Le biais de conformité

C'est extrêmement révélateur de nos fonctionnements. 

Vous pouvez rechercher cette vidéo sur dailymotion, impossible de la mettre en ligne ici, je ne sais pas pourquoi...

http://www.dailymotion.com/video/xtrtht_l-animal-social-et-son-presque-nouveau-telephone_news?start=1

Les journalistes ont fait croire à des passants qu'ils pouvaient donner leur avis sur le nouvel iphone alors qu'il s'agissait de l'ancien modèle. Tous ont trouvé qu'il était beaucoup mieux, plus léger, plus rapide. Un seul l'a trouvé plus lourd. L'un d'eux avait même les deux mêmes anciens modèles dans la main et il trouvait le soi-disant nouveau modèle plus léger...

Consternant.

Phénomène de groupe. L'individu préfère se joindre à l'opinion dominante que de maintenir son propre point de vue.

Une autre expérience mettait en présence six acteurs complices et un cobaye réel. Les participants devaient juger de la longueur de trois lignes comparativement à un modèle donné. Les acteurs donnaient une réponse fausse et très visiblement fausse et le cobaye réel finissait par se rallier à l'opinion dominante malgré ce qu'il voyait.


Un exemple de la gravité des conséquences.

http://www.facteurs-humains.fr/le-facteur-humain-premiere-cause-d%E2%80%99erreur-de-diagnostic/

Pour diminuer le nombre de complications médicales, il faut bien évidemment que les praticiens apprennent à combattre leurs états de fatigue et de stress, toutes ces émotions ressenties quotidiennement qui génèrent l’erreur. Mais il faut également prendre conscience que notre cerveau ne fonctionne pas de manière parfaitement rationnelle et que des biais d’analyse intrinsèques à notre mode de penser peuvent sérieusement compromettre la prise en charge des patients. A travers l’histoire suivante, nous allons tenter de comprendre comment 7 professionnels de santé ont pu s’accorder sur un mauvais diagnostic.

 

Une patiente âgée de 39 ans, enceinte de 3 mois, se plaint de douleurs gingivales généralisées en absence de tout autre symptôme. Elle n’a pas d’antécédents médicaux et est déjà la mère d’un garçon de 4 ans. Elle consulte son gynécologue qui diagnostique une gingivite gravidique. La gingivite gravidique est une inflammation du parodonte (tissus de soutien de la dent) qui survient assez souvent au cours de la grossesse. Elle est déclenchée par la prolifération de certaines bactéries pathogènes en raison des modifications hormonales.  Il est recommandé d’assainir la cavité buccale par une élimination du tartre et de la plaque dentaire. En complément d’un détartrage et d’un surfaçage des racines dentaires, il est parfois recommandé l’adjonction de produits antibactériens (bains de bouche antiseptiques). Dans certains cas, les gencives sont tellement gonflées qu’elles peuvent recouvrir les dents.

 

Le diagnostic est confirmé par son médecin généraliste qui lui prescrit un bain de bouche et lui conseille de consulter son chirurgien-dentiste pour faire un détartrage. Fort de ces informations, le dentiste pratique un détartrage. Toutefois, les douleurs persistent et la patiente décide de se rendre à l’hôpital au service d’urgence. Une nouvelle fois, le diagnostic est confirmé et de nouveaux bains de bouche sont prescrits. Mais les douleurs ne s’estompent pas et commencent même à atteindre une intensité telle que la vie de la patiente devient de plus en plus difficile. La patiente se représente donc au service d’urgence de l’hôpital. L’infirmière de trie appelle l’interne d’astreinte qui prescrit encore une fois des bains de bouche et renvoie la patiente chez elle.

 

Elle est déposée dès le lendemain matin par son mari, car les douleurs sont devenues très violentes. Elle est auscultée par un senior du service d’urgence qui la place sous morphine et l’adresse au service d’odontostomatologie (médecine de la bouche). L’interne qui la voit est nouveau dans le service en raison de la rotation des internes et ne la connaît donc pas. Comme la situation se dégrade, il décide de garder la patiente à l’hôpital mais faute de lit en odontostomatologie, elle est transférée dans le service de neurochirurgie. L’interne de neurochirurgie examine la patiente et détecte une mydriase (augmentation du diamètre de la pupille), ce qui l’étonne. Il demande donc un scanner qui révèle un hématome intracrânien très important. Elle est opérée en urgence.

 

La patiente décède en fin de journée d’une thromboencéphalite cérébrale avec saignement secondaire. La patiente avait en fait une leucémie, dont un des signes peut être une gingivite sévère. Aucune des nombreuses personnes qui l’ont auscultée n’a pensé à demander une simple numération sanguine qui aurait dévoilé la maladie.

 

***

 

Notre analyse

 

Attention : le but de l’analyse qui suit n’est pas de porter un jugement de valeur sur les protagonistes de l’histoire dramatique racontée ci-dessus, mais d’essayer d’apporter des éléments de réflexion sur la sécurisation de la pratique médicale.

 

L’erreur de diagnostic est souvent présentée comme étant la première cause de décès à l’hôpital. Dans le cas présent, un grand nombre de professionnels de santé aux profils variés se sont succédés et ont tous confirmé le diagnostic de la gingivite gravidique. La gingivite est en effet la solution la plus probable et la plus facile à envisager : elle est fréquente chez la femme enceinte et le jour de la première consultation, l’inflammation gingivale est le seul signe clinique. Une fois ce diagnostic établi, aucun des acteurs médicaux ne va remettre en question ce choix.

