Lobbyistes de l'industrie agroalimentaire
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/11/2025
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Comment envisager un avenir plus positif ?
Les forces en présence sont d'une telle inégalité.
Ces gens qui travaillent pour les lobbies de l'agro-alimentaire, comment font-ils pour se sentir en paix, sereins ?
Comment lutter contre ces armées destructrices ?
1) ne plus manger d'animaux
2) ne rien acheter qui ne soit produit sur le sol français. Pour le riz, le sucre et autres denrées exotiques, ne prendre que des productions bio.
3) limiter toutes les dépenses qui ne soient vitales afin de pouvoir concentrer son pouvoir d'achat sur les produits qui répondent au 1 et au 2.
4) garder à l'esprit que nous sommes responsables par nos achats de la dévastation ou de la protection et que nous avons le choix.
Plus de 300 lobbyistes de l'industrie agroalimentaire sont présents à la COP30 de Belém, dont cinq dans la délégation française
Parmi les 530 personnes que la France a invitées au sommet pour le climat, cinq représentent les intérêts de grands groupes du secteur agroalimentaire, révèle un décompte du média d'investigation DeSmog, avec qui franceinfo a travaillé.
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Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié le 18/11/2025 13:00 Mis à jour le 19/11/2025 10:30
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Des participants à la COP30 entrent dans le site des négociations, le 10 novembre 2025 à Belém (Brésil). (MAURO PIMENTEL / AFP)
D'ordinaire, lors des COP, les ONG dénoncent la présence des lobbyistes des énergies fossiles(Nouvelle fenêtre). Mais à Belém, au Brésil, où se tient jusqu'au vendredi 21 novembre le 30e sommet mondial pour le climat, les représentants du secteur agricole se sont déplacés en masse. Selon les analyses du média d'investigation britannique DeSmog, soutenu par la coalition Kick Big Polluters Out ("Virez les gros pollueurs"), que franceinfo a consultées, 302 lobbyistes de l'industrie agroalimentaire sont présents dans les couloirs de la COP30(Nouvelle fenêtre), organisée dans un pays où l'agriculture est reine.(Nouvelle fenêtre) Soit 14% de plus qu'en 2024 à Bakou, en Azerbaïdjan.
Un lobbyiste sur quatre du secteur est venu avec la délégation officielle de son pays et bénéficie donc d'un accès privilégié aux salles de négociations. Et la France ne fait pas exception, avec cinq représentants. Parmi eux, quatre personnes défendent les intérêts du spécialiste des produits laitiers Danone à la COP30. Le groupe explique sa présence par la volonté d'"avancer sur des sujets liés au changement climatique et à la transformation des systèmes alimentaires". A franceinfo, Danone cite "la réduction des émissions de méthane dans l'agriculture ou le soutien des agriculteurs dans l'adoption de pratiques agricoles régénératrices et durables". Il souligne aussi avoir "été la première entreprise agroalimentaire à s'engager à réduire les émissions de méthane de 30% dans le lait frais d'ici à 2030".
Carrefour fait également partie de la délégation française, avec un délégué. Le groupe de grande distribution explique à franceinfo profiter de la COP30 pour "contribuer à faire de l'alimentation un point central des discussions sur le climat". Il dit être "invité [pour] témoigner des actions [qu'il met] en œuvre et qui pourraient être répliquées, par exemple sur le gaspillage alimentaire ou la lutte contre la déforestation". Carrefour assure avoir participé à "une quinzaine d'interventions pour partager des bonnes pratiques".
Le Brésil reste le pays qui a accrédité le plus de membres de l'agro-industrie (26), notamment issues de l'entreprise JBS, principal producteur de viande dans le monde. Suivent l'Indonésie (11 membres), le Japon (neuf), le Honduras (six), puis la France, la Chine et la Norvège (cinq représentants pour chacun des pays).
