Au Canada, de nombreux établissements ont fait entrer la « pleine conscience » à l'école. Cette technique permettrait d'améliorer le bien-être et les performances scolaires des élèves.
Une journée dans la classe de Christopher Lee ne commence jamais sans un exercice de « respiration ». La tête posée sur leurs bras croisés sur le bureau, à côté des livres de maths, des élèves de septième année (l'équivalent du CM2) de l'école Renfrew de Vancouver (Canada) apprennent à respirer. Ou plutôt à s'écouter respirer, en silence ou, comme ce matin, sur l'Ave Maria chanté par Andrea Bocelli. L'exercice de relaxation est tiré du programme éducatif MindUp, pratiqué par plus d'un millier d'enseignants de la ville de l'Ouest canadien.
Appliquée depuis près de dix ans dans les écoles de Vancouver, cette pratique pédagogique s'inspire de la très tendance technique de « pleine conscience » (mindfulness), qui aide à combattre le stress ou la dépression en se recentrant sur l'instant présent. MindUp y ajoute des leçons d'empathie, de contrôle des émotions ou encore d'optimisme. Un cocktail de positivité appelé « apprentissages émotionnels et sociaux », qui a pour but d'améliorer le bien-être des élèves et, in fine, leur réussite scolaire.
LES INCIVILITÉS EN CLASSE DIMINUENT
Cette méthode vient d'acquérir ses lettres de noblesse avec la publication, fin janvier, d'une étude scientifique reconnaissant ses bienfaits. Pendant quatre mois, les équipes de Kimberly Schonert-Reichl, chercheuse en psychologie qui a contribué au développement du programme MindUp, ont comparé les résultats de deux échantillons d'élèves, l'un suivant ce programme et l'autre non. La conclusion est sans appel : avec ces exercices, les incivilités en classe diminuent, la sensation de bien-être des écoliers va croissant tout comme leurs résultats en maths.
Patricia Morris, vingt-cinq ans d'enseignement dans le cartable, dont cinq avec ces outils pédagogiques, est une adepte. « Aujourd'hui, certains déclics dans l'apprentissage ont lieu beaucoup plus tôt dans l'année », constate-t-elle dans sa classe de maternelle, encore émue de « l'incroyable gentillesse » de ses jeunes élèves. « Soit les techniques de relaxation permettent de mieux se concentrer, soit c'est la bonne ambiance dans la classe qui crée un meilleur climat d'apprentissage », ajoute Kimberly Schonert-Reichl. Hugh Blackman, principal de l'école Renfrew, a son explication : « Lorsque les enfants arrivent le matin, ils ne sont pas “en mode école”. Ils ont encore la tête dans leurs écrans, leurs jeux vidéo, impossible pour eux de se concentrer. »
« ÇA A UN EFFET D'ÉGALISATEUR SOCIAL »
Outre ces exercices de relaxation, l'établissement propose une séance de tai-chi qui, en dix minutes d'un ballet de légers mouvements sur fond de musique asiatique, fait taire les piaillements matinaux au moment de regagner les classes. « ça a un effet d'égalisateur social », observe également Brian Wong, instigateur du projet : « Les enfants issus de milieux favorisés ont tendance à être déjà calmes, mais pas ceux des familles en difficulté, qui arrivent à l'école imprégnés du stress de la maison. » La tête rentrée dans les épaules, Callidora, 9 ans, chuchote à notre oreille combien le tai-chi lui fait du bien, elle qui arrive « toujours la dernière à l'école » le matin.
La Colombie-Britannique, qui forme les enseignants volontaires au programme MindUp, a fait du développement personnel et social l'un des fondamentaux à acquérir au même titre que le lire-écrire-compter cher à l'éducation nationale en France. « Auparavant, les recruteurs recherchaient des têtes bien pleines ; aujourd'hui, ils veulent aussi des compétences humaines de contrôle de soi et de travail en équipe », observe Kimberly Schonert-Reichl. Et, dans une ville aussi multiculturelle que Vancouver, où l'anglais est une deuxième langue pour 25 % des élèves, l'enjeu est aussi de bâtir en classe les conditions d'un vivre-ensemble qui dépasse les murs de l'école.
Le programme MindUp promu par la fondation de l'actrice américaine Goldie Hawn (en anglais)