Les Refuzniks

Israéliens, ils refusent de porter les armes

PHOTOGRAPHE : MARTIN BARZILAI

Pendant toute leur scolarité, les Israéliens reçoivent dans leurs classes des militaires qui leur expliquent le rôle et l’importance de l’armée. Aujourd’hui, environ la moitié des Israéliens est enrôlée à l'âge de 18 ans (3 ans de service pour les hommes, 2 ans pour les femmes), à l'exception des Arabes israéliens (18 % de la population) et de la plupart des Juifs Haredim qui se consacrent à l'étude religieuse. On peut être exempté pour problèmes physiques ou mentaux. Les refuzniks sont objecteurs de conscience, pacifistes ou refusent de combattre dans les territoires occupés. S’ils déclarent refuser la politique d’occupation sur les territoires palestiniens lors de leur incorporation, ils sont envoyés en prison militaire pour désobéissance. En 2014, cinquante jeunes ont pris cette décision et devraient être incarcérés en octobre prochain.
→ Lire aussi l'entretien : « Pourquoi j’ai refusé d’aller combattre à Gaza »

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  1. © Martin Barzilai / Sub.coop / Picturetank

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    Yuval, 25 ans, étudiant : « J'ai décidé d'aller en prison pour protester contre l'occupation. J’ai fait trois séjours en prison militaire. Je suis content d’avoir fait cette démarche mais je ne suis pas certain que je le referais. Je n’ai pas fait quelque chose de mal, et pourtant j’ai été puni. Je ne crois pas que je méritais une telle punition. Bien entendu, nous avons utilisé la prison pour faire parler de l’occupation des territoires palestiniens. Disons que c’est une bonne façon de se battre mais il y en a peut-être de meilleures. » Tel-Aviv, 2014

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    Tamar, 20 ans : « Je suis pacifiste. En 2008, j’ai choisi d’aller en prison pour pouvoir expliquer qu’il est possible de remettre en question le tabou du service militaire. Le plus important pour moi c’était que les gens entendent une voix différente. Je suis resté 3 mois en prison. Le dernier mois, je l’ai passé en isolement parce que je ne voulais pas porter l’uniforme. Au regard de ce qu’il se passe actuellement, je pense qu’il est d’autant plus important de refuser l’armée. La haine et l’intolérance envers ce genre de décisions sont encore plus fortes aujourd’hui qu’à ce moment-là.  Le nationalisme, la propagande de droite ont fait perdre tout espoir. Ma génération a grandi sans aucun contact avec la société palestinienne. La haine vient donc plus facilement. » Tel-Aviv, 2014

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    Kobi, 43 ans, mathématicien : « J’ai décidé de ne pas faire l’armée quand j’avais 12 ans. Je ne me sentais pas obligé de servir une société dont je ne me sentais pas faire partie. La première fois qu’ils m’ont convoqué, j’ai dit que j’étais gay, déprimé et déséquilibré. Aujourd’hui, je regrette d’avoir pris la voie la plus facile et de ne pas avoir déclaré que je refusais de servir dans l’armée. L’atmosphère en Israël devient de plus en plus irrespirable, il devient de plus en plus dangereux de manifester à Tel-Aviv contre l’occupation des territoires. » Haïfa, 2014

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    Alex, 22 ans, travaille dans un cinéma : « À 17 ans, j’ai été dans les territoires occupés aider les Palestiniens à ramasser les olives. Ça m’a beaucoup marqué. Un jour, des colons ont volé toute la récolte de la journée. Leur argument était que tout ce qui pousse sur la terre d’Israël est aux Juifs. Il n’y a pas d’instance juridique pour régler ce genre de problème. J’ai compris que l’argument de la sécurité pour occuper la Palestine était un mensonge. J’ai décidé que je ne ferais pas le service militaire. J’ai passé cinq mois en prison pour désobéissance. » Tel-Aviv, 2009