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Danone figure parmi les groupes les plus présents, avec un total de 10 participants à la COP30, invités par la France donc, mais aussi par l'association patronale européenne BusinessEurope, la Chambre de commerce internationale, la plateforme du Partenariat français pour l'eau et la coalition d'entreprises du Conseil mondial des affaires pour le développement durable.
L'entreprise allemande pharmaceutique et agrochimique Bayer est davantage présente, avec 19 représentants dans la COP30. "Pour Bayer, la COP30 constitue une étape importante, d'autant plus au Brésil, deuxième marché mondial de l'entreprise", commente auprès de franceinfo Felipe Albuquerque, directeur durabilité de la branche d'Amérique latine de l'entreprise. Sont également présents, en plus petit nombre, la multinationale suisse Nestlé (neuf délégués), le géant américain de l'exportation Cargill (cinq délégués), son équivalent anciennement français et désormais néerlandais Louis Dreyfus (un), le géant américain des snacks et des boissons Pepsico (six) ou encore la chaîne de restauration rapide McDonald's (deux).
Le secteur de la viande en tête
DeSmog complète son état des lieux par une analyse par secteur. Celui de la viande arrive en tête – le Brésil est le premier exportateur de bœuf et de volaille au monde –,(Nouvelle fenêtre) devant ceux de l'agroalimentaire et les boissons, des négociants en matières premières, des entreprises laitières, des pesticides ou des engrais.
Autant de conclusions que déplorent les militants pour l'environnement et le climat. "L'agriculture industrielle, troisième contributeur mondial aux émissions, a été autorisée à coopter la convention sur le climat", dénonce Lidy Nacpil, du Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement. "Il n'est pas surprenant que les négociations sur l'alimentation et l'agriculture à la COP aient été réduites à un simple forum de discussion. La COP ne permettra jamais de mettre en place de véritables mesures climatiques tant que les lobbyistes industriels seront autorisés à influencer les gouvernements et les négociateurs."
Méthodologie : DeSmog, qui effectue ce travail depuis quatre ans, s'est basé sur la liste provisoire des 56 000 participants(Nouvelle fenêtre) à la COP30. Le média y a identifié les plus grandes entreprises des principaux secteurs alimentaires : viande et produits laitiers, pesticides et engrais, transformation alimentaire, vente de matières premières et de semences, distribution alimentaire et biocarburants. Sont également pris en compte les groupes commerciaux industriels mondiaux et régionaux, des syndicats agricoles nationaux et des instituts ayant des affiliations avec des entreprises et/ou un historique de lobbying aligné sur les demandes de l'industrie.
"Ça fend le cœur de les voir là" : le lobby de l'agrobusiness s'invite en force à la COP30 de Belém
Consulter le Dossier : Cop 30 : nos reportages au Brésil
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Article rédigé par Camille Adaoust - envoyée spéciale à Belém (Brésil)
France Télévisions
Publié le 18/11/2025 13:00 Mis à jour le 18/11/2025 13:15
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Une action pour dénoncer la présence de l'agrobusiness à Belém (Brésil) lors de la COP30, le 10 novembre 2025. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)
Au sommet annuel pour le climat, les représentants de multinationales sont à la manœuvre pour vanter leur vision de l'agriculture de demain, un secteur clé au Brésil.
"La nourriture, c'est pour les gens, pas pour le profit." Ils sont une trentaine de militants, venus du monde entier, lundi 10 novembre à Belém, pour dénoncer la présence de géants de l'agroalimentaire à la COP30. Réunis devant "l'Agrizone", un espace situé à dix minutes de bus de celui des négociations climatiques, consacré à "l'agriculture durable" et accueillant les grands groupes du secteur, ces manifestants critiquent une "exposition de drones et de capteurs sensoriels". Des gadgets technologiques, à leurs yeux, défendus par les acteurs agro-industriels.
