L'histoire de l’obsolescence programmée

C'était en 1929...On peut dire que les marchands et les financiers en ont bien profité...Et continuent à le faire puisque la loi votée en 2015 en France ne change rien dans les faits. Il est peu dire que l'expression "scier la branche sur laquelle on est assis" est parfaitement adaptée. 

Je comprends les Indiens Kogis lorsqu'ils disent que nous n'avons toujours pas compris ce que signifie "être civilisé"...

Obsolescence programmée

Obsolescence programmée (2)

Obsolescence programmée (3)

"L'obsolescence de l'homme"

 

 

La véritable histoire de l'obsolescence programmée

 

À retrouver dans l'émission

LA TRANSITION par Hervé Gardette

La crise économique engendrée par le coronavirus n'est pas celle de 1929, consécutive à un krach financier. Mais l'idée de soutenir l'économie par la relance les rapproche. C'est dans ce contexte que le concept d'obsolescence programmée a été inventé aux Etats-Unis, il y a près d'un siècle.

objets inanimés, avez-vous donc une date de péremption ? objets inanimés, avez-vous donc une date de péremption ?• Crédits : Ron Levine - Getty

Le premier acte de mon retour à la vie sociale, le 11 mai dernier, a consisté à aller grossir la file d’attente devant un magasin d’électroménager. La veille, mon aspirateur était tombé en panne : moteur HS. Un comble pour un appareil qui venait à peine de fêter son 5e anniversaire. Mais rien que de très banal dans un monde où les objets manufacturés sont faits pour ne pas durer : bienvenus dans le monde de l’obsolescence programmée.

Cette pratique est une aberration, notamment sur le plan environnemental. Elle consiste à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour inciter le consommateur à en racheter un neuf, ce qui crée de nombreux déchets. La France a voté une loi en 2015 qui définit ce phénomène.

A l’origine, pourtant, l’obsolescence programmée part d’une bonne intention. Il s’agit même d’en faire un outil pour sortir de la crise économique et lutter contre les inégalités sociales, comme le théorise dans un petit livre (republié aux éditions Allia) celui qui en est à l’origine : Bernard London.

Bernard London fait partie de cette cohorte d’inconnus qui ont contribué à changer notre quotidien. C’est un new-yorkais, agent immobilier et néanmoins philanthrope. Nous sommes au début du XXe siècle : comme la plupart de ses compatriotes, il se trouve confronté au souffle dévastateur du krach de 1929.

Lorsqu’il publie son livre, trois ans plus tard, le contexte est le suivant, qui  rappelle pour partie notre actualité : la crise a appauvri les travailleurs, la consommation est en berne, le chômage explose, les usines produisent des biens qui ne trouvent plus preneurs.

Dans ces circonstances, le levier qui parait le plus pertinent est celui de la relance (ce qui donnera le New Deal de Roosevelt, à partir de 1933). Mais London fait le constat qu’il y a quelque chose de cassé chez ses concitoyens : l’envie de consommer a disparu, ils ont développé (écrit-il) une ‘’obsession de l’épargne’’ : ‘’la majorité des gens, animés par la peur et l’hystérie, font par rapport à leurs habitudes d’avant la Dépression, un usage prolongé de leurs biens’’. Ils les usent ‘’jusqu’à la corde’’.

Faire durer les objets le plus longtemps possible : démarche vertueuse pour nous qui vivons en 2020 mais considérée par London comme une aberration économique. Il imagine donc un système obligeant les consommateurs à acheter des objets neufs pour soutenir l’activité : le concept d’obsolescence programmée est né. Le principe est le suivant : chaque objet se voit attribuer, à l’avance, une durée de vie, non pas technique mais légale.  Cette durée est fixée par le gouvernement. Lorsqu’elle est dépassée, les objets sont détruits.

Prenons par exemple une paire de chaussures, prévue pour durer 5 ans : passé ce délai, leur propriétaire les dépose dans une agence prévue à cet effet. Il achète une nouvelle paire à un prix subventionné puisque l’Etat lui permet de récupérer la TVA : une sorte de prime à la casse. S’il décide malgré tout de garder ses vieilles chaussures, il doit s’acquitter d’une taxe ‘’pour cause d’usage prolongé de biens légalement morts’’ ! Dans ce système, celui qui consomme est avantagé, celui qui ne consomme pas, qui fait preuve d’égoïsme à l’égard du monde du travail, celui-là est sanctionné.

Et il en va des chaussures comme des aspirateurs, des machines ou encore des immeubles : la société dont rêve London est celle du renouvellement permanent, directement inspirée, dit-il, du ‘’principe de la Nature, qui crée et détruit’. Objectif poursuivi : faire sortir les ouvriers de la misère en leur assurant le plein-emploi, grâce à la consommation qui tourne à plein. Publicité et marketing sauront exploiter ce concept d’obsolescence programmée.

90 ans plus tard, on peut mesurer à quel point cette idée, qui se voulait socialement généreuse, a aggravé la catastrophe écologique…sans pour autant réduire les inégalités. 2020 n’est pas 1929 mais alors que les Etats cherchent comment relancer la machine économique, il y a sans doute des leçons à en tirer.

 

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