Habitat léger

Quand il s'agit d'assécher des zones humides pour construire des zones commerciales, il n'y a pas de souci, tout est validé.

Ou le Tony Parker qui veut construire un ensemble immobilier de luxe sur le plateau du Vercors et relancer le ski avec moults aménagements pour capter l'eau, pas de problème.

 

"À croire qu’on est des criminels !".

La maison en terre et paille d’Amalia et Harald, condamnée à être détruite par la justice

 

Publié le 02/03/2023 à 12h31

Écrit par Maylen Villaverde

La cabane en terre et paille d'Amalia et Harald fait 40m² au sol

La cabane en terre et paille d'Amalia et Harald fait 40m² au sol • © La tanière du Val de Landeleau

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En 2019, Amalia et Harald achètent un terrain à Landeleau dans le Finistère, sur lequel ils construisent une maison en terre et paille, sans prise au sol. Cet habitat léger, écologique et biodégradable, est le projet de leur nouvelle vie. En octobre la justice les a condamnés à détruire leur maison. Cette affaire interroge sur la place qui est donnée dans notre société aux nouvelles façons d'habiter.

C’est le projet de leur vie. Originaire d’Isère, Amalia et Harald ont tout quitté pour venir construire leur rêve en Bretagne. En 2019, ils ont un coup de cœur pour un terrain situé sur la commune de Landeleau dans le Finistère.

Ces 5 hectares se situent sur une ancienne carrière d'ardoise et appartiennent à une zone Natura 2000. C’est là que le couple veut bâtir son écohabitat léger et autonome, pour développer leur projet de vie en harmonie avec la nature.

Pendant plus d'un an, ils vivent sous une toile de tente. Le temps de nettoyer, préparer le terrain et enfin bâtir leur habitation.

Un habitat neutre et autonome

Harald et Amalia "aspirent à une vie des plus simples" et au plus près de la nature. Leur projet d’éco-lieu, baptisé, la Tanière du val de Landeleau, en est la concrétisation.

Pour leur maison, le couple a pris soin de choisir des matériaux naturels, locaux, tous biodégradables comme le bois, la pierre, la terre, la paille ou la chaux pour les enduits. Aussi, ils n’ont pas posé de dalle, ni réalisé de fondation en dur pour ne pas abîmer les sols.

L'intérieur de la maison

L'intérieur de la maison • © Marie Guerre

Pour l’eau, ils ont installé un bassin de récupération d’eau de pluie qu’ils filtrent, et les eaux usées, elles, sont envoyées dans un bassin de phytoépuration. Les toilettes sont évidemment sèches. Quant à l’électricité, le couple se contente d’une batterie rechargée par un panneau solaire.

La lumière des bougies et les lampes solaires leur suffisent.  Leur maison est, au final, totalement biodégradable et sans impact sur leur environnement. Pour autant elle reste un endroit douillet et chaleureux.

Le retour de la biodiversité

A l’extérieur de la maison la philosophie reste la même. Le couple a tout pensé pour avoir un impact positif sur la biodiversité. Il a privilégié la permaculture pour son jardin, les arbres plantés sont des essences exclusivement locales, et des zones de friche ont été laissées en l’état pour les oiseaux.

Le jardin de la tanière d'Amalia et Harald

Le jardin de la tanière d'Amalia et Harald • © La tanière du Val de Landeleau

Ces amoureux de la nature ne pouvaient se passer des animaux. Trois chiens, des poules, des moutons, des chèvres et des oies les accompagnent aussi sur cette aventure.

L’intérêt écologique de leur lieu de vie a été confirmé par le chargé de mission Natura 2000 qui a estimé que leur tanière n'avait pas d'impact négatif sur la biodiversité mais qu'au contraire, leurs actions permettraient de la valoriser.

Du rêve au cauchemar

La Tanière du val de Landeleau semble tenir toutes ses promesses écologiques. Mais Amalia et Harald sont tombés sur un os, qu’ils n’avaient pas anticipé. N’ayant pas d’emprise sur le sol, ni de fondation en dur, leur maison peut être considérée comme un "habitat léger". Selon les textes de loi, elle relèverait alors de la loi Alur, qui dispense les propriétaires de permis de construire.

Sauf que. Sauf que, la loi exige toute de même, une délibération du conseil municipal pour être en conformité avec le réglement national de l'urbanisme. Une décision communale que les porteurs de projet n'ont jamais obtenue.

