Réforme scolaire : le CHAOS

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Le Point.fr - Publié le - Modifié le

Un directeur d'école maternelle parisienne brosse un tableau très noir du désordre

suscité par la mise en place de la semaine de 4,5 jours. Effarant !

Depuis l'adoption de la semaine de 4,5 jours, "c'est le chaos, les enfants ont perdu tout repère", affirme un directeur d'école maternelle parisienne.
Depuis l'adoption de la semaine de 4,5 jours, "c'est le chaos, les enfants ont perdu tout repère", affirme un directeur d'école maternelle parisienne. © AFP PHOTO MYCHELE DANIAU

Début septembre, un écolier français sur cinq découvrait la semaine de 4,5 jours. Chaque commune ayant adopté la réforme des rythmes scolaires était alors libre d'organiser la journée des élèves de maternelle et d'élémentaire comme bon lui semblait, pour que les journées de travail soient moins longues. À Paris, en contrepartie des cours le mercredi matin, les petits referment leurs cahiers le mardi et le vendredi à 15 heures. Une très grande majorité d'enfants restent ensuite dans l'enceinte de l'école pour des "temps d'activités périscolaires" (TAP), dont l'idée était de proposer une ouverture au monde et à la culture au plus grand nombre.

Las, après trois semaines d'expérimentation, les critiques fusent. Devant les protestations entendues à la sortie de l'école, les fédérations de parents d'élèves, comme la PEEP, ont lancé un sondage pour recueillir les avis. Un syndicat d'enseignants, le SNUIpp, affirme que les premières remontées sont "alarmantes". Face à cette grogne qui monte et le tollé annoncé, le ministre de l'Éducation nationale reste serein : cette réforme "est faite, d'ailleurs on le voit bien, uniquement dans l'intérêt des enfants. On voit que pour les adultes, c'est plus difficile", ironisait Vincent Peillon lundi matin. Après trois semaines d'expérimentation, un directeur d'école maternelle parisienne (qui a souhaité rester anonyme) dresse pourtant, lui aussi, un bilan peu reluisant de ces nouveaux rythmes.

Le Point.fr : Quelles sont les premières conclusions que l'on peut tirer de l'instauration de cette semaine de 4,5 jours ?

Monsieur le directeur : Personne ne s'y retrouve. Les adultes, parents, enseignants, animateurs et intervenants en tout genre finiront bien sûr par s'habituer à ces changements. Mais pour les enfants, c'est le chaos total. Ils n'ont pas deux jours consécutifs semblables. C'est un problème majeur, a fortiori pour les tout-petits que sont les élèves de maternelle : ils ont besoin de régularité pour structurer leur temps. Et dire que l'un des principaux arguments des partisans de la réforme était de "travailler le mercredi pour éviter une semaine trop saccadée". Quel échec !

Concrètement, comment cela se manifeste-t-il ?

Les enfants ont perdu tout repère : le lundi, l'école se termine à 16 h 30, le mardi à 15 heures, le mercredi à 11 h 30... Ils ne savent pas s'ils retrouveront leur maîtresse après la récréation de l'après-midi, si c'est l'heure du goûter parce que les animateurs arrivent, les élèves de petite section découvrent parfois un animateur à la place de leur maîtresse en se réveillant de la sieste... Impossible pour eux de se projeter dans la journée : à quelle heure quitteront-ils l'école ? Resteront-ils avec les mêmes camarades tout au long de l'après-midi ? Certains sortent à 15 heures, d'autres à 16 h 30, voire à 17 h 30... Et le ballet se poursuit jusqu'à 18 h 15 ! C'est extrêmement anxiogène pour des petits âgés de 3 à 5 ans. Tout cela pour que les élèves soient moins fatigués ? Mais le temps passé en collectivité est plus important qu'avant ! C'est absurde. En tant que directeur d'école, je constate des faits objectifs : il y a davantage d'absentéisme et de maladies que l'année dernière à la même époque. La différence est si significative qu'il ne peut s'agir d'une simple coïncidence.

Quels sont les gros problèmes posés par la réforme au sein d'un établissement comme le vôtre ?

Il y a tout d'abord le souci des locaux. Les classes, "prêtées" de 15 heures à 16 h 30, ne sont plus exclusivement dédiées à l'apprentissage. Et même si, en maternelle, le temps passé avec la maîtresse s'articule autour de jeux, ceux-ci ne sont pas de même nature que ceux proposés par un animateur. Les enseignants avaient évoqué cette question avant que la réforme ne soit instaurée, et cela avait alors été perçu comme un réflexe corporatiste, comme si les instituteurs ne voulaient pas partager leurs jouets. Mais cela n'a rien à voir ! Les enfants ne comprennent plus s'ils sont autonomes et peuvent choisir leur activité ou s'ils doivent suivre une règle dont l'objectif est pédagogique. Il y a mille façons de passer du temps dans un "coin cuisine" : on peut simplement jouer ou alors tenter de sélectionner uniquement les couverts nécessaires à table et les choisir tous de la même couleur. Un animateur n'a ni la même autorité ni la même approche qu'un enseignant, et les pistes sont brouillées pour les enfants.

