de stratégies d’élevage obscènes, et pour peut-être redécouvrir une certaine vigueur primitive, soit une connexion au naturel responsabilisante et honnête: si je veux manger de la viande, je me dois de tuer l’animal.
- Je ne m'intéresse pas aux méthodes alternatives de production d'énergies pour pouvoir continuer d'utiliser mon frigo et ma tablette quand la troisième guerre mondiale éclate.
Je m'intéresse à la production d’énergie à l’échelle individuelle, familiale et clanique pour réduire mes factures mensuelles, pour gérer le plus simplement possible une coupure de courant, et pour sécuriser toujours un peu plus d'indépendance face à certains enjeux géo-politiques, écologiques et économiques concernant l'énergie.
- Je ne m'intéresse pas a la médecine et aux techniques de premiers soins pour pouvoir me faire des points de sutures après une fusillade quand l'effondrement de l'économie globale nous aura plongé au 18ème siècle.
Je m'intéresse à l’univers complexe de la médecine pour pouvoir intelligemment porter assistance à une personne victime d'un accident de la route, d'une agression physique, d'une chute ou d'un malaise.
- Je ne fais pas de la récupération des eaux de pluie pour pouvoir continuer de boire durant la prochaine pandémie.
Je m'intéresse à cette pratique intelligente pour réduire mes factures, pour arroser mes légumes avec de l’eau de pluie, pour avoir la capacité d'offrir un soutien logistique à l'échelle de mon quartier durant une coupure d'eau, et finalement pour réduire le gaspillage systémique et collectivement suicidaire de cette ressource critique.
- Je ne m'intéresse pas aux armes à feu pour tuer quelques pilleurs durant une guerre civile. Je m'intéresse à ces outils pour avoir un moyen adapté de défendre ma vie et la vie de mes proches dans un cadre extrêmement précis et strict, pour pouvoir récolter ma propre viande, aussi dans un cadre extrêmement précis et strict, et finalement pour contribuer à un certain équilibre de la force face au système et m'émanciper du monopole ambiant concernant mon droit naturel d'avoir la capacité d'affirmer ma propre conscience.
- Je ne fais pas des réserves de nourriture pour pouvoir bouffer dans mon coin quand le reste du monde a faim.
Je m'intéresse à cette tradition ancestrale pour faire des économies, pour mitiger les fluctuations de prix causées par la spéculation sur les produits de base, pour respecter les cycles de production de notre potager imposés par la nature, pour construire une certaine résilience alimentaire et m'émanciper d'un système de distribution aujourd'hui principalement fondé sur le "juste-à-temps".
LE MONDE - Vous sentiez vous aujourd'hui, en raison de votre mode de vie, plus prêt que d'autres à affronter une telle crise? comment appréhendez vous ce qui se passe ?
volwest - Une telle crise ?
De ma fenêtre, nous avons toujours l’eau courante, le frigo qui tourne, le chauffage central, le tout à l’égout, PornHub, les services d’urgence et la télévision !
Encore une fois l’idée n’est pas d’être prêt a surmonter une crise…l’idée est de devenir les acteurs de notre propre bien-être, en construisant, en parallèle de nos sociétés complexes et fragiles une manière de vivre moins dépendante. C’est reprendre le contrôle de sa propre condition.
Maintenant…avons-nous été obligés de nous ruer dans les supermarchés pour acheter des pâtes, du PQ et des boites de Doliprane ? Certainement pas: qui peut le plus, peut le moins.
LE MONDE - Certains survivalistes, sur les réseaux sociaux, semblent se réjouir de cette crise qui donne raison à leur engagement: est-ce votre cas ?
volwest - Pas du tout. La souffrance, physique, économique ou encore émotionnelle que doivent endurer les personnes directement touchées par la maladie, le personnel soignant ou encore les PME obligées de mettre la clé sous la porte me remplit de tristesse et d’humilité.
C’est un moment tragique.
