"Le temps des forêts"
- Par Thierry LEDRU
- Le 09/01/2019
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Le Temps des forêts, documentaire choc sur les ravages de la sylviculture intensive
Par LUC TRIBEL le
Du Limousin aux Landes, du Morvan aux Vosges, Le Temps des forêts nous emmène en voyage au cœur de la sylviculture industrielle et de ses alternatives. Au cinéma le 12 septembre.
Le genre
Documentaire
Le pitch
Symbole aux yeux des urbains d’une nature authentique, la forêt française vit une phase d’industrialisation sans précédent. Mécanisation lourde, monocultures, engrais et pesticides, la gestion forestière suit à vitesse accélérée le modèle agricole intensif. Du Limousin aux Landes, du Morvan aux Vosges, Le Temps des forêts propose un voyage au cœur de la sylviculture industrielle et de ses alternatives.
L’auteur
Né en 1980, François-Xavier Drouet a suivi le master de réalisation documentaire de Lussas après des études en sciences sociales. il vit et travaille sur le plateau de Millevaches où a été tournée une partie du film.
Mon humble avis
Ce documentaire engagé a le mérite de donner la parole à toutes les parties, et donc aussi aux partisans de la sylviculture intensive. On découvre dans le film les revers sociaux et environnementaux de ce modèle d’exploitation, qui favorise notamment les espèces de résineux plus rentables : pin maritime dans les Landes et pin Douglas dans le Limousin et le Morvan.
Ces monocultures mettent en péril la biodiversité de la forêt française : elles conduisent en effet à pratiquer des coupes rases de plus en plus fréquentes, qui nuisent à sa régénération naturelle. Inexorablement, la forêt disparaît pour laisser place à des friches évoquant une scène de bombardement. En outre, les bûcherons d’hier ont été remplacés par des engins énormes de quelques 20 tonnes, qui provoquent des glissements de terrain quand ils opèrent sur les pentes. D’où la pollution des cours d’eau et l’appauvrissement des sols par retournement et tassement.
Vulnérable, la forêt devient peu à peu dépendante de l’agrochimie : les sylviculteurs doivent désormais déverser sur les friches devenues stériles des engrais chimiques et des pesticides pour que les jeunes pousses d’arbres puissent se développer ! Et voilà comme on boucle la boucle pour Monsanto-Bayer…
Outre le prix des intrants, il faut dans ce modèle acheter ces abatteuses qui valent des fortunes car il s’agit de produire très vite du bois standardisé en masse. Place donc aux résineux qui poussent facilement. Et à des engins comme la John Deere, la 1270G, moteur 6 cylindres turbocompressé refroidi par air qui vous abat et dépiaute un arbre en moins d’une minute chrono (on en a trouvé une sur internet à 149 000 € d’occasion, avis aux amateurs). Et vive l’endettement paysan : avec l’engouement pour ces nouvelles machines, les banquiers agricoles doivent aussi se frotter les mains…
Enfin, le film nous montre que la France se trouve menacée non de déforestation comme le Brésil mais de « malforestation ». « Quelle forêt voulons-nous demain ? interroge le réalisateur, François-Xavier Drouet. Un champ d’arbres artificiel ou un espace naturel vivant ? »
Une scène du film
La scène culte est celle où intervient Michel Boyau, gestionnaire de forêts privées dans les Landes. Il est marrant Michel, dans le genre décomplexé. On roule sur une route rectiligne où les pins maritimes sont alignés en rang d’oignons, comme des soldats au garde à vous. Morne paysage s’il en est.
— « Ça vous plaît ? » demande le réalisateur en voix off.
— « Moi ça me va, c’est le mien » grommelle le gestionnaire qui défend le modèle intensif. Et de se comparer à un « général » qui inspecte ses troupes…
On l’aura compris, Michel aime la forêt au carré, bien dégagée sur les oreilles, qui n’empêche pas ses abatteuses de circuler. La voiture s’arrête dans un chemin et notre homme fait constater fièrement que sur son domaine, on n’entend pas le moindre pépiement. Et oui, l’absence de vieux arbres vieillissants ou morts dotés de cavités, de vieilles souches limite les possibilités de nourriture et d’hébergement tant des insectes que des oiseaux. Seuls subsistent les charançons qui ravagent le pin des Landes puisqu’il n’y a plus d’oiseaux pour les manger. Mais on s’en passe puisqu’il suffit d’épandre des pesticides en forêt (scène que l’on a interdit au réalisateur de filmer) pour éliminer les charançons.
SAUVER LES APPARENCES
Et puis une forêt sans volatiles c’est quand même plus propre, pas de chiures sur les aiguilles de pin. Sans compter qu’ils n’arrêtent pas de faire du bruit, ça pourrait gêner le travail des bûcherons… C’est comme ça que Michel aime travailler, il ne voit pas pourquoi il faudrait changer. S’il n’y avait pas ces enquiquineurs de l’administration (il ne le dit pas, mais le pense très fort) qui l’obligent à laisser ça et là un arbre abattu pour préserver un minimum de vie et sauver les apparences…
Toutes ces petites contraintes, c’est peut-être bon pour la nature, concède-t-il, mais sur le plan de l’économie « c’est mauvais ». Et l’argent (les gestionnaires/exploitants sont souvent rémunérés au rendement), c’est quand même plus important. Si ça se trouve, à cause de ces foutues réglementations, sans compter celles qui pointent à l’horizon, il ne pourra pas se payer à son prochain Noël l’abatteuse de ses rêves. Ou sa piscine, ou son 4×4, on ne sait pas trop. Salauds d’écolos…
Un extrait du film
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