Fred Vargas
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/04/2019
- Commentaires (2)
Je me posais la même question ces derniers jours. A la différence que mes romans ne sont pas connus du grand public. Mais, effectivement, il est nécessaire de s'interroger : quel est l'intérêt d'écrire des romans sur des sujets "légers" alors que la situation planétaire est dramatique ?
Se pose alors inévitablement le sens de l'art. Doit-il être utile ?
Est-ce qu'un seul de mes écrits a eu un effet utile ? Un effet planétaire, évidemment pas. Un effet individuel, je l'ignore. Dès lors, est-ce que ce temps consacré à écrire des romans n'aurait-il pas dû être employé à écrire des essais, des livres de réflexions ? Ou est-ce qu'il aurait mieux valu que je m'engage dans des actions réelles, sur le terrain, autres que dans mon potager ?
Si je parviens à finir la trilogie en cours et dont le thème principal concerne "l'utilité de l'humanité", je ne sais pas ce que je pourrais bien écrire ensuite...
Très heureux de voir une auteure aussi célèbre et talentueuse prendre la plume...
""En comparaison (de la situation de la planète), écrire un polar me paraît dérisoire."" Fred Vargas.

Dans L'Humanité en péril, essai tiré à 80.000 exemplaires, Fred Fargas s'attaque aux crimes contre la planète, au changement climatique, à l'épuisement des ressources naturelles. Mais contrairement à ses enquêtes policières, les coupables sont vite démasqués : "eux", les gouvernants et autres lobbies.
L'élément déclencheur : la démission de Hulot
"L'élément déclencheur a été la démission de Nicolas Hulot, paralysé par le gouvernement, gouvernement lui-même au service des grands lobbies et des multinationales. C'est ça qui nous a mené à la catastrophe", explique la romancière à l'AFP.
Puis la COP24 sur le climat, en décembre, qu'elle qualifie d'"échec catastrophique", a finalement fait sauter le pas à cette historienne et archéozoologue de formation.
Celle qui a été chercheuse pendant 15 ans au CNRS s'est plongée dans la science climatique, avec l'idée de mettre toutes les informations disponibles à portée de ses nombreux lecteurs. "Je me suis dit peut-être que mon nom ne fera pas peur aux gens", malgré un sujet ardu et souvent anxiogène, explique la créatrice du commissaire Adamsberg.
"Hantée du matin au soir" par la crise climatique et environnementale
Mais Fred Vargas a découvert que le problème qui désormais la "hante du matin au soir" était pire qu'elle ne l'imaginait. "Je pensais être informée, mais je me suis aperçue que j'étais presque aussi désinformée que les autres, et cette désinformation m'a scandalisée. Je la trouve criminelle", insiste-t-elle.
"Ça me rend folle ! Si on s'y était pris il y a 40 ans, à commencer à faire progressivement les transitions, à booster la recherche, à abaisser les productions..."
Mais "les gouvernements sont pris comme dans une toile d'araignée, ils ne peuvent pas sortir de ce modèle productiviste de la surabondance", se désole la romancière.
Une revue des causes de la crise et des "bonnes pratiques" à adopter
Épuisement des matières premières, pénurie d'eau, déforestation, émissions des gaz à effet de serre responsables du réchauffement... L'humanité en péril - Virons de bord, toute ! (Flammarion) passe en revue les causes de l'état déplorable de la planète et les "bonnes pratiques" à adopter, toutes accompagnées de leurs possibles effets secondaires négatifs.
Parmi ses cibles principales, le système agro-alimentaire, qui notamment "pompe" l'eau de la planète. Alors "je ne mange plus de viande", dit-elle.
Et pour ne pas perdre son lecteur dans ces 200 pages de données, d'explications, de scénarios catastrophes, Fred Vargas s'adresse directement à lui.
Elle s'adresse directement au lecteur
"Comment vais-je me sortir de cette tâche insensée ? De cette idée de m'entretenir avec vous de l'avenir du monde vivant ? Comment vais-je me tirer de là ? Je n'en ai pas la moindre idée, et vous non plus", écrit-elle à la première page.
Et si ses fans ne l'attendaient peut-être pas sur ce créneau, elle assure avoir baigné dedans depuis toute petite. Grâce à son père, "naturaliste amateur de grand niveau", explique-t-elle à l'AFP.
"Il nous arrêtait devant chaque fleur, dans nos balades il disait : stop les filles, vous voyez cette petite fleur jaune à cinq pétales luisants et pointus au bout, ça s'appelle une ficaire et maintenant que vous savez son nom, vous ne marcherez plus jamais dessus...".
"Écrire un polar me paraît dérisoire"
La romancière sait que ce nouveau livre risque de ne pas se vendre autant que ses polars. Le dernier, Quand sort la recluse, a été écoulé à 540.000 exemplaires en grand format et 195.000 en poche, selon Flammarion.
Mais ce n'est pas pour autant qu'elle planifie une nouvelle enquête du commissaire Adamsberg. "En comparaison (de la situation de la planète), écrire un polar me paraît dérisoire."
Commentaires (2)

- 1. | 15/08/2019

- 2. | 04/06/2019
Je n'avais jamais lu de polars de votre part,promis je m'y mets car j'ai aussi apprécié votre humour...merci donc de cet excellent travail