Cependant, il me parait important de dénoncer notamment les médias grand public pour avoir fait un travail de moquerie systématique des “Survivalistes” ces 10 dernières années. Peut-être aussi que si les médias ne nous avaient pas fait passer pour de grands farfelus névrosés qui attendent la fin du monde dans nos bunkers, nos voisins et nos collègues de bureau seraient aujourd’hui plus résiliants, plus bienveillants, plus sereins, plus stables…
LE MONDE - Comment vivez-vous aujourd'hui, avez-vous adapté votre vie à la pandémie ou votre façon de vivre "avant", suffit à bien affronter cette crise ?
volwest - Nous n’affrontons rien…
Nous préparons notre ferme urbaine au printemps. Nous plantons nos tomates, nos salades, nos épinards et nos poivrons dans la serre que nous avons construite. Les poules se promènent de plus en plus au fur et à mesure que la neige fond et nous donnent des oeufs frais et bio tous les jours. Nos abeilles commencent à sortir les jours de soleil. Nous leurs donnons des galettes de pollen pour indiquer à la reine qu’il est temps de pondre.
La neige qui fond est en train de remplir nos cuves de 1000 Litres pour l’arrosage. Nous faisons du troc avec un fermier local pour du lait de vache que nous transformons en beurre et en fromage.
Nous finissons les projets d’hiver. Un peu de couture, un peu de bricolage sur la maison, un peu d’artisanat…
LE MONDE - Comment vous êtes vous préparés matériellement, physiquement et mentalement pour affronter tous les accidents potentiels ?
volwest - Vouloir être capable d’affronter tous les accidents potentiels est totalement idiot. D’une part c’est impossible (voir la loi de Murphy), et d’autre part c’est un coup à devenir fou !
Avant de se poser la question de comment se préparer à survivre je ne sais quoi, il me parait pertinent de se poser la question de comment vivre !
- Vivre où ?
- Avec qui ?
- Manger quoi ?
- Boire quoi ?
- S’informer où ?
- S’éduquer où ?
- Produire quoi ?
- Consommer quoi ?
LE MONDE - Craignez vous aujourd'hui la réaction de tous ceux qui ne se sont pas préparés à vivre de tels événements? des réactions irrationnelles ou des réactions de violence ?
volwest - Lorsque nous prenons la décision de devenir totalement dépendants de la société pour nos besoins les plus basiques, il est effectivement inévitable de voir germer des comportements irrationnels et violents si la société ne peut assurer sa part du contrat.
Effectivement la réaction du collectif face à la faim, la peur, l’inconnu, la solitude ou encore la douleur est largement prévisible. L’histoire de notre espèce est plutôt catégorique: ça coupe, ça écrase, ça perce, ça arrache, ça viole, ça pend, ça égorge et ça brûle tout…
LE MONDE - Envisagez vous dans les jours, les semaines ou les mois qui viennent, de vous éloigner (plus que vous ne l'êtes) afin d'éviter les contacts extérieurs ou vous sentez-vous en sécurité là où vous êtes ?
volwest - L’option Zarathustra m’a toujours séduite…mais c’est en s’enracinant autour d’un clocher de village que nous devenons réellement résilients.
LE MONDE - Espérez vous que individuellement ou au niveau des Etats, des leçons seront tirées de cette crise, et lesquelles ?
volwest - A l’échelle des Etats, il me parait peu probable de voir des changements de fond capables d’optimiser la résilience du peuple, puisque la motivation première des Etats et des gouvernements est justement le maintien en place d’un peuple consommateur, abruti et dépendant.
Nous verrons sans doute des petits pas de danse pour projeter une aura salvatrice, peut-être un peu plus de matériel dans les hôpitaux, mais il est a craindre de surtout voir apparaitre une multitude de lois et de mesures donnant aux Etats encore et toujours plus de pouvoir…pour notre plus grand bien évidemment !
A l’échelle des individus, et si je dois rester le plus honnête possible, je pense que l’apathie cristallisée ces 40 dernières années fera que la grande majorité des gens ne tireront aucune leçon de cette crise sanitaire.
Bien sur, j’espère largement me tromper…et témoigner ces 10 prochaines années d’une révolution de la conscience collective et d’un changement radical de paradigme tournée vers l’indépendance et la résilience citoyenne.
A suivre…
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