Pygmalion et Golem (école)

 

 

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Exposé : l'effet Pygmalion et l'effet Golem

L’EFFET PYGMALION ET L’EFFET GOLEM

 

Pygmalion, sculpteur chypriote de l'Antiquité, a créé, d'après la légende, une statue de femme d'une telle beauté qu'il en est tombé amoureux. Il a demandé aux dieux de donner vie à cette statue, et la déesse Aphrodite l'a exaucé.

Dans une certaine mesure, le résultat peut s'exprimer ainsi : en pensant que quelqu'un possède une caractéristique, nous changeons notre propre attitude vis-à-vis de cette personne, et l'influençons de telle sorte qu'il va effectivement acquérir cette caractéristique ou l'exprimer de plus flagrante façon. Ainsi en était-t-il de la statue créée par Pygmalion, une statue si belle  que son créateur en tomba amoureux, et voulait tellement la voir transformée en femme réelle, que cette statue le devint par la grâce d'Aphrodite.

                          

 En pédagogie, l'effet Pygmalion (parfois nommé effet Rosenthal & Jacobson) est une prophétie auto réalisatrice qui désigne l'influence sur l'évolution scolaire d'un élève d'hypothèses sur les aptitudes de celui-ci.

 

Le problème est d'importance, car si les enfants des milieux défavorisés réussissent moins bien à l'école que les enfants des milieux favorisés, la cause pourrait ne pas être uniquement liée aux carences de ces enfants et de leurs milieux.

 

L'effet Pygmalion est principalement étudié dans le cadre des effets positifs. L’effet inverse, est l'effet Golem.

 

Rosenthal a découvert l'effet Pygmalion en réalisant l'expérience suivante :

Après avoir constitué deux échantillons de rats totalement au hasard, il informe un groupe de six étudiants que le groupe n° 1 comprend 6 rats sélectionnés d'une manière extrêmement sévère. On doit donc s'attendre à des résultats exceptionnels de la part de ces animaux.

Il signale ensuite à six autres étudiants que le groupe des 6 rats n° 2 n'a rien d'exceptionnel et que, pour des causes génétiques, il est fort probable que ces rats auront du mal à trouver leur chemin dans le labyrinthe. Les résultats confirment très largement les prédictions fantaisistes effectuées par Rosenthal : certains rats du groupe n° 2 ne quittent même pas la ligne de départ.

 

Après analyse, il s'avère que les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient particulièrement intelligents, leur ont manifesté de la sympathie, de la chaleur, de l'amitié ; inversement, les étudiants qui croyaient que leurs rats étaient stupides ne les ont pas entourés d'autant d'affection.

 

L'expérience est ensuite retentée avec des enfants, à San Francisco, par Rosenthal et Jacobson, mais en jouant uniquement sur les attentes favorables des maîtres.

 

Dorénavant, Rosenthal et Jacobson savent qu’ils peuvent jouer avec le discours, avec le semblant. Ils choisissent, pour leur expérience, un quartier pauvre, délaissé de la politique et où habitent un nombre important de familles immigrées vivant dans des conditions très difficiles (milieu socio-économique défavorisé). Ils se présentent dans une école de ce quartier avec une fausse carte de visite et expliquent qu’ils dirigent une vaste étude à Harvard, en réalité financée par la National Science Foundation. Cette étude porte sur l’éclosion tardive des élèves (simple test de QI). Par la suite, ils pourront recommencer ce test sur les mêmes élèves et voir s’ils auront le même résultat ou non. Toute cette expérience se fait dans un contexte dans lequel l’intelligence a un caractère inné.

 

Rosenthal et Jacobson font passer le test à l’ensemble des élèves, puis s’arrangent pour que les enseignants prennent connaissance des résultats, croyant qu’il s’agit d’une erreur de transmission de courrier. Les résultats ne sont pas les résultats réels du test de QI, mais comportent des notes distribuées aléatoirement. Vingt pour cent des élèves se sont vu attribuer un résultat surévalué. À la fin de l'année, Rosenthal et Jacobson font repasser le test de QI aux élèves.

 

Le résultat de l'expérience démontre qu'une année après le premier test, les 20 % se sont comportés comme les rats du premier groupe : ils ont amélioré de 5 à plus de 25 points leurs performances au test d’intelligence. Le hasard a créé un nouveau type d’élèves grâce au regard qu’ont porté les enseignants sur ces élèves, en raison des résultats du test artificiellement biaisés. Cependant, ces résultats sont à nuancer : après la deuxième année, les élèves plus jeunes perdent l'avantage acquis, alors que les élèves plus âgés le conservent.

 

« Dès que les professeurs commencèrent à le traiter en bon élève, il le devint véritablement : pour que les gens méritent notre confiance, il faut commencer par la leur donner » (Marcel Pagnol, Le temps des amours, 1988, p. 76).

 

 

COMMENT SE PRODUIT L’EFFET PYGMALION ?