Lorsque les cours s'arrêtent à 15 heures, les Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), qui assistent les enseignants pendant la journée notamment pour tout ce qui a trait à l'entretien de la classe et l'hygiène des enfants, deviennent animateurs pour les TAP. N'est-ce pas un repère qui perdure tout au long de la journée pour les jeunes élèves ?

In fine, pas du tout ! Car l'Atsem change de rôle. Les enfants ne savent plus quand se tourner vers elles (ce sont quasiment exclusivement des femmes, NDLR). Vont-ils la voir quand ils ont besoin d'aller aux toilettes, comme c'est le cas pendant la classe ? Ah non, plus maintenant, il est 15 heures passées, elles organisent un jeu. Mais, attention : le lendemain matin, si les enfants ne comprennent pas ce qu'il faut faire, c'est à la maîtresse qu'ils doivent cette fois s'adresser, car l'Atsem sera en train de ranger l'activité précédente. C'est le bazar absolu. Par ailleurs, toutes talentueuses qu'elles soient, les Atsem ne sont pas formées pour occuper les enfants : au mieux, elles les laissent libres de faire ce qu'ils souhaitent, au pire, elles jouent à la maîtresse en tentant de reproduire ce qu'elles ont vu le matin pendant la classe.

Certains syndicats, comme le SNUipp, ont dénoncé des "problèmes d'hygiène et de sécurité". Qu'en est-il ?

C'est absolument exact. Dévolues désormais à partir de 15 heures à d'autres activités, les Atsem ne peuvent plus ni ranger la classe, comme elles le faisaient avant (rendant impossibles des activités plus salissantes en classe, comme la peinture acrylique ou la cuisine, qui nécessitent un nettoyage particulier), ni nettoyer l'école comme avant en se relayant tout au long de la journée. Désormais, une entreprise de nettoyage vient le samedi matin dans l'école : mais une cour d'école jonchée de feuilles mortes et de fientes de pigeon a besoin d'être nettoyée plus d'une fois par semaine ! Un dortoir où un petit a fait pipi par accident aussi ! L'hygiène et la propreté sont essentielles dans une école !

Mais malgré toutes ces difficultés, les TAP permettent-ils réellement aux enfants de découvrir de nouvelles activités ?

Pour le moment, pas du tout. Une fois les temps de passage de relais entre les équipes passés, il ne reste plus qu'une heure, deux fois par semaine. La qualité des ateliers proposés n'y est pas du tout, et les animateurs, pourtant pétris de bonne volonté pour la plupart, improvisent, alors que des petits ont besoin d'être bien encadrés. Que peut bien comprendre un enfant de 4 ans inscrit en activité "sciences", lorsqu'on lui explique ce qu'est la poussée d'Archimède ? Où sont ces magnifiques activités qu'on nous avait vantées ?

Cela ne peut-il pas s'arranger ? Après tout, cela ne fait que trois semaines que la rentrée a eu lieu...

Certaines difficultés vont bien sûr disparaître avec le temps. Mais je ne vois pas comment l'expérience pourra jouer sur la fatigue, ou sur le temps de collectivité devenu plus important. Pour bien faire, il faudrait tout bonnement revenir en arrière : la semaine de 4,5 jours est une aberration, tout du moins en maternelle. La coupure du mercredi était essentielle pour les enfants. Mais restons réalistes : cette loi ne sera pas abrogée. On pourrait imaginer que la journée se termine plus tôt ou commence plus tard tous les jours, de manière régulière, et que l'on compenserait en réduisant les grandes vacances. On pourrait aussi remettre l'école le samedi une semaine sur deux ou sur trois, comme ce fut le cas par le passé.

Et pour améliorer la situation actuelle ?

Si l'organisation actuelle est conservée, il faut mettre en place des locaux adaptés pour sanctuariser à nouveau les classes, et surtout, redonner aux Atsem leurs missions initiales. Il est surréaliste d'imaginer qu'une petite fille ne puisse être changée que par une Atsem pendant la journée d'école, mais puisse à partir de 15 heures être changée par un animateur de 20 ans embauché pour d'autres aptitudes !