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"C'est à rebours de la transition juste pour l'agriculture", pointe Marie Cosquer, chargée de plaidoyer sur les systèmes alimentaires pour l'ONG Action contre la faim. A ses côtés, d'autres s'indignent. "Les lobbyistes sont les bienvenus. Par contre, les gens des pays du Sud, les plus vulnérables, ne le sont-ils pas ? Je suis déçue qu'ils prennent autant d'espace, on se sent exclus", regrette la Colombienne Andrea Echeverri. "C'est notre COP, la COP du peuple. Ça fend le cœur de les voir là", acquiesce le Népalais Prayash Adhikari.
Le poids colossal de l'agro-industrie au Brésil
Coorganisée par le gouvernement brésilien et logée dans les locaux de l'Embrapa, l'agence brésilienne de recherche agricole (l'équivalent de l'Inrae en France), l'Agrizone est une première dans l'histoire des sommets pour le climat. Elle illustre l'importance de l'agro-industrie au Brésil, devenu un poids lourd à l'échelle mondiale. La preuve en chiffres : le secteur représente pas moins de cinq millions d'exploitations, 39% de la superficie du pays, un quart de l'économie nationale, 20% des emplois et près de la moitié des exportations, liste le gouvernement français(Nouvelle fenêtre). Et c'est aussi la cause de 97%(Nouvelle fenêtre) de la déforestation du pays.
"Lors de la COP30, l'agrobusiness est présent de manière à refléter l'importance d'un secteur qui nourrit plus d'un milliard de personnes et se conforme à la législation environnementale la plus stricte au monde", se défend Muni Lourenço, président de la commission environnementale au sein de la Confédération brésilienne de l'agriculture et de l'élevage (CNA).
Plus grande entité représentative de l'agro-industrie brésilienne, la CNA avait pourtant milité(Nouvelle fenêtre) cet été pour la suspension d'un moratoire visant à ne pas commercialiser le soja cultivé dans les zones de l'Amazonie touchées par la déforestation. "L'objectif de l'Agrizone est de montrer que la production alimentaire et la préservation de l'environnement vont de pair au Brésil", avance aujourd'hui Muni Lourenço.
Robot, IA et agriculture "régénérative"
Dans ce lieu plus vaste que celui de la COP30 officielle, les solutions technologiques s'affichent au premier plan. Dès l'entrée, les visiteurs découvrent un robot capable de grimper aux arbres pour récolter de l'Açaï, ce fruit rouge issu de certains palmiers, cher à la région du Para. Plus loin, un appareil de plusieurs mètres de long, muni de panneaux solaires, propose d'analyser la nature des sols à l'aide de l'intelligence artificielle pour répandre des pesticides "uniquement là où c'est nécessaire".
Sur son stand, Nestlé promeut une agriculture régénérative, pratique qui vise à stocker plus de carbone dans les sols, mais limitée, rappelle le média d'investigation Desmog(Nouvelle fenêtre). A quelques pas de là, Bayer, le géant allemand de la chimie et de la pharmacie(Nouvelle fenêtre), sponsor dit "diamant" de l'événement, met en avant le même argument sur son stand. "Pour nous, la COP30 constitue une étape importante, d'autant plus au Brésil, deuxième marché mondial de l'entreprise", commente Felipe Albuquerque, directeur durabilité de l'entreprise en Amérique latine.
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Les stands de Nestlé et Bayer sont voisins dans "l'Agrizone" à Belém (Brésil), le 12 novembre 2025. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)
Pour les différents acteurs présents, l'Agrizone fait office de vitrine pour un secteur qui "doit être vu comme une solution face aux enjeux climatiques", résume Muni Lourenço. Lors d'une conférence organisée sur place, le message diffusé est sensiblement le même : "Cette zone montre la réalité de l'agriculture au Brésil, ce qu'elle a de meilleur. Elle permet d'échanger des expériences et des techniques. Ce serait formidable de l'avoir dans chaque COP".
