Cold case
- Par Thierry LEDRU
- Le 17/10/2022
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Ce fait divers avait frappé tout le monde à l'époque et je connaissais le lieu. J'avais lu tout ce que je pouvais trouver sur cette sombre histoire et puis un jour, ou plutôt certainement, une nuit, je me suis dit que ça pouvait être le point de départ d'un roman.
"LES HEROS SONT TOUS MORTS" a démarré à ce moment-là. Et aujourd'hui, j'écris le tome 3...
Tuerie de Chevaline : trois juges d'instruction du pôle "cold cases" saisis du dossier
Publié le 17/10/2022 à 16h09
Écrit par MCP avec AFP
Quatre personnes ont été tuées le 8 septembre 2012 à Chevaline (Haute-Savoie) sans que l'auteur n'ait été identifié par les enquêteurs. • © PHILIPPE DESMAZES / AFP
Trois juges d’instruction du pôle "cold cases" viennent d’être désignés pour poursuivre l’enquête sur la tuerie de Chevaline. Parmi eux, Sabine Khéris, la magistrate qui a obtenu les aveux de Michel Fourniret dans la disparition d’Estelle Mouzin.
Dix ans après le drame, l’enquête concernant la tuerie de Chevaline vient de prendre un nouveau tournant. Les trois juges d'instruction du pôle national en charge des dossiers non-résolus ("cold cases") viennent d'être désignés pour enquêter sur la tuerie de Chevaline.
Parmi eux figure Sabine Kheris, qui s’est illustrée en mars 2020 pour avoir résolu l’affaire Estelle Mouzin. Lors d’une audition, elle était parvenue à faire avouer au tueur en série Michel Fourniret le meurtre de la fillette disparue en Seine-et-Marne en 2003.
A ses côtés, deux autres juges ont été désignés pour enquêter sur Chevaline. "Ce sera le premier dossier du pôle cold cases" à bénéficier des expertises conjointes de Sabine Khéris, Nathalie Turquey et Emmanuelle Ducos, a révélé ce lundi le nouveau président du tribunal judiciaire de Nanterre, Benjamin Deparis.
"Il ne faut perdre aucune chance" sur cette affaire "d'une particulière complexité" et qui est "à l'arrêt, objectivement", a encore estimé le magistrat.
Le dossier de la "tuerie de Chevaline", quadruple meurtre non élucidé depuis 2012, a été transféré fin septembre au nouveau pôle "cold cases" de Nanterre, qui jouit de davantage de "moyens humains dédiés", avait annoncé le parquet d'Annecy.
Dix ans de doutes et d'incertitudes
Le 5 septembre 2012, un Britannique d'origine irakienne de 50 ans, Saad al-Hilli, son épouse de 47 ans et sa belle-mère de 74 ans avaient été retrouvés morts dans leur voiture, tués de plusieurs balles dans la tête, sur une route de campagne près de Chevaline, non loin du lac d'Annecy.
Un cycliste de la région, Sylvain Mollier, 45 ans, avait également été abattu. L'une des fillettes du couple al-Hilli avait été grièvement blessée tandis que la seconde, recroquevillée sous les jambes de sa mère, en était sortie indemne.
Cette affaire, au retentissement mondial, est restée une énigme après des milliers d'heures d'enquête et des dizaines d'auditions.
Depuis sa création en mars, le pôle dédié aux "cold cases" a ouvert 37 enquêtes, dont 35 confiées à des juges d'instruction, avaient annoncé en septembre les chefs de juridiction.
LES HEROS SONT TOUS MORTS
Val Gelon, Savoie.
Une sacrée beuverie.
Gaston savait bien qu’il n’y avait qu’une bonne partie de chasse pour éliminer la gnôle qu’il avait ingurgitée la veille. Faut dire que le Joseph, il savait la faire la gnôle. Pas du jus de pommes pour puceau.
Gaston prit son fusil et la cartouchière et sortit.
Il s’engagea sur le chemin des hêtres et s’amusa des bonnes blagues de toute la bande. Purée, quelle rigolade. Il aurait bien aimé finir la soirée avec la Jocelyne mais elle avait trop bu et elle s’était endormie comme une tombe.
Bah, il la baiserait le week-end prochain, cette fois il la sauterait avant qu’elle ne s’effondre.
Il vit les traces des sangliers.
« Sacrés salauds ceux-là. Depuis le temps qu’ils se foutent de ma gueule, je vais bien finir par les déloger. »
Il n’avait plus voulu de chien après la mort de son Bestiau : un Beauceron de toute beauté, intelligent et fidèle. Purée, il aurait dû le buter ce trou du cul de François. Prendre son Bestiau pour un sanglier et lui éclater la cervelle, fallait vraiment qu’un abruti pareil pour faire ça. Si y’avait pas eu toute la bande, ce connard aurait fini dans un fossé. Ça ne l’aurait pas dérangé de lui faire la peau, c’est tout ce qu’il méritait.
