Aide aux Profs

 
 
 

Secondes carrières des enseignants ; à peine nées, déjà mortes ! Le changement n'aura pas lieu, sauf en changeant radicalement de politique

Aide aux Profs dresse un triste constat: depuis mai 2012, les efforts réalisés entre 2010 et 2012 par le gouvernement précédent pour les secondes carrières des enseignants sont maintenant anéantis.


Le décret n°2014-507 du 19 mai 2014 sonne la fin de la récréation pour ces professeurs qui avaient cru en la générosité de l'Etat pour leur permettre de croire à une seconde carrière externe après 10 à 25 ans de bons et loyaux services. Ce décret met fin à la possibilité d'obtenir une Indemnité de Départ Volontaire pour projet personnel, et pour création d'entreprise, même si ce n'est pas expressément spécifié dans le texte, un oubli incroyable alors que le Président de la République a lancé un vaste projet pour enseigner l'entreprenariat à l'Ecole.

Ce fut pourtant l'une des meilleures idées de ces 50 dernières années, qu'a eu le gouvernement FILLON.

Le versement de l'indemnité de départ volontaire est désormais conditionné à la suppression ou au reclassement du poste occupé par l'agent. Ce qui signifie que les enseignants n'y auront plus jamais droit, puisqu'une affectation leur est toujours proposée une fois leur poste supprimé, quitte à les affecter dans les pires conditions qui soient, en TZR ou sur un établissement à particularités.

Cette suppression de l'IDV s'ajoute à la série de décisions dramatiques prises depuis mai 2012 sur le front toujours pionnier des secondes carrières des enseignants.

LE TEXTE

Entre mai 2012 et aujourd'hui, en effet, le Gouvernement a tenté de restreindre considérablement le régime des autoentrepreneurs, avant de faire machine arrière sous la pression des "poussins". Non, il n'y a pas de lutte contre le chômage dans ce pays, sinon, notre gouvernement serait fier de savoir que bon nombre de demandeurs d'emploi ne demandent qu'à créer leur entreprise au lieu de devenir des assistés en allant quémander leur RMI ou leur RSA.Pourquoi le régime d'autoentrepreneur est-il honni à ce point ? Pourquoi lancer d'un côté une vaste campagne à l'Ecole pour l'entrepreunariat si c'est de l'autre côté pour rendre la vie impossible à ceux qui souhaitent entreprendre ?

Un autre projet va contribuer à diminuer le nombre d'entreprises créées par des fonctionnaires: la réforme de la déontologie des agents publics. En proposant de la renforcer, alors que le gouvernement n'est pas en état depuis 2010 de changer le point d'indice des fonctionnaires, la Ministre de la Fonction Publique va accroître leur paupérisation sur le court, le moyen et le long terme. C'est une perspective dramatique, qui va à l'encontre de tous les idéaux de ceux qui ont cru dans ce changement qui leur avait été promis.

Cette loi va limiter fortement les cumuls d'activité des agents publics dont le pouvoir d'achat n'est plus garanti, avec une politique d'économies de plus en plus fortes.

Enfin, et cela nous inquiète aussi, avec les économies de 50 milliards à réaliser, les 801 opérateurs de l'Etat sont fortement mis à contributionPour la première fois depuis 2006, nous constatons un sérieux recul du nombre de postes à pourvoir en détachement dans les établissements publics et dans les associations complémentaires de l'Etat. Nous y discernons une volonté de les supprimer au fur et à mesure, comme l'ont été 5200 postes de "mise à disposition" durant les années Sarkozy entre 2007 et 2012.

Alors que les secondes carrières des enseignants ont servi comme contrepartie à l'allongement de la durée de carrière des enseignants dans la loi sur les retraites de 2003, ces secondes carrières n'auront jamais vu le jour, malgré la promesse de François FILLON en 2005 de "500 postes par an" puis de Dominique DE VILLEPIN en 2006 de "1000 postes par an". Ce ne furent que des miroirs aux alouettes.

Les secondes carrières que l'on propose aux enseignants qui n'en peuvent plus d'enseigner, sont de:

- changer de discipline d'enseignement,
- changer de niveau d'enseignement,
- de devenir chef d'établissement. Le Livre Blanc de 2014 du SNPDEN a de quoi inquiéter les candidats à ce type de fonctions.

De Gauche comme de Droite, les promesses n'ont pas été tenues. Les secondes carrières des enseignants se réduisent symboliquement à quelques dizaines de postes d'attachés accueillis chaque année en détachement dans diverses administrations...pour toute la France.

