Le pergélisol

De quoi pourrais-je avoir envie de parler ici quand je lis l'ensemble des données scientifiques sur les années à venir ? 

De rien. 

Ni de mes romans, ni de philosophie ou de spiritualité.


Plus rien n'a d'importance, en dehors de ces faits. 

Je vais partir à la retraite dans deux semaines.

L'objectif sera de trouver un lieu plus favorable pour traverser au mieux les prochaines années. 

Juste ça.

 

Le pergélisol, ces immenses étendues de terres gelées, ont déjà fondu dans une région canadienne observée par des chercheurs, qui pensaient jusque là que la glace y tiendrait encore jusqu’en… 2090. Une accélération inquiétante d’un processus lui-même susceptible de relâcher énormément de gaz à effet de serre et d’accélérer encore le réchauffement.

« Ce que nous avons vu était incroyable. » En se confiant à l’agence Reuters, les chercheurs n’en revenaient toujours pas. Une équipe de l’université de l’Alaska de Fairbanks qui a étudié le sol gelé de l’Arctique canadien entre 2003 et 2016 s’attendait à ce que le réchauffement climatique fasse fondre la zone d’ici 2090. Lors de leur dernier passage, ils n’ont pu que constater que la fonte avait déjà eu lieu.

« C’est une indication que le climat est maintenant plus chaud qu’à n’importe quel moment au cours des derniers 5 000 ans ou plus », explique à Reuters Vladimir E. Romanovsky, professeur de géophysique et co-auteur de l’étude qui rapporte cette évolution, publiée le 10 juin dans la revue Geophysical Research Letters. Les chercheurs s’étaient pourtant basés sur les données du GIEC et leur scénario « modéré » (RCP 4.5) pour calculer que les températures censées faire fondre le terrain ne seraient atteintes que dans plus de 70 ans.

Jusqu’à 600 000 km2 vulnérables

Ces terres gelées en permanence sont ce qu’on appelle le pergélisol, ou permafrost. Autour du cercle polaire, ils recouvrent une surface considérable, jusqu’à 25 % des terres émergées de l’hémisphère nord. Et ce pergélisol inquiète les climatologues : en dégelant, il pourrait libérer d’énormes quantités de gaz à effet de serre, du carbone mais aussi du protoxyde d’azote, à l’effet dans l’atmosphère 300 fois plus puissant que le CO2. Cette fonte pourrait donc à son tour accélérer le réchauffement climatique. Le genre de rétroactions qui font craindre un risque d’emballement climatique incontrôlable à 4 voire 5°C.

« Le pergélisol est comme un réfrigérateur géant contenant plein de matières végétales et organiques délicieuses qui ne sont pas décomposées par les microbes », explique à Live Science la chercheuse Louise Farquharson, du laboratoire sur le pergélisol de l’université de l’Alaska de Fairbanks. « La décongélation ouvre la porte du réfrigérateur », dit-elle, permettant aux microbes de convertir ces matières organiques en dioxyde de carbone et en méthane.

« Cette fonte prématurée est un autre signal clair que nous devons décarboner nos économies, et tout de suite »

Dans la région canadienne observée par les chercheurs, ce processus s’est traduit par la transformation des terres en gruyère : une succession de dépressions et d’affaissements de terrains caractéristiques du thermokarst, le paysage classique résultant du recul du pergélisol. L’objectif des scientifiques est maintenant de déterminer quelle est l’étendue de cette nouvelle terre de thermokarst. Une estimation globale du problème est complexe mais Louise Farquharson et ses collègues estiment que 600 000 km2 de pergélisol seraient vulnérables à une décongélation rapide, soit 5,5 % des surfaces normalement gelées en permanence.

« Cette fonte prématurée est un autre signal clair que nous devons décarboner nos économies, et tout de suite », a réagi l’ONG Greenpeace auprès de Reuters. La bonne nouvelle, c’est qu’après plusieurs années de hausse, l’Union européenne a diminué ses émissions de CO2 en 2018 par rapport à 2017 (- 2,5 %), tout comme la France (- 3,5 %). La mauvaise, c’est que ces efforts sont encore largement insuffisants pour respecter l’accord de Paris et maintenir le réchauffement climatique sous les 1,5°C et éviter ainsi les risques d’un emballement catastrophique. Il faudrait pour cela atteindre la neutralité carbone à l’échelle mondiale en 2050. Les émissions planétaires ont pourtant encore augmenté de 1,7 % en 2018.

Écouter les cris d’alarme des scientifiques et leurs conseils de contenir le réchauffement à 1,5°C impliquerait un tel virage rapide et radical par rapport à notre trajectoire actuelle que cela ne pourra sans doute pas se faire sans efforts conséquents sur notre mode de vie. La société de conseil B&L évolutions avait dressé une liste éloquente des changements de consommation majeurs que cela impliquerait. « Viser plus de croissance semble, avec les moyens à disposition actuellement, incompatible avec la volonté de diminuer fortement les émissions de gaz à effet de serre », estimait en outre leur étude. Un point de vue que ne partage pas Édouard Philippe. Dans son discours de politique générale prononcé le 12 juin, le Premier ministre a fait l’éloge de « la force de la croissance » tout en prônant une « accélération écologique ».

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