« Putain, je suis désolé pour ton chien Gaston, j’étais sûr qu’il était avec toi, je pouvais pas deviner qu’il s’était éloigné. »
Rien à foutre de ses excuses. Faudrait pas qu’il lui tombe dessus dans la forêt, tiens, une petite balade tout seul, ça finirait en steak haché. Pas de témoin. Bestiau serait vengé.
Il avait déjà avalé une bonne dénivelée quand il finit par retrouver son calme.
Ça lui faisait plaisir de sentir la sueur dans son dos. Il força le pas. L’entraînement de rugby, parfois, ça ne lui suffisait pas. Il avait besoin de se vider les tripes pour calmer ses rages.
« S’arracher la viande, y’a pas mieux pour se refaire une santé. Et si j’arrive à tirer un de ces salauds de sangliers en plus, j’aurais tout gagné. »
Demain, c’était la paye et il pourrait acheter le cardan pour le C15. Aller à l’usine à pied, ça commençait à le faire chier pour de bon. Et redescendre un sanglier sur le dos, ça ne l’amusait plus. Et puis ce putain de mal de dos, ça n’arrangeait rien. Le toubib lui avait dit qu’il devrait déjà commencer par maigrir, cent vingt kilos, ça n’aidait pas. Putain, si le toubib faisait son boulot, il pourrait le critiquer. Cette tapette planquée derrière son bureau, tout juste bon à encaisser le pognon et à lui faire la morale. Qu’il aille bosser à l’usine et il aura le droit d’ouvrir sa gueule.
Ça le faisait chier de voir qu’il n’arrivait pas à rester tranquille dans sa tête. Toujours un connard pour venir l’emmerder. Le nombre de fois où il rêvait d’en buter un pour de bon. L’autre fils de pute de contremaître à l’usine, tiens, celui-là ferait un bon tas de viande à éclater. Deux cartouches de douze dans le buffet, ça devait valoir le coup.
Gaston n’avait jamais cherché à comprendre d’où lui venaient ses envies de meurtre. Personne n’en savait rien, c’était dans sa tête, bien au secret. Parfois, ça le faisait jouir quand ça faisait trop longtemps qu’il n’avait pas bourriné la Jocelyne et qu’il se finissait à la main. Il giclait en imaginant des cervelles éclatées.
Peut-être que ça venait de l’époque où son père le torgnolait. C’est là qu’il avait commencé à imaginer des meurtres. Il n’avait pas eu le temps de passer à l’acte. Le père s’était tué en prenant le tracteur sur la gueule. Ce connard avait basculé sur le bas-côté, pile au sommet d’un champ bien pentu. Le père avait sauté mais le tracteur lui était passé dessus, une belle galette, toute la viande étalée dans l’herbe, les intestins qui avaient giclé comme une merde au cul d’une vache. C’est la mère qui avait conduit la bagnole jusqu’au champ. Le Fernand était venu prévenir. Il avait eu le temps de bien voir et s’était retenu de rire. Il avait quatorze ans et c’était de toute façon la dernière année où le père aurait pu le baffer. L’année suivante, il avait pris quinze centimètres et trente kilos. Comme si le père mort, il s’était mis en tête de le remplacer. Il s’était bien occupé de sa mère d’ailleurs. C’est même lui qui avait rempli tous les papiers pour l’assurance. Il lui avait refait la cuisine avec les sous. Et maintenant, vingt ans après, il lui faisait ses courses et il passait la voir pratiquement tous les soirs. Il ne savait pas encore ce qu’il ferait quand elle serait morte. Il aimerait bien partir dans les Antilles pour se caser avec une doudou et boire du rhum à la plage. Putain, avec l’argent de la maison de la mère et ses petites économies, il pourrait bien se payer le voyage et voir venir quelque temps. Elle n’était pas bien grande cette maison et ça ne rapporterait pas grand-chose. Mais, bon, dans les îles, ça doit pas coûter bien cher. Il s’interdit de souhaiter la mort prochaine de sa mère mais ne put s’empêcher de voir passer l’idée en boucle pendant un moment.
Il pensa aux numéros du prochain loto. Il avait étudié les résultats de toute l’année précédente et il avait bien vu les numéros qui revenaient le plus. Il avait décidé de jouer les autres en se disant que ça rapporterait encore plus.
C’est là qu’il entendit les coups de feu. Droit au-dessus. C’était le parking du Molliet, cul-de-sac de la route forestière du Sappey. Qui pouvait bien flinguer par là-bas à cette heure? Aucun de ses potes n’avait parlé d’une montée ce matin. Et puis, ils étaient étranges ces coups de feu. Pas un fusil de chasse ça.
Il avait compté six déflagrations.
Et puis plus rien.
Le souffle court, il sortit du chemin cinquante mètres sous les deux voitures. Le moteur de l’une d’elle tournait.
Il aperçut les corps.
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