Le nombre de postes en PACD et PALD n'a pas varié d'un iota depuis 5 ans, et les rectorats en sont réduits à de savants bricolages pour tenter d'aider ceux qu'ils peuvent aider. Les enseignants en mauvaise santé sont logés à très mauvaise enseigne, de plus en plus conduits vers la mise en invalidité avec une perte conséquente de leurs revenus, amputés de 30 à 40%. 

Les personnels administratifs des académies, obligés de prendre de telles décisions faute de postes de reclassement à proposer, sont eux aussi les victimes de cette politique d'économies outrancière depuis 2007 au moins, qui réduit leurs moyens, leurs effectifs, et les soumet eux aussi à une tension au travail, avec une montée des Risques Psycho-Sociaux, qui affecte notamment les agents de catégories C et B, qui ne peuvent faire qu'une chose: subir, ou partir.

Les secondes carrières auraient pu naître du potentiel important des emplois qui onnt existé en MAD et en détachement. Ce Gouvernement a décidé de les supprimer progressivement, nous en sommes les témoins. De nombreux CIO de l'ONISEP fusionnent, voire ferment. Ce sont des postes qui sont supprimés. Des postes en détachement sont supprimés lors des départs en retraite. Les associations complémentaires de l'Etat proposent de plus en plus de postes de contractuels. Le détachement est en train de vivre ses dernières belles années dans l'Education Nationale, mais subsiste encore dans d'autres ministères: jusqu'à quand ?

Alors que des foules en liesse ont cru dans un changement courant 2011-2012, on découvre peu à peu qu'il n'a pas eu lieu, et qu'il n'aura pas lieu. En effet, le projet de regroupement des régions et de suppression de nos départements, héritage de notre histoire, de l'après révolution, en 1790, va avoir de lourdes conséquences sur les effectifs des conseils généraux, et engendrer inquiétude et montée des Risques Psycho-Sociaux dans les collectivités locales. C'est un grand plan social qui s'annonce dans les conseils généraux. Les communes et les régions pourront-elles absorber ses effectifs, ou le nombre de contractuels employés ira-t-il rejoindre lui aussi les statistiques du chômage ?

Il n'y a plus de secondes carrières. Il n'y a que regrets, déceptions, souffrances, parmi tous ces enseignants qui y ont cru, et qui n'y croient plus. L'Education Nationale est financièrement et structurellement dans l'incapacité de créer des emplois de reconversion pour les enseignants autres que ceux d'enseigner ou de piloter des établissements d'enseignement.

La solution nous semble simple pourtant pour sortir de cette impasse du recrutement, et de l'envie de réaliser une reconversion, cette envie étant éprouvée par de plus en plus d'enseignants, et nous l'avons proposée lors du colloque du 21 mai du Se-Unsa auquel Aide aux Profs était conviée à s'exprimer:

Il faut en finir avec le Mammouth, avec cette gestion trop centralisée et devenue inadaptée.

Pour changer de mode de GRH, il faut changer au niveau macro et au niveau micro.

1.Quelle Gestion des Ressources/Richesses Humaines inventer au niveau macro ?

Changer maintenant de culture RH, c’est possible, cela doit être un comportement collectif, au quotidien, par l’accueil, l’écoute, le sourire, la bonne humeur. Pourquoi les savoir-être ne sont-ils pas évalués lors des concours d’attaché d’administration, de chef d’établissement, d’inspecteur ? Un manager de proximité est-il celui qui maîtrise seulement les savoirs que l'on attend de lui ?

Pour changer de mode de GRH, il faut apporter du sang neuf dans le système, des managers qui viennent de l’extérieur avec un regard neuf, sans préjugés, déconnectés a priori des pratiques ancestrales de l’Education nationale. Le ministre Luc CHATEL avait rompu une tradition en nommant DGRH une ancienne DRH de la RATP, Josette THEOPHILE. Elle a manqué de temps pour réaliser un véritable changement.

PROPOSITION 1 :
Le Premier Ministre Manuel VALLS propose d’ici 2016 de réduire le nombre de régions administratives. Cela peut signifier la fusion des rectorats dans les actuelles petites régions. En 2 à 3 quinquennats ce système de pilotage par le haut peut être modifié en ne renouvelant pas les départs en retraite en administration centrale puisque 30% de leurs actifs ont plus de 50 ans, et en redéployant progressivement tous les autres agents dans les différents rectorats, dans des pôles d’expertise plus proches du terrain. Le pilotage de masse, au lieu de gérer plus d'un million de personnes, serait territorialisé, avec des masses à gérer bien moindres.

PROPOSITION 2 :

Conserver un recrutement par concours pour 60% maxi des effectifs enseignants.