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    Ben, 27 ans, employé de vidéoclub : « Mon père a passé 40 jours en prison parce qu’il ne voulait pas servir l’armée à Gaza. Quand ça a été mon tour, je n’ai pas voulu y aller non plus. J’ai dit à l’officier chargé des problèmes mentaux que je ne voulais pas porter d’arme et que s’ils m’y obligeaient je l’utiliserais contre mes supérieurs. Cette décision a été l’une des plus importantes de ma vie. Quand je vois tous ces jeunes qui meurent pour la cause sioniste, je ne peux que me réjouir de ma décision. J’aimerais pouvoir sentir de la compassion pour ces soldats, mais honnêtement, je ne peux pas : quand ils appuient sur la gâchette et tirent sur des civils, c’est impardonnable. » Tel-Aviv, 2014

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    Omer, 20 ans, étudiante : « Le système de l’armée fonctionne bien. Il ne laisse pas le temps de réfléchir. Je pense que les jeunes Israéliens doivent connaître la situation des Palestiniens pour pouvoir choisir s’ils font ou non l’armée. Mon père est un général important, il a été vice-président du Mossad. Nous sommes à l’opposé l’un de l’autre. J’ai passé deux mois en prison. Mon cas a fait beaucoup de bruit. Ça a été difficile, j’ai perdu cinq kilos. » Tel-Aviv, 2009

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    Haggai, 26 ans, journaliste : « Quand j’avais 16 ans, j’ai eu un professeur qui pour la première fois nous parlait du conflit d’une façon différente. J’ai participé, cette même année, à un convoi pour la paix en Cisjordanie afin d’aider à reconstruire les maisons des Palestiniens qui avaient été détruites par l’armée. En 2001, quand nous avons décidé d’aller en prison pour protester contre l’occupation, nous étions 25. Un grand procès eut lieu. Les témoignages passaient à la télé. À la faculté de droit, ce procès est devenu un exemple important aussi bien du point de vue politique que philosophique. L’armée a voulu faire un exemple pour faire peur aux autres. Ils m’ont condamné à deux ans de prison. » Tel-Aviv, 2009

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    Neta, 18 ans : « J’ai reçu une éducation très sioniste. Mais vers 15 ans, en cherchant sur Internet, j’ai découvert ce qu’était l’occupation des territoires palestiniens. Beaucoup d’amis militants autour de moi n’ont pas fait l’armée, je leur ai demandé conseils. Ils m’ont dit de ne pas aller en prison. En général, la raison qu’ils invoquent, c’est on ne peut pas y lutter. Mais j’ai tout de même choisi cette solution parce que je pense que les gens doivent savoir : l’armée israélienne ne respecte pas les droits humains et commet des crimes de guerre. » Haïfa, 2009

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    Giyora Neumann, 55 ans, journaliste : « À 17 ans, en 1971, j’ai été le premier à refuser de faire l’armée et à aller en prison. À l’époque, j’étais militant de Matzpen, un parti politique socialiste, révolutionnaire et antisioniste. Nous étions contre l’occupation depuis le début (1967). Je l’ai aussi fait pour des raisons personnelles : ma famille avait souffert une autre occupation… en Pologne. Mes parents m’ont soutenu même s’ils avaient peur. Moralement, ils comprenaient ma position. Peut-être que d’un point de vue social, à cause de ce que l’on disait sur leur fils, ils en ont plus souffert que moi. » Tel-Aviv, 2009

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    Naomi, 20 ans, étudiante : « Je n’ai pas fait mon service militaire parce que je suis contre l’occupation et contre la militarisation de la société israélienne. Il n’y a pas que les Palestiniens qui souffrent de la militarisation de notre société. Nous avons l’une des armées les plus importantes au monde, alors que nous sommes un tout petit pays. L’argent qui est investi dans la défense ne l’est pas ailleurs, dans l’éducation par exemple. Ce fut un problème quand j’ai voulu chercher un travail. Je devais travailler dans une librairie, mais quand ils ont vu que je n’avais pas été à l’armée, les patrons ont changé d’avis. » Tel-Aviv, 2009. 
    Israël détient le record mondial en dépenses d'armement par habitant : 1 429 US $ en 2006 (source :Le Temps – Suisse).

