A l'intérieur.

Une discussion aujourd'hui en classe. Elle suivait un moment de méditation avec un travail sur la concentration, sur la respiration. 8h30, tous les stores baissés, les lumières éteintes. Tous les enfants ont les yeux fermés et ils écoutent la voix de Sarah Giraudeau qui les invite à suivre intérieurement leur respiration, l'air froid qui entre par les narines, l'air chaud qui ressort, le mouvement de leur poitrine dans l'approfondissement de cette respiration.

  Je leur avais expliqué la différence entre l'attention et la concentration.

"Lorsque vous devez traverser la route, vous faites attention à l'environnement, les voitures, un feu rouge, la vitesse de la voiture au loin. Vous êtes tournés vers l'extérieur et c'est vital.

En classe, vous devez vous extraire de cette attention à l'environnement et entrer dans la concentration. Ce qui signifie se centrer sur soi. Si vous continuez à faire attention, vous n'êtes pas en vous mais à l'extérieur. La respiration est le moyen le plus efficace pour entrer en soi puisque vous accompagnez l'air qui vous nourrit.

  Plus tard dans la matinée, pendant un travail mathématiques un enfant dit qu'il n'a pas mis le zéro de décalage dans la multiplication puisque pour lui, zéro, c'est rien.

Rectification, Zéro n'est pas rien, il a une existence. Et c'est lui qui permet à 1 de venir s'installer. Et c'est lui qui permet à 10 d'exister.

Rien ne peut venir de rien. Rien n'est rien que le néant. De la même façon, méditer n'est pas rien. C'est vivre intérieurement. Je peux n'avoir aucune agitation mais être tout de même dans une activité méditative. Agitation et activité ne sont pas semblables.

J'utilise toutes les occasions de la journée pour ramener les enfants vers l'observation intérieure.

C'est là que Line a dit :

"Mais alors, quand je suis chez moi et que je me dis que je ne fais rien, ça n'est pas vrai ?

-Pourquoi Line, explique-toi s'il te plaît.

-Ben, c'est comme pour le zéro, il ne fait rien apparemment mais il existe pourtant.

-Oui et alors ?

-Ben quand je ne fais rien, je vis quand même. Et comme je ne fais rien, je peux vraiment le voir. Si je regarde dedans.

-Oui, Line, je suis entièrement d'accord. Et c'est encore mieux lorsque tu parviens à faire quelque chose, quoique ce soit, en restant dans cette observation intérieure. Tu peux t'endormir en regardant ce qui se passe en toi, en te laissant emporter doucement par la respiration, comme quelque chose qui te berce. C'est la vie qui te câline. Tu peux écrire en regardant au dedans de toi, tu peux écouter de la musique, danser, jouer, manger, lire en regardant au-dedans de toi. Non seulement, il n'y a jamais rien à observer mais dedans, c'est même rempli de paysages incroyablement immenses.

Silence. Les yeux des enfants qui regardent à l'intérieur.


C'était une très belle journée.

blog

Commentaires

  • Jean-Michel
    • 1. Jean-Michel Le 19/10/2012
    Ah oui... j'ai lu. Le confort de penser "droit", conforme, ne pas déranger... et le sommeil du fossile, je peux te dire que c'est imperturbable ,O) Je sens et je comprends la tension chez mon fils de 6 ans, déjà, et je pense à Maxime Le Forestier et à "ces chevaux qui refusent la bride et le mors". Oui, il y a des envies de ruades mais on doit se policer non... puisqu’on a le temps. Tu parles. Amicalement.
  • Thierry
    • 2. Thierry Le 19/10/2012
    Bonjour Jean-Michel.
    Ça gagne, ça gagne, mais ça ne va pas vite...Quand je lis ce texte qui date de 1972, je sais bien que le même constat pourrait être écrit aujourd'hui dans bien des classes et c'est effrayant...Regarde les commentaires qui ont été écrits sur mon texte "agressions sur les profs", tu auras une idée de la fossilisation des comportements.
    http://www.refletsdutemps.fr/index.php?option=com_zoo&task=item&item_id=1833&Itemid=2
  • Jean-Michel
    • 3. Jean-Michel Le 19/10/2012
    Salut Thierry,
    Tiens mais je la connais cette grenouille, elle est de bon conseil, quand on prend le temps de s'arrêter sur notre nénuphar. Une de tes collègues doit aussi la connaître, mince, ça gagne !
    Tiens... j'ai pensé que ce texte te parlerait. Rien ne change ?
    "J'étouffe !
    Depuis quelques heures, je suis en overdose de substances scolaires. Proche du coma. Un regard circulaire dans la classe me confirme que la majorité de mes camarades sont dans le même état. Les yeux fixes, le regard vide, les épaules voûtées. J'ai envie de me lever, de crier, de danser, de rire, d'aller voir ailleurs. Mais je ne dois pas... Donc j'utilise autrement cette énergie muselée. Madame Gange, professeur de géographie, est une femme d'âge mûr. Elle a totalement perdu le sens du mot séduction. Elle aussi est fatiguée. Pourquoi et comment tout le monde accepte-t-il cette tourbe ? Je ne sais pas.La classe est hermétiquement close sur un cérémonial stérile qui s'opère machinalement. Mystère de l'éducation ? Dans cette asphyxie, j'envisage l'extérieur, le dehors. J'ai besoin de respirer. Je m'évade. La fenêtre, l'air frais, l'espace, le ciel bleu nuit, les hirondelles.Petits oiseaux merveilleux. Je suis avec vous. Je vous accompagne. Je reviens un instant dans la classe, et puis, comme rien n'a bougé, je repars aussitôt."

    Frédéric - souvenir du lycée Octave Gréard Paris 1972.

Ajouter un commentaire