Monter progressivement en puissance dans le recrutement de contractuels jusqu’à 40% comme le prévoit la loi du 3 août 2009 sur les parcours de mobilité interministériels. Ces contractuels seraient rémunérés et gérés administrativement par les Régions. Ils seraient recrutés par les chefs d’établissement, de l’école au lycée, à partir de la BIEP et de pôle emploi.

Quatre avantages : 

- Nous aurions deux systèmes de GRH qu’il sera possible de comparer. On saura très vite, au bout d’un an ou deux, lequel est le meilleur : local, ou national ? 

- une plus grande flexibilité d’emploi, de remplacement, de mobilité tout au long de l’année tant pour les enseignants fonctionnaires que contractuels. 

- permettre enfin une plus grande diversité dans le recrutement des enseignants, en favorisant l’expérience. Cela influerait sur le chômage des cadres, et notamment des plus de 50 ans que le privé met sur le bas-côté.

- la possibilité, enfin, de créer les conditions d’une GRH de proximité.

2.Quelle Gestion des Richesses Humaines de proximité inventer dans les EPLE ?

Le dernier Livre Blanc du Syndicat National des Personnels de Direction de l’Education Nationale de 2014 dénonce le harcèlement administratif dont ils font l’objet de la part de leur tutelle. Près de 20% ont participé à l’enquête. 50% estiment leur temps de travail entre 55 et 75h par semaine, et 30% entre 46h et 54h. C’est trop dans les deux cas. 

Dans ce contexte, la reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle est plus que jamais d’actualité. Jean-Claude DELGENES, Directeur Général du Cabinet d’étude des risques professionnels Technologia qu’il a créé en 1989, a lancé une pétition en ce sens le 22 janvier 2014, qui a recueilli plus de 6100 signatures. 

PROPOSITION 1 :

Constituer des pôles de direction étoffés dans les écoles, collèges et lycées, pour diluer le pouvoir d’un binôme au profit d’un collectif, qui s’y impliquerait par rotation annuelle, les PERDIR devenant des managers coordonnateurs.

- Depuis 2006 Aide aux Profs propose de confier des lettres de mission à l’année à des enseignants intéressés par cette diversification de leur temps de travail. Des secondes carrières à temps partiel sur la base de 1h d’enseignement en moins = 2h de travail administratif. Un certifié peut ainsi enseigner 15h + 6h de mission dans l’établissement.

Cela aurait plusieurs avantages :

- Responsabiliser chaque enseignant dans le bon fonctionnement de l’établissement, c’est le valoriser professionnellement, lui faire confiance.

- Assurer une plus grande présence des adultes dans l’établissement.

- Constituer un pôle d’appui qui sera un relais d’efficacité lors du changement d’un chef ou chef adjoint.

- Alléger le temps de travail du binôme PERDIR au quotidien, qui peut donc se consacrer à former les enseignants et être plus à leur écoute dans leurs difficultés au travail.

- Réaliser une meilleure gestion de la pénibilité au travail des personnels au fil de l’âge. 

- Permettre à l’enseignant de gagner plus, grâce à ces missions annuelles 

Le PERDIR deviendrait un logisticien, un DRH de proximité. 

PROPOSITION 2 :

Modifier le mode d’évaluation et de progression professionnelle des enseignants.

- L’inspection doit devenir bienveillante, attentive, encourageante, pour les 10 premières années de la carrière. Au-delà, il faut considérer qu’un enseignant a enfin acquis des compétences pédagogiques qui ne peuvent plus être remises en cause. Le système actuel infantilise l’enseignant durant toute sa carrière, c’est démotivant, déstabilisant. Il faut en finir.

- L’évaluation doit faire l’objet d’une note collective, établie en concertation entre pairs et entérinée par le chef d’établissement, et encourageante. 

- Il faut se garder de la tentation d’évaluation par les résultats, car il est tellement facile de pratiquer des devoirs plus faciles pour que les élèves aient de meilleures notes, que cela desservirait l’Ecole et induirait en erreur les parents comme tout le système.

Tous les enseignants avanceraient au petit choix, avec intégration des hors classes dans les grilles actuelles, donc jusqu’à 14 échelons, pour éviter la stagnation du pouvoir d’achat après 55 ans qui conduira chaque enseignant 15 ans plus tard vers la précarité. La variation de leur rémunération s’effectuerait en fonction de la qualité de leur investissement dans le pôle de direction étoffé de l’établissement.


Début mai 2014 a été promis un gouvernement de combat. Depuis, le résultat des élections européennes montre qu'il est en train de faire fausse route, de se tromper de bataille, en continuant d'assommer les classes moyennes qui constituaient le terreau principal de son électorat. 



Association Aide aux Profs,
Mouvement associatif de seconde carriere des enseignants

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