"Deux mois après notre arrivée, le maire en poste en 2019, est venu nous voir sur notre terrain pour nous dire de foutre le camp et que si on ne dégageait pas il porterait plainte contre nous. Nous n’avons même pas pu lui expliquer quel était notre projet. Il a ensuite raconté au conseil municipal qu’on était des punks à chiens, un peu zonards et que notre terrain allait finir en ZAD" se souvient, amère, Amalia.

Michel Salaün déposera effectivement plainte en décembre 2019. Le couple de nouveaux arrivants est donc convoqué par la gendarmerie et interrogés séparément pendant deux heures. Ils ont bon espoir que les relations s’améliorent avec la nouvelle équipe municipale qui arrive en juin 2020. "Nous les avons tous invités à venir visiter le lieu, mais personne ne nous a répondu et personne n’est venu" raconte la protagoniste.

Condamnés à détruire leur maison

Le 13 avril 2021 Amalia et Harald sont convoqués devant le délégué du procureur qui leur confirme qu’une simple validation du conseil municipal suffirait à les mettre en conformité avec le droit. Ils ont alors 6 mois pour régulariser leur situation.

Mais malgré un rendez-vous, plusieurs mails et appels téléphoniques, le maire de Landeleau ne fournira jamais ladite lettre et continue de leur réclamer un permis de construire.

En septembre 2022 les deux porteurs de projet se retrouvent devant le tribunal correctionnel de Quimper. La sentence tombe : ils ont jusqu’au 15 avril 2023 pour remettre le terrain dans son état initial. Après cette date ils seront redevables de 200 euros d’astreinte par jour.

"C’est totalement démesuré. À croire qu’on est des criminels " s’indigne Amalia. "Je comprends qu’on ne puisse pas autoriser n’importe quoi, mais quand il y a des gens qui ont envie de faire quelque chose de bien, pourquoi les condamner ? On nous bassine à longueur de temps sur la nécessité d’une vie plus sobre en eau et électricité. Nous, on est autonomes, et on nous oblige à détruire notre maison, ça n’a pas de sens !".

Le couple a fait appel de la décision mais il n’est pas suspensif. Désabusés les deux propriétaires ont lancé une pétition de soutien en ligne. Elle totalise, fin février 2023, plus de 8 700 signatures.

Quitte à tout perdre ils ont également décidé de médiatiser leur affaire : "c’est notre dernier espoir. Il faut que les sachent la maltraitance et la discrimination dont on peut être victime" explique Amalia.

Le maire et la loi Alur

Joint par téléphone, le maire de Landeleau se défend d'avoir empêché le projet. "On prête trop de pouvoir aux maires. Je ne peux pas donner de courrier d'autorisation. C'est la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer NDLR) et la justice qui ont jugé que le projet ne relevait pas de la loi Alur. Les porteurs du projet ont eu une mauvaise information" se justifie le maire qui conclut "si j'avais pu, je l'aurais fait ".

Le maire est l'autorité compétente en matière d'urbanisme

Préfecture du Finistère

Contactée par mail pour connaître le rôle et la position de la DDTM dans ce dossier, la préfecture du Finistère s'est contentée de répondre "le maire est l'autorité compétente en matière d'urbanisme".

Les maires ne sont souvent pas au courant qu'ils ont la possibilité de régulariser les projets de construction d'habitats légers

Paul Lacoste, association HALEM



L'association HALEM (Association d'Habitant⋅e⋅s de Logements Éphémères ou Mobiles) accompagne de nombreux porteurs de projets d'habitats légers. Paul Lacoste, responsable du suivi juridique de l'association a notamment conseillé Amalia et Harald pendant plus d'un an. Selon lui "le délégué du procureur entrevoyait une possibilité de régularisation du projet mais le maire n'a pas répondu à ses sollicitations. Si le maire avait dit "on entame une procédure de régularisation", le délégué du procureur aurait classé le dossier".

Paul Lacoste rappelle l'esprit de la loi Alur : "la loi Alur est un ensemble de dispositions qui ont été votées pour dissiper un flou juridique autour de l'habitat léger et mobile, et éviter la judiciarisation des projets qui peuvent opposer les porteurs et les collectivités".