Plus de 300 délégués de l'agrobusiness
"Le secteur agro-industriel s'approprie et produit des discours environnementaux", alerte cependant Ludivine Eloy, agronome et géographe, directrice de recherche au CNRS. Ses acteurs "utilisent des arguments vantant les progrès technologiques, mais leurs discours masquent beaucoup de choses, comme les inégalités d'accès aux ressources sur le terrain."
Si les ONG s'inquiètent chaque année de la présence des lobbyistes des énergies fossiles à la conférence pour le climat, les grandes entreprises de l'agro-industrie ne sont, cette fois, pas en reste, avec au moins 302 délégués, selon le décompte de l'organisation d'investigation britannique Desmog. C'est 14% de plus que lors de la COP29, l'an dernier à Bakou (Azerbaïdjan). Bayer compte par exemple 19 délégués dans les zones de négociations. "Bayer participe régulièrement aux COP depuis 2015, lorsque la coalition du Conseil mondial des entreprises pour le développement durable a officiellement demandé la présence d'entreprises plus engagées", plaide Felipe Albuquerque.
Plusieurs événements organisés durant cette COP incluent ces représentants. Comme le 11 novembre, avec un "panel de JBS", la principale multinationale brésilienne de l'industrie agroalimentaire, sur "les transformations du système alimentaire" organisé sur le stand baptisé "business durable". Le pavillon du Consortium interétatique de l'Amazonie affiche également JBS comme l'un de ses "soutiens".
L'agriculture familiale moins exposée
Au Brésil, ces géants ne représentent pourtant qu'une partie de l'équation agricole. Face à cet "agronégoce", une agriculture familiale, aux exploitations plus petites, subsiste. Le gouvernement brésilien compte d'ailleurs deux ministères pour illustrer cette dualité : celui de l'Agriculture et de l'Elevage, qui exporte majoritairement, et celui du Développement agraire et de l'Agriculture familiale. Cette agriculture-là représente près de 4 millions d'exploitations dans le pays, emploie plus de 10 millions de personnes et nourrit deux tiers des Brésiliens.
Mais "les moyens sont très inégaux entre les deux, le budget de l'agronégoce est plus important", déplore un employé gouvernemental qui souhaite rester anonyme. "Et ce déséquilibre se retrouve ici, à Belém." Dans l'Agrizone, rares sont les stands qui représentent l'agriculture familiale. "Alors qu'on a beaucoup de solutions issues des connaissances ancestrales des peuples indigènes et des communautés traditionnelles", souligne la même source.
"Ces événements organisés avec les représentants de l'agrobusiness créent une résonance. Leurs arguments arrivent aux oreilles des négociateurs" de la COP30, s'inquiète Marie Cosquer. De quoi influencer les discussions dans les espaces fermés des Nations unies. A Belém, l'un des enjeux concerne l'adaptation des systèmes agroalimentaires face au changement climatique, alors que le secteur est responsable de plus d'un tiers (37%) des émissions mondiales de gaz à effet de serre, d'après le Giec(Nouvelle fenêtre). Mais le sujet est "au point mort", rapportait la semaine dernière la chargée de plaidoyer d'Action contre la faim, lors d'un point-presse sur l'avancée des négociations générales.
"Des solutions problématiques pour l'agriculture"
"Il y a un brouillon qui sera renvoyé à la prochaine session de négociations, avec des solutions problématiques pour l'agriculture", déplore-t-elle. Elle cite les innovations en faveur d'une "agriculture intelligente pour le climat", des nouvelles technologies "non accessibles pour la plupart des petits paysans" ou encore des "liens avec les marchés carbone".
"Les paysans, l'agroécologie [qui diminue les pressions sur l'environnement] et la transition juste sont ignorés lors des discussions." Lot de consolation : ils sont bien présents dans les assiettes des négociateurs. Dans les offres de restauration, les organisateurs de la COP30(Nouvelle fenêtre) ont assuré que "30% des aliments provenaient" d'une agriculture écologique à plus petite échelle.
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