KUNDALINI : la méditation des pierres

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Ils approchèrent et elle comprit. Des galets empilés, dans des architectures improbables, mystérieuses, fascinantes. Comme un peuple en marche, fossilisé en un instant. Des courbes verticales qu’elles n’auraient jamais envisagées, des constructions qui unifiaient dans des arabesques immobiles des galets dansants. L’impression de voir bouger les structures, qu’une infime vibration les animait et créait dans le lieu une chorégraphie insaisissable. Une nature pleinement vivante, observant l’observatrice. Elle sentit autour d’elle des regards curieux et bienveillants.

Elle ne déchiffrait même pas ce qu’elle pensait et ne s’en étonnait plus. Des visions inexplicables, des ressentis jaillis de nulle part, comme un langage ancien, remonté des temps lointains.

« Qu’est-ce qui m’arrive Sat ? J’ai parfois l’impression de ne plus être moi, j’ai des pensées qui viennent et je ne les comprends même pas, j’ai des sensations que je ne reconnais pas, il y a tellement de choses étranges, je ne peux même plus les énumérer. Qu’est-ce qui m’arrive, Sat ? »

Il devina l’inquiétude, il perçut cette rupture dans la voix, ce décrochement empli d’incertitudes, lorsque les mots semblent troubler la parole, lorsqu’ils agissent comme une boisson acide et enrayent les cordes vocales.

Il fallait donner des réponses. Le moment était venu. Il le savait.

« Une autre réalité Maud, c’est tout, l’ouverture des fenêtres, une conscience nouvelle qui prend conscience d’elle-même. Il n’y a rien d’inquiétant là-dedans, sauf si vous décidez d’en tirer des suppositions qui viendront nourrir vos peurs.

-C’est trop flou pour pouvoir me satisfaire. Je suis désolé mais j’ai besoin de comprendre.

-Vous voulez comprendre parce que c’est un fonctionnement archaïque, parce que la dimension intellectuelle sert de références alors qu’elle n’est qu’une partie de la structure. »

Elle sentait monter de la colère, un énervement profond dont elle ne voulait pas mais qui s’imposait comme un parasite accroché à ses neurones.

« C’est très bien que la pression monte en vous, il faudra beaucoup de puissance, beaucoup d’énergie pour parvenir à entrer dans la danse. Mais avant de danser, il faut apprendre l’immobilité. »

Elle abandonna toute volonté de réponses. Elle n’obtiendrait pas celles qui l’auraient comblée et elle devinait que tout cela était planifié.

« L’immobilité de l’équilibre est la meilleure réponse à donner aux questions sans réponses. Ensuite, parce que vous ne les recherchez plus, les réponses peuvent jaillir. Beaucoup de personnes imaginent un hasard favorable alors que c’est leur état intérieur qui permet ce dénouement. L’intention de la pensée tournée vers une réponse, alors que les éléments qui questionnent ne sont même pas identifiés, c’est une intention limitante. Vous en êtes responsables sans le comprendre et dès lors, vous cherchez des coupables extérieurs. Et vous entretenez inévitablement vos errances. Il faut cesser de vouloir pour que les réponses puissent s’approcher. C’est comme un animal sauvage qui ne supporterait pas votre impatience à l’apprivoiser. Comment voudriez-vous résoudre une situation problématique en usant des schémas internes qui ont conduit à l’élaboration même de cette situation ? C’est comme vouloir se protéger d’une contamination alors que vous avez développé vous-même le virus. Empiler des pierres dans un équilibre improbable, c’est s’offrir un exutoire à la volonté des résolutions impossibles. Alors, je viens ici, je choisis des pierres, je les observe, je les ressens, je les aime et je les remercie de la plénitude qu’elles m’offrent. Et c’est lorsque je n’attends plus rien, lorsque je suis totalement impliqué dans l’équilibre que l’animal sauvage de mes pensées insoumises vient se blottir contre moi.

-C’est comme une méditation en quelque sorte ?

-Oui, et j’aime infiniment méditer dans la nature. Méditer dans une pièce fermée, dans un lieu humain, c’est comme s’il était nécessaire de se protéger dans nos cadres habituels pour se retrouver. Mais qui apparaîtra ? Qui va se révéler ? Est-ce qu’il ne s’agira pas uniquement d’un état égotique, du miroir déformant d’une réalité humanisée, dénaturée et par conséquent tronquée ? Nos identifications prennent forme principalement dans des lieux quotidiens. Si je médite chez moi, qui médite ? Le propriétaire de la demeure, celui qui vient de refaire la tapisserie, celui qui doit payer les impôts locaux, celui qui s’est déguisé avec des habits destinés à méditer, comme si la tenue avait une quelconque importance. J’exagère, bien entendu mais je pense vraiment que la méditation implique une disparition des repères égotiques, sociaux, familiaux et familiers, toutes les identifications et les conditionnements. C’est aussi le sens de la nudité. Pas de mise en valeur marchande ou de niveau social mais juste l’individu. Maintenant, je conçois tout à fait que méditer chez soi est bien plus simple que de le faire dehors. Les conditions climatiques et le silence ne sont pas toujours au rendez-vous. »

Il s’arrêta et balaya les lieux du regard.

«  La paix existe déjà ici et il convient juste d’apprendre à en saisir les parfums. Je ne crée pas cette paix. Elle est déjà disponible. Pleinement offerte. Je m’y plonge dès lors que j’ai déposé les armes de ma volonté et de toute intention. Alors, j’empile des galets en équilibre et quand ils tombent, je recommence ou je m’assois, nu, sur une roche et je tente de ressentir le calme des pierres. »

 

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