Hécatombe chez les insectes volants.

Des chercheurs ont observé une chute de plus de 75% du nombre d'insectes volants depuis 1989 dans des réserves naturelles allemandes. Ils soulignent que les zones étudiées sont entourées de terres agricoles traitées avec des insecticides.

Des papillons posés sur des fleurs dans le nord de l\'Allemagne, le 17 août 2017.
Des papillons posés sur des fleurs dans le nord de l'Allemagne, le 17 août 2017. (CARSTEN REHDER / DPA)

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Un déclin catastrophique. La biomasse des insectes volants, essentiels aux écosystèmes, a diminué de plus de 75% en près de trente ans en Allemagne. La cause n'est pas identifiée avec certitude, mais les chercheurs suspectent que les pesticides agricoles sont responsables de cette hécatombe alarmante, selon des conclusions publiées mercredi 18 octobre dans la revue américaine scientifique Plos One (en anglais)

 

1Qu'ont observé les chercheurs ?

 

Des entomologistes ont recueilli des données pendant vingt-sept ans dans 63 réserves naturelles disséminées sur le territoire allemand. Ils ont pesé la masse totale des insectes qu'ils piégeaient et ont déterminé qu'elle avait diminué de 76% en moyenne, et même de 82% au milieu de l'été. "Cela dépasse considérablement le déclin quantitatif, estimé à 58%, des vertébrés sauvages depuis 1970", relève, cité par Le Monde, Caspar Hallmann, entomologiste à l'université Radboud de Nimègue (Pays-Bas), qui a participé à l'étude.

"La diminution de la biomasse des insectes ailés est suspectée depuis longtemps, mais s'est avérée plus sévère qu'on ne le pensait, poursuit le chercheur. Le fait que la population de ces insectes se réduise dans de telles proportions et sur d'aussi vastes étendues géographiques est encore plus alarmant."

Cette chute a été observée quels que soient les changements météorologiques, l'utilisation des sols ou les caractéristiques de l'habitat.

 

2Quelles sont les causes de ce déclin ?

 

Les entomologistes restent prudents, et réclament des recherches supplémentaires pour identifier les causes de ce phénomène. Mais ils font remarquer que les réserves étudiées, en majorité des petites surfaces, sont entourées de zones agricoles utilisant des insecticides. Ce déclin catastrophique, résume Le Monde"est dû à l’intensification des pratiques agricoles et au recours aux pesticides. Il menace la chaîne alimentaire."

La cause la plus plausible, selon les chercheurs, est en effet à chercher dans les pratiques agricoles. D’autres travaux récents, disent-ils, mettent en évidence que "l’intensification agricole (…) et les nouvelles méthodes de protection des cultures sont associées à un déclin général de la biodiversité des plantes, des insectes, des oiseaux et d’autres espèces". Sont à nouveau pointés du doigt les néonicotinoïdes, des insecticides accusés de décimer les abeilles et dont la France a voté l'interdiction totale à compter de 2018, avec des dérogations possibles jusqu’en 2020.

Les chercheurs estiment en effet que si la météo peut expliquer des fluctuations de la masse des insectes au cours d'une saison ou d'une année sur l'autre, elle ne peut être la cause d'un si rapide déclin. En outre, le réchauffement climatique devrait plutôt encourager la prolifération d'insectes, et non leur diminution.

Ces résultats, selon eux, sont probablement représentatifs de ce qui se passe dans une grande partie de l'Europe ou ailleurs dans le monde, lorsque des réserves naturelles se trouvent au milieu de terres agricoles. De précédentes études avaient déjà révélé un déclin inquiétant de la diversité et de la population de certaines espèces (abeilles, papillons, etc.) en Europe et en Amérique du Nord.

 

3Pourquoi est-ce grave ?

 

Les insectes volants jouent un rôle crucial dans la pollinisation de 80% des plantes sauvages et dans l'alimentation de 60% des espèces d'oiseaux. "Alors que des écosystèmes entiers dépendent des insectes pour la nourriture et la pollinisation, on peut s'inquiéter d'un déclin des populations d'oiseaux et de mammifères qui s'en nourrissent", a prévenu Hans de Kroon, lui aussi chercheur à l'université Radboud.

"On peut difficilement imaginer ce qu'il pourrait advenir si ce phénomène de disparition des insectes ailés se poursuivait", s'est inquiété le scientifique. Mais comme les causes de ce déclin ne sont pas clairement établies à ce stade, il est difficile de prendre des mesures concrètes pour l'enrayer, a-t-il ajouté.

Ces chercheurs espèrent que leurs conclusions vont servir de signal d'alarme et entraîner rapidement des études supplémentaires.


http://www.lavie.fr/blog/mahaut-herrmann/vers-l-apocalypse-ecologique,4981

Vers l'apocalypse écologique ?

 

PUBLIÉ LE 19/10/2017 À 13:15

 

 

Une étude a mis en évidence l'effondrement des populations d'insectes volants. Peut-on espérer une réaction politique avant l'effondrement final ?