 

 

Ray Rist (1970) a observé pendant 3 ans le comportement des instituteurs et la trajectoire scolaire d’enfants de ghettos américains âgés de 5 ans. Il conclut que le destin de certains était scellé dès les 8 premiers jours d’école maternelle. Au bout d’une semaine de classe, l’instituteur avait « déjà » identifié

les élèves rapides et lents, et les avait assignés à des tables de travail différentes; les plus rapides au premier rang, et les autres derrière. Comme on pouvaits’y attendre, l’enseignant passa la majorité de son temps et de son énergie avec les élèves du premier rang. De manière tout aussi prévisible, cette discrimination entraîna un manque d’intérêt et de l’agitation dans les rangs les plus éloignés.

Ainsi, quand l’enseignant s’occupait des élèves les plus lents, c’était le plus souvent pour leur adresser des réprimandes. De ce manque de considération et de cette disparité au niveau des contenus d’enseignement, il ne pouvait résulter que de modestes voire aucun progrès scolaires ; une moindre performance finalement conforme aux attentes originelles de l’enseignant ! De plus, cette dépréciation

par l’enseignant des élèves des rangs éloignés a été rapidement perçue  par ceux du premier rang, qui ne manquaient pas dès lors de les ridiculiser (« je suis plus intelligent que toi », « t’es stupide, la question était facile »). Progressivement, les élèves lents ont intériorisé l’image que l’enseignant leur renvoyait, et

ont commencé à se blâmer et à manifester un retrait pour les tâches scolaires , de l’hostilité envers les autres. Le label « rapide » et « lent », informel à l’origine, s’est cristallisé au cours de l’année pour prendre un caractère « officiel » non dénué de fondement. Dans les deux années qui ont suivi (l’équivalent du CP et

du CE1), les enfants ont été répartis dans de nouveaux groupes de travail. Mais aucun enfant des deuxième et troisième rangs n’a été affecté dans le groupe des « bons » lecteurs. Symétriquement, à une exception près, aucun élève du premier rang n’a été placé dans les groupes des lecteurs « moyens » ou « faibles ». Lesort en était jeté !

 

Globalement, il existe deux types d’études sur l’effet Pygmalion. Les premières,à l’image de celle de Rosenthal et Jacobson (1968) ont consisté à induire des attentes chez les enseignants en leur fournissant des informations erronées sur les élèves (comme des résultats falsifiés à des tests). Le second type

d’études, similaires à celle de Rist (1970), a utilisé les attentes naturellement établies par les enseignants dans leur salle de classe. Dans toutes ces recherches, il a été démontrée qu’une croyance ou attente d’un enseignant à l’égard d’un élève modifiait l’attitude du premier à l’égard du second, qui au bout du compte tendait à se conformer à la croyance de l’enseignant.

 

Malheureusement, les attentes de l’enseignant peuvent aussi être influencées par d’autres facteurs moins fiables, comme par exemple la performance des frères et sœurs ou des généralisations abusives basées sur les caractéristiques stéréotypiques associées à certains groupes sociaux. Dans ce dernier cas, des recherches ont démontré qu’une partie des attentes de l’enseignant pouvait reposer sur l’attractivité physique, le sexe, et l’origine ethnique ou sociale des élèves

 

Autre test :

En début d’année, les auteurs annoncèrent la liste des élèves retenus comme étant précoces, aux professeurs, à la suite d'un pré-test de performance banal assigné à tous les enfants (ces élèves étaient en fait pris au hasard, certains bons, d’autres moyens ou mauvais). Ce faisant, Rosenthal et Jacobson créaient chez les professeurs une « attente » concernant les futurs progrès des élèves : soit une « attente positive », soit, « pas d’attente ». Les auteurs partaient de l'hypothèse suivante : en indiquant au professeur qu'un élève est précoce et peut réaliser d'énormes progrès durant l'année (que ce soit vrai ou non), on va développer chez ce professeur un état mental positif  visant cet élève : une certaine forme de préjugé basée sur une connaissance censée être valide.

 

Ils constatèrent d'ailleurs :

 

  • Que tous les élèves présentés comme précoces avaient progressé significativement, qu'ils aient eu un mauvais résultat, ou un bon, au premier test!
  • Des relations préférentielles entre ces élèves et les enseignants
  • Des systèmes de communication dans lesquels ces enfants désignés ont eu un rôle plus important que les élèves non désignés comme précoces (ces systèmes par exemple, garder la classe, gérer les activités, etc... se mettaient en place le long de l'année, comme dans toute classe)
  • Une homogénéisation des résultats de ces élèves : lorsque les élèves censés être précoces faisaient des erreurs, celles-ci étaient minorées par les enseignants!

 

 

 

Sans préjuger outre mesure, il y a au moins deux explications à ce phénomène. La première, c’est que celui qui bénéficie de l’influence de Pygmalion est plus exigeant avec lui-même. Là où la plupart de ses camarades se contenteront d’avoir leur baccalauréat, lui s’imposera un standard plus élevé : ne pas avoir une mention serait un échec. La seconde, c’est que Pygmalion vous donne confiance en vous : là où les autres hésitent de peur de faillir, il ose, il essaye et ne craint pas les échecs. Et c’est pour ces deux raisons qu’il réussit.