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    Gal, 19 ans : « Je me souviens, quand j’avais 13 ans, avoir vu à la télé les refuzniks qui allaient en prison pour ne pas faire l’armée. Je les trouvais répugnants. Les attentats suicides des années 2002-2003 m’avaient marqué. Par la suite, j’ai lu sur l’histoire palestinienne et j’ai réalisé toute l’étendue de mon ignorance. Finalement, surtout à cause de ma famille, j’ai décidé de me faire réformer pour problèmes psychologiques. Je crois que le plus difficile pour mon père, c’est quand les gens lui demandent ce que je suis en train de faire. Si j’étais un garçon “normal”, je serais à l’armée. » Haïfa, 2009

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    Daniel, 24 ans, étudiant : « Étant socialiste, je n’ai pas voulu faire l’armée parce que je suis contre l’impérialisme. Par ailleurs, au niveau de la société israélienne, la guerre a toujours été synonyme d’injustice sociale. N’importe quel problème social majeur passe à l’arrière-plan du débat public si l’État décide que l’armée doit attaquer le Liban ou Gaza. Mes parents ne voulaient pas de drame pour leur fils unique. J’ai finalement été réformé pour problèmes psychologiques. » Haïfa, 2009

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    Margarida, 23 ans : « Je suis arrivée du Brésil en Israël à 14 ans avec ma famille. J’ai commencé mon service à 19 ans et je leur ai demandé d’être près de chez moi. Ils ne m’ont jamais écoutée. Au final, j’ai dû prendre 60 comprimés pour qu’ils comprennent que c’était sérieux et ils m’ont virée. Je rêvais de travailler à l’aéroport, mais maintenant c’est impossible. » Ashkelon, 2009

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    Avner, 32 ans, historien : « J’ai grandi dans un kibboutz, dans une famille de gauche sioniste. Tous les hommes de ma famille sont dans l’armée. À 18 ans, j’y suis allé confiant, je pensais que nous étions les bons, même si nous faisions parfois des erreurs. Mais quand j’ai découvert comment vivaient les Palestiniens, j’ai pensé que c’était inacceptable de voir que l’armée, au lieu de protéger notre pays, défendait un projet colonialiste. Avec 13 autres soldats, nous avons envoyé une lettre qui expliquait que nous ne voulions pas être réservistes. » Jérusalem, 2009

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    Tal Sela, 33 ans, éducateur : « J’ai été affecté à 19 ans dans une unité d’élite. Pour cette spécialisation, il fallait prendre des cours et j’ai donc tout de suite su que j’allais rester un an et demi de plus que la normale. En 1997, il y avait la guerre au Liban. Le 15 septembre, douze soldats israéliens sont morts à cause d’une charge explosive qu’ils transportaient. Ils ont envoyé mon unité pour récupérer les corps. Je suis resté traumatisé par l’horreur. Maintenant je ne veux plus être réserviste. Je suis membre de l’association Combattants for peace. » Tel-Aviv, 2009

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    Raz, 19 ans : « Quand j’avais 15 ans, je ne connaissais rien aux Palestiniens. Je vivais dans une sorte de bulle. Mais quand je suis allée dans les territoires pour la première fois, j’ai vu très clairement que l’occupation n’existe pas pour des raisons de sécurité. J’ai clairement ressenti qu’on m’avait menti. En 2008, nous étions sept à refuser de faire l’armée. J’ai passé quatre mois en prison. Je me suis confronté à la réalité des autres filles qui étaient dans des situations bien plus compliquées que moi aussi bien au niveau social que familial. » Tel-Aviv, 2009

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    Hilla, 23 ans, étudiante : « Je ne me voyais pas dans l’armée, mais je voulais donner quelque chose à la société. Je voulais faire un service civil. Cela a posé un gros problème à mes parents. Nous nous sommes disputés très sérieusement. J’ai finalement déclaré que j’étais pacifiste et je suis passée devant une commission. Mon père m’a soutenue et s’est même prêté à cette comédie imposée par l’armée en étant mon témoin lors de cet entretien. » Haïfa, 2009

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    Uri, 26 ans : « Quand j’étais au lycée, j’ai commencé à comprendre que ce qu’on nous apprenait à l’école n’était que partiel. Je me suis intéressé à la politique et je me suis positionné contre l’occupation des territoires palestiniens. À 17 ans, pour la première fois, j’ai pensé que je ne devrais pas y aller. Ce fut un choc pour mes parents. Ils ont essayé de me convaincre, mais ils n’ont pas réussi. J&rsquo

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