Dans un document destiné aux porteurs de projet, l'association explique : "Pour sortir du dilemme juridique sur le besoin ou non d’un permis de construire, le gouvernement autorise les documents d’urbanisme à définir les terrains où les résidences mobiles ou démontables, constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs, peuvent être installées. Il suffit de soumettre ces terrains à un régime de déclaration préalable ou de permis d’aménager."  Il faut, pour cela, démontrer la réversibilité de l'habitat, préciser les conditions de raccordement, garantir la sécurité.

Dans la réalité "les maires ne sont souvent pas au courant qu'ils ont la possibilité de régulariser les projets de construction d'habitats légers, par une simple délibération au conseil municipal" résume Paul Lacoste.

L'association HALEM constate qu'aujourd'hui 95% des habitats légers sont hors la loi en France.

Dans le Vercors, le projet immobilier de Tony Parker met toute une montagne en ébullition

 

Un conflit autour de deux projets d’hôtels, dont l’un est porté par l’ancienne star du basket, révèle les tensions dans les stations, en pleine interrogation sur leur modèle de développement post-ski alpin.

Par Jessica Gourdon(Villard-de-Lans (Isère), envoyée spéciale) 

Publié le 13 janvier 2023 à 05h30, mis à jour le 13 janvier 2023 à 05h30 

Temps deLecture 6 min.

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Les pistes de ski alpin de Villard-de-Lans (Isère) dans le massif du Vercors, à environ 1 400 mètres d'altitude qui sont fermées et parcourues par des randonneurs, le 29 décembre 2022.

Les pistes de ski alpin de Villard-de-Lans (Isère) dans le massif du Vercors, à environ 1 400 mètres d'altitude qui sont fermées et parcourues par des randonneurs, le 29 décembre 2022. FRANCOIS HENRY/REA

Quand il pense à ces « week-ends d’hiver bénis », où la neige, le froid et le soleil sont au rendez-vous, ces « journées magnifiques » pleines de skieurs sur les pistes, Guillaume Ruel ne peut retenir une certaine amertume. « C’est tellement dur ! Tellement dur d’imaginer autre chose… », confie le directeur de la Société des remontées mécaniques de Villard-de-Lans et Corrençon (Isère), deux stations de ski familiales de moyenne montagne.

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A cette altitude, les effets du changement climatique sont déjà perceptibles, et ne feront que s’accentuer. Une neige moins stable, des saisons plus courtes, une météo plus imprévisible, un fonctionnement des canons à neige plus aléatoire… Ces vacances de Noël sans neige en ont été l’illustration. Pour compenser ces incertitudes, la « transition » est inéluctable. « Et en même temps, on sait que rien ne sera jamais aussi rentable que le ski alpin », poursuit ce trentenaire, skieur passionné et enfant du pays.

Voilà la problématique qui bouscule ces stations de moyenne montagne, ultra-dépendantes de l’économie du ski. Ce dilemme, qui affecte tous les massifs, se matérialise avec force dans ces deux villages du Vercors, confrontés à des choix cruciaux pour leur avenir.

Deux clans se dessinent : d’un côté, ceux qui veulent continuer à miser sur le ski alpin tant que cela est encore possible, aidés par les canons à neige, tout en développant des activités estivales et de nouveaux équipements. De l’autre, ceux qui veulent renoncer au tourisme comme pilier souverain du territoire, et privilégier le développement d’un autre type d’économie, plus locale, plus adaptable – quitte à y greffer des activités de tourisme à faible intensité.

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Deux directions, deux visions de la croissance (ou de la décroissance) et, dans cette nouvelle bataille du Vercors, une ancienne star, qui place ces deux stations de montagne sous les projecteurs : Tony Parker, qui a racheté pour 9 millions d’euros la Société des remontées mécaniques de Villard-de-Lans et Corrençon (SEVLC) en 2019. Jusque-là, il n’était jamais monté sur des skis.

Si l’ex-basketteur des Spurs de San Antonio, dont la fortune est estimée à plus de 200 millions d’euros, a placé des billes dans cette société, c’est aussi parce que le site lui donnait la possibilité de bâtir un ensemble hôtelier, sur un terrain constructible au pied des télécabines. Ce futur « resort » à 96 millions d’euros (900 lits, 21 000 mètres carrés), qui occuperait la place d’un parking, est devenu le symbole d’une nouvelle contestation.

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