 

Pour tirer un enseignement de cette histoire tragique, il faut s’interroger sur l’acceptation par tous du diagnostic. Pourquoi a-t-il fallu attendre la 8e personne soignante pour découvrir la réelle cause des douleurs ressenties par la patiente ? Pourquoi des professionnels expérimentés ont réagi de la même manière que des internes ? Pour le comprendre, nous devons déchiffrer le fonctionnement de notre cerveau.

 

Prendre conscience des biais d’analyse universels

 

Dans un article précédemment publié dans ce blog sur la surconfiance comme premier facteur d’échec, les auteurs présentent un phénomène connu appelé la « fermeture prématurée ». Les chercheurs en neurobiologie ont en effet observé que notre cerveau ne prenait pas de décisions de manière rationnelle : quelque soit le champ d’activité considéré, une fois un choix établi, tout va être fait pour le confirmer. Le cerveau se ferme aux hypothèses concurrentes qui pourraient invalider ce choix initial. On parle alors de biais d’analyse. Ces derniers peuvent prendre plusieurs formes*:

 

  • Biais d’évaluation de la fréquence des événements graves

Le risque que des événements graves surviennent est presque toujours sur- ou sous-évalués (on se base sur son expérience personnelle pour déterminer la fréquence des événements)

 

  • Biais de sélection des données

Les préférences orientent fortement la sélection des faits.

 

  • Biais d’habitude

Les décisions sont souvent orientées vers des solutions familières même si elles ne sont pas optimales.

 

  • Biais de confirmation

On recherche les résultats qui confirment plutôt que ceux qui infirment.

 

  • Biais de conformité au groupe

On recherche plutôt une décision conforme à celle donnée par le groupe. On retrouve très souvent ce type de biais quand il s’agit d’apprécier des vins ou des œuvres artistiques.

 

Dans le cas présent, il semble que le biais d’évaluation de la fréquence des événements graves ait joué un rôle important chez l’ensemble des professionnels médicaux. La patiente étant enceinte, il semblait logique qu’elle souffre de gingivite gravidique. L’occurrence d’une leucémie présentant ces symptômes est rare et n’a donc pas été retenue par les différents acteurs.

 

On peut penser que le biais de conformité au groupe a également mené les professionnels médicaux à accepter comme tel le diagnostic de gingivite gravidique. Chaque acteur s’est basé sur le diagnostic initialement fait, lequel s’imposait de plus en plus comme une vérité au fur et à mesure que le nombre de praticiens à l’accepter augmentaient. Il devenait donc de plus en plus difficile de remettre en cause un diagnostic partagé par tant de confrères.

 

Pour éviter que cette histoire tragique ne se répète, il n’y a pas de solution miracle. Prendre conscience des biais d’analyse qui peuvent compromettre des diagnostics est une première étape. Il est également important de continuer à rapporter ce type d’expériences car le partage des erreurs est fondamental si l’on veut améliorer la sécurisation des pratiques. C’est l’unique but de ce blog.

 

Franck Renouard– Jean-Gabriel Charrier


L'ultra communication a un effet exponentiel. Tout ce à quoi les autres s'intéressent est su par tous ceux qui ne le savaient pas encore. La haute technologie fait office de juge critique. L'iphone et l'internet sont les réseaux par lesquels transitent la conformité. La littérature qui oeuvrait à lutter contre la sclérose spirituelle est battue à plate couture. Les éditeurs y participent d'ailleurs eux-mêmes en renforçant la conformité jusque dans les ouvrages publiés. La rentabilité a pris le pas sur l'esprit subversif, l'éveilleur de consciences. 

"Qui donc inventera le désespoir? chantait Léo Ferré.

"Tout est prêt, la publicité, la clientèle..."

Combien il me manque Léo Ferré...


"A l'école de la poésie"

La poésie contemporaine ne chante plus elle rampe.
Elle a cependant le privilège de la distinction
Elle ne fréquente pas les mots mal famés elle les ignore.
On ne prend les mots qu'avec des gants : à « menstruel » on préfère périodique »,
Et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux
qu'il ne faut pas sortir du laboratoire et du codex.
Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n'employer que certains mots déterminés,
à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques,
me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemain.
Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse.
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot.
Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir sils ont leur compte de pieds,
ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes.
Le poète d'aujourdhui doit être d'une caste, d'un parti ou du « Tout Paris ».
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé.
La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique.
Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie.
Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale
tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche.
L'embrigadement est un signe des temps. De notre temps.
Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes.
Les sociétés littéraires c'est encore la Société.
La pensée mise en commun est une pensée commune.
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes.
Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes.
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique.
Beethoven était sourd. Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok.
Rutebeuf avait faim. Villon volait pour manger. Tout le monde sen fout.
L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie.
La Lumière ne se fait que sur les tombes.
Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien dépique.
La musique se vend comme le savon à barbe.
Pour que le désespoir même se vende il ne nous reste qu'à en trouver la formule.
Tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle.
Qui donc inventera le désespoir ?
Avec nos avions qui dament le pion au soleil.
Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces « voix qui se sont tues »,
avec nos âmes en rade au milieu des rues,
nous sommes bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande
à regarder passer les révolutions.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la Morale,
c'est que c'est toujours la Morale des Autres.
Les plus beaux chants sont des chants de revendication.
Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations.
A l'école de la poésie, on n'apprend pas. ON SE BAT !

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