Rien ne nous sera épargné. Nous avions déjà entendu que plus de la moitié des vertébrés de la planète avait disparu en quarante ans, que la France avait perdu 50% de ses chauves-souris restantes entre 2006 et 2014, que les abeilles étaient officiellement reconnues comme une espèce en voie de disparition. Et voilà qu’une étude publiée le 18 octobre dans la revue PLoS One estime que le déclin des insectes volants en Allemagne en moins de trente ans est de 76% (et jusqu’à 82% au milieu de l’été). Nous pourrions ne pas nous en inquiéter et nous dire que cela ne concerne que nos voisins allemands, que l’étude ne porte pas sur la France et qu’il n’y a donc aucune raison de tirer le signal d’alarme. Seulement voilà, le principal facteur explicatif mis en évidence par les chercheurs est l’intensification des pratiques agricoles et l’utilisation massive d’engrais de synthèse et de pesticides. Or, avertissent les auteurs de l’étude, les systèmes agricoles de la France et du Royaume-Uni sont « très semblables » à ceux de l’Allemagne et ont recours aux intrants mis en cause. En conséquence de quoi « il y a une bonne ‘chance’ pour que l’Allemagne soit représentative d’une situation bien plus large ». En outre, les interactions des écosystèmes sont telles que les insectes allemands sont connectés par des mécanismes écologiques aux insectes des autres pays. Il est donc peu probable que l’effondrement constaté en Allemagne se limite à cette seule Allemagne. Rajoutons encore que les insectes sont liés aux vertébrés – dont l’effondrement sur l’ensemble de l’Europe est dument documenté – par des interactions proie-prédateur et que le déclin des vertébrés entraîne mécaniquement celui des insectes.

 

Que se passerait-il si les insectes venaient à disparaître entièrement ? Tout simplement le pire. « Il apparaît que nous rendons de vastes étendues de terre inhospitalières à la plupart des formes de vie et que nous sommes en route vers une apocalypse écologique »a déclaréau Guardian Dave Goulson, un des auteurs. « Si nous perdons les insectes, tout va s’effondrer. » Il est d’usage, pour décrire les actions écologiques, de parler de « sauver la planète ». Or la planète Terre se remettra très bien de la sixième extinction de messe que nous vivons. Elle en a vu d’autres, et notamment la disparition des dinosaures. Celle qui ne va pas s’en remettre, en revanche, c’est l’humanité, tributaire et dépendante des interactions entre toutes les formes de vie existant actuellement sur le globe. Ce « tout » qui va s’effondrer, c’est ce qui nous permet de respirer, de boire de l’eau potable, de produire la nourriture dont nous avons besoin pour vivre. Autrement dit, la planète n’est pas en danger, mais nous, nous le sommes.

 

On aurait pu penser que, depuis le temps que les scientifiques donnent l’alerte, les responsables politiques des pays occidentaux auraient réagi. Qu’ils auraient questionné la pertinence des modèles économiques et de la consommation de ressources qu’ils occasionnent à l’aune de ce que nous commençons à savoir. Qu’ils auraient compris, enfin, que les mobilisations contre les « grands projets inutiles » (A45, Notre-Dame-des-Landes, Center Parcs, stades géants) sont notamment basées sur des données chiffrées quantifiant l’effet de ce type d’équipement sur la biodiversité et les équilibres naturels. Mais non. Ils s’accrochent coûte que coûte à l’idée que ces grands projets faciliteront l’accès à l’emploi et que cela compensera d’une manière ou d’une autre – mais laquelle ? – les dégradations écologiques qu’elles entraînent.

 

Le combat contre la centrale à biomasse de Gardanne est le dernier exemple en masse de l’aveuglement volontaire de la classe politique française. Comme le rapportait Reporterre au début du mois, les parcs naturels du Verdon et du Lubéron et l’association France Nature Environnement PACA ont dû l’accepter sous la pression car la région menaçait de leur supprimer leurs subventions s’ils persistaient dans leur refus. Or 70% à 80% de leur budget dépend de financements régionaux. Ce n’est certes pas la première fois que des associations de la nature sont ainsi menacées : les auvergnates et les rhônalpines, qualifiées par Laurent Wauquiez d’ « ayatollahs » et « doryphores vivant sur la bête », ont déjà subi l’ire du président de la grande région fusionnée (et probable futur président des Républicains, ce qui n’augure rien de bon quant à la prise en compte de l’urgence de la situation par la droite). Mais les arguments avancés par ceux des hommes politiques qui dépassent l’insulte pour tenter un argumentaire donnent l’impression de venir d’une autre époque. « Il est temps que chacun se ressaisisse et comprenne que l’écologie n’est ni une doctrine ni une idéologie, mais doit être mise au service de l’économie pour faire de la croissance verte un atout et faire gagner la France » : la déclaration est signée Renaud Muselier, président de la région PACA. Les insectes volants dont les effectifs s’effondrent doivent-ils eux aussi se ressaisir et comprendre qu’il leur faut croître et multiplier malgré des vents hostiles, pour se mettre au service de l’économie et de la croissance européenne ? Les chauves-souris et les vertébrés sont-ils eux aussi des fainéants qui ne déclinent que par idéologie et refus de se mettre au service de la croissance verte qui fera repartir l’Europe ?

 

Entre les discours politiques et la réalité écologique, le fossé se creuse un peu plus chaque jour. Emmanuel Macron n’a pas eu beaucoup de mots pour l’écologie lors de sa dernière intervention télévisée. Nicolas Hulot essaie de ménager la chèvre et le chou depuis sa nomination. Nos hommes politiques ne font rien pour inverser la tendance qui va mener à la disparition de la vie humaine et s’en félicitent. À moins que ceux qui ont en main les leviers d’action ne vivent un chemin de Damas, nous boirons le calice jusqu’à la lie.
 

Photo : © nemirkovic / iStock

 

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