Naoto Matsumura
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/09/2014
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"Dans le Shinto, aucune espèce n'est supérieure à une autre... Nous devrions tous posséder l'intuition et comprendre que nous sommes une humble partie de ce délicat tissu de relations qu'on appelle la vie et jamais son destructeur."
Naoto Matsumura
FUKUSHIMA...
Rien n'est réglé là-bas. Silence total...
"Le dernier homme de Fukushima". C'est ainsi que le journaliste italien Antonio Pagnotta a baptisé l'agriculteur et éleveur Naoto Matsumura.
Celui-ci a d’abord rejoint Iwaki lorsque les autorités japonaises ont ordonné l'évacuation de la zone contaminée le 21 mars 2011, en compagnie de ses parents. Refoulé par sa propre tante paternelle puis par un camp de réfugiés voisin du domicile de cette dernière, désemparé et prenant conscience qu’ils sont devenus des parias irradiés, Naoto est retourné chez lui avec son père et sa mère, qui ont vécu là pendant des semaines avant d’être finalement évacués.
« Lorsque j'ai vu les visages de ma tante et sa famille, j'y ai lu la peur panique d'être contaminé. Cette épouvante était incontrôlable ; à tel point que leur première réaction a été de nous laisser dehors. Nous y sommes restés un long moment. Une fois entrés, la conversation tournait autour d'un seul sujet : celui de notre départ immédiat vers un centre d'évacuation. » (Naoto Matsumura p.62)*
A partir de ce moment, il a refusé tous les ordres d’évacuation de la zone qui ont suivi. A 51 ans, il s’est senti incapable de recommencer une nouvelle vie, et pour conserver son identité et son honneur, il est donc resté sur la terre de ses ancêtres à laquelle il est viscéralement attaché.
« J'ai beaucoup de temps pour penser. Il est triste de voir ma ville natale sombrer, mais je ne déserterai pas. La centrale nucléaire m'a tout pris, ma vie et mes biens. Rester ici, c'est ma façon de combattre pour ne pas oublier, ni ma colère ni mon chagrin. » (Naoto Matsumura p.70)*
Issu de la religion shintoïste qui considère que tous les êtres vivants sont égaux, il a décidé de venir en aide aux animaux abandonnés lors de l'évacuation.
Il vit donc depuis mars 2011 dans le désert humain de 30 km autour de la centrale Daii Ichi, se nourrissant de colis envoyés par des associations afin d'assurer sa sécurité face à la radioactivité environnante.
Son combat dépasse les frontières du bourg de Tomioka car il se positionne comme un lanceur d'alerte contre l'entreprise Tepco qui dirige les centrales responsables de l'accident. Il entame un travail de décontamination à l'aide des animaux.
« Patiemment, la nuit, lorsqu'il ne dormait pas, Naoto rêvait les yeux ouverts. Il réfléchissait à son grand projet : ramener Tomioka à la vie. » (P.188)*
Seul face à l'immensité du travail à accomplir, il représente le courage défiant l'autorité folle qui n'a pas su protéger ses citoyens d'une catastrophe mondiale.
Photo du photoreporter japonais Koji Harada (agence Kyodo): "Naoto Matsumura jette une pierre en silence vers la centrale n°1 de Fukushima le 11 mars 2013. Naoto Matsumura est resté dans la zone de non-droit autour de la centrale paralysée alors même que des dizaines de milliers de personnes ont été évacuées en raison des taux très élevés de radioactivité".
James Cleaver et Catherine Connan
« Dans le shinto, on offre des aliments aux dieux. En nourrissant les animaux, Matsumura veut nourrir les dieux. Plus encore, il leur sacrifie sa vie. Dans le désert humain de la zone évacuée, il parcourt non pas la voie shinto du commun des mortels, mais une route plus rapide et libre, l'autoroute des dieux. » (P.218)*
* : citations issues du livre d’Antonio Pagnotta : « le dernier homme de Fukushima » aux éditions Don Quichotte.
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