 

Mais là où Pygmalion est un allié puissant, son frère jumeau est un ennemi terriblement destructeur. Ce frère jumeau, c’est le Golem.

 

L’effet Golem

 

 

L’effet Golem, c’est précisément l’inverse du Pygmalion, son négatif. C’est ce qui arrive lorsque l’autorité juge que vous ne pouvez pas, que votre potentiel est limité — comprenez « faible ». Sous l’influence du Golem, votre enfant estime qu’avoir son bac, c’est déjà un exploit — la mention, quant à elle, n’est même pas de l’ordre du possible. Le Golem, c’est cette petite voix insidieuse qui lui répète, jour après jour, que ses rêves sont hors de portée. « Sois raisonnable, dit-elle, ces choses-là ne sont pas pour toi : reste donc à ta place. »      (Le baiser du Golem)

 

Sans doute pensez-vous que ce sont là de bien piètres parents et de bien mauvais professeurs. Quelle sorte de gens sont-ils pour briser les rêves d’un gamin, pour le déclarer vaincu avant même qu’il n’ait livré bataille ? Eh bien détrompez-vous. Le Golem n’est pas nécessairement animé par de mauvaises intentions. C’est même tout à fait le contraire : le Golem est bien souvent un père protecteur, une mère inquiète ou un professeur attentionné.

 

Songez à ce père, à qui son fils explique qu’il veut devenir magistrat et qui, avec les meilleures intentions du monde, met en garde son petit au motif que « tu sais, nous, on est des ouvriers ; la magistrature, c’est un métier de bourgeois : ils ne voudront pas de toi. » Golem !

 

Et que dire de cette mère inquiète qui, parce que sa fille a la peau aussi noire que la sienne, la persuade que chercher du travail dans une banque est une perte de temps ; qu’elle n’a aucune chance et n’en tirera qu’une amère déception ? Golem !

 

Que penser de ce professeur qui, le service public chevillé au corps, croit rendre un grand service à son élève en l’orientant dans une de ces nombreuses voies de garage que notre Éducation Nationale d’État a aménagé pour celles et ceux qui ne rentrent pas dans son moule uniforme ? Golem aussi !

 

Et ceci encore : que fait ce ministre bienveillant qui, pour éviter à ses concitoyens de se confronter aux réalités du vaste monde, multiplie les subventions et les réglementations supposément protectrices ? Golem encore !

 

Que dire, enfin, de cette maman aimante qui, pour lui montrer son amour et l’encourager, félicite son gamin parce que ce trimestre-ci, pour la première fois, il n’est pas dernier de sa classe ? Golem toujours !

 

Les meilleures intentions du monde. De l’amour et de la compassion comme s’il en pleuvait. Mais le seul résultat que vous obtenez c’est de conforter vos mômes, vos amis, vos proches et tous ceux qui vous sont si chers dans l’idée infiniment destructrice qu’ils sont limités, qu’ils doivent se satisfaire de peu, qu’ils ne peuvent pas et que leurs rêves sont voués à l’échec.

 

Retrouver l’envie

 

Et je crains, pour tout vous dire, que notre société toute entière soit sous l’emprise d’un immense Golem. À force de vouloir protéger les « faibles », à force de vouloir tout égaliser, réglementer et organiser nous avons convaincu les fils d’ouvriers qu’ils ne deviendront jamais les Bill Gates de demain, les jeunes filles noires qu’elles n’ont d’avenir qu’avec des contrats du même nom et tous nos gamins qu’avant dix ans les dés étaient déjà jetés.

 

Ça commence, justement, dès l’école primaire ; dans cette administration soviétiforme qui, faute d’être capable de tirer les gosses en difficulté vers le haut, se contente de leur enseigner les déterminismes supposés qui expliquent pourquoi on va les coller au placard. « Tu es une fille, tu es une fille d’ouvrier et en plus tu es musulmane ? Va donc passer un concours d’agent de maîtrise territorial, va donc quémander un contrat d’avenir et surtout, n’oublie pas de te révolter contre cette société qui t’oppresse ! » Golem !

 

Ce qu’il nous faut c’est un Pygmalion, un énorme Pygmalion. Cet immense bol d’air frais et d’optimisme qui nous dit, à chacun d’entre nous, que nous pouvons ; mais que nous pouvons individuellement  Nous avons besoin d’un Pygmalion pour nous rappeler que la gloire et les honneurs échoient à ceux qui essaient et pas à ceux qui se terrent. Nous avons besoin d’un Pygmalion pour que la réussite des uns ne soit plus un motif de jalousie mais un encouragement pour les autres. Nous avons besoin d’un Pygmalion, enfin, pour retrouver l’envie, l’envie de vivre et l’envie de vivre ensemble.

 

« Il faut rêver très haut pour ne pas réaliser trop bas. »

 

Pygmalion !

 

 

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