Que risque-t-il de se passer à plus long terme, avec cette semaine de 4,5 jours ?

L'école a été complètement désorganisée par cette réforme. Je ne m'attendais pas à ce que le bazar soit si important. On a bougé quelques pions du domino, et tout s'est écroulé. Les résultats n'étaient pourtant pas si mauvais : une étude vient de montrer que le niveau des petits écoliers à l'entrée en CP avait nettement progressé en une quinzaine d'années. Pourvu que cette réforme ne vienne pas inverser la tendance.

moumoute 25 le 27/09/2013 à 20:29  Signaler un contenu abusif

On vous l'avait bien dit, non ?

C'est marrant, mais y'a qq mois en arrière, les instit (dont je fais partie) se sont mis en grève pour alerter l'opinion publique : cette réforme était du grand n'importe quoi : aucune amélioration à attendre pour les enfants, de la fatigue en plus et une organisation comme seule l'éducation nationale en a le secret.

résultats : on nous a taxés de corporatistes, de feignants, de jamais contents, d'éléphants non réformables.

Et maintenant, tous les médias (ou presque) dénoncent la "réforme", les parents s'indignent et surtout VOS enfants subissent en premier ce vrai bordel !
Mais bien sûr, personne pour se souvenir que les enseignants l'avait prédit...

Trop tard...

femme60 le 27/09/2013 à 17:02  Signaler un contenu abusif

C'est du grand n'importe quoi

Mon petit fils de 4 ans n'aime pas du tout ce qu'il y a après l'école en plus d'être fatigué.
Il demande a ses parents de venir le chercher après le travail avec la maitresse car après c'est "nul". Les gamins sont fatigués et s'ennuient.

padolie le 26/09/2013 à 01:13  Signaler un contenu abusif

Fallait s'en douter...

Une réforme menée sans concertations ni recul, ne pouvait qu'être désastreuse et, en effet, ce sont les maires qui en sont responsables, puisque qu'il y avait la possibilité de reculer d'un an la mise en application de ce système...
Se précipiter ainsi pour aller dans le sens du gouvernement, alors que rien n'était prêt, il fallait s'y attendre...

Une enseignante parmi d'autres le 25/09/2013 à 23:13  Signaler un contenu abusif

Critique à nuancer.

J'ai quand même envie de nuancer les proposde ce directeur qui ne sont à mon avis pas dirigés contre la bonne personne : ce sont les mairies qui ont décidé des horaires d'école post réformes, donc si 2 jours consécutifs ne sont jamais les mêmes ce n'est pas la "faute à la réforme" mais "la faute à la mairie".
De même, si les activités sont si peu organisées, c'est parce que la mairie de Paris a décidé de changer les rythmes dès 2013 alors qu'elle aurait pu se laisser le temps de réfléchir et de former des animateurs en appliquant la réforme en 2014.

Enseignante à Velizy, commune qui est sur la semaine de 4, 5 jours en élémentaire depuis des années (elle n'est jamais repassée à la semaine de 4 jours), tout le monde en est très content et les activités sont très bien organisées.
(En revanche pour la maternelle c'est effectivement plus discutable, les élèves ont encore besoin de beaucoup de repères)

Des chronobiologistes sont en faveur du travail le mercredi, mais peut-être pas sous les modalités qui ont été mises en oeuvre à Paris...
Cette réforme se veut changer les choses trop rapidement mais tout n'est pas de la faute de Mr Peillon, les mairies ont une grande part de responsabilité dans la chose.

Et sinon, raccourcir les vacances d'été ne serait pas non plus une mauvaise idée, (même si alléger les journées de classe sans proposer de système qui permettrait aux parents de faire garder leurs enfants c'est utopiste) mais il faudrait alors bousculer tout le calendrier des vacances, parce que les 10 dernières semaines consécutives de classe cette année pour la zone C seront éprouvantes pour les enseignants comme pour les enfants, je n'imagine même pas de rallonger cette dernière période. (sans compter que par temps de chaleur, tout le monde est bien moins efficace en classe... ).

Ocre le 25/09/2013 à 23:10  Signaler un contenu abusif

Réforme vue de l'intérieur

Je suis coordinatrice de cette réforme dans une commune. Je gère les plannings, les intervenants, les commandes de matériel, les relations avec le corps enseignant, les parents, les élus et le personnel de la mairie. Constat 3 semaines après la rentrée : nous sommes épuisés. Nous éprouvons plus de frustrations que de satisfactions, les arrêts maladie et les démissions fleurissent déjà. Les locaux sont inappropriés pour accueillir tout ce brassage, c'est une MJC ambulante que nous installons deux après-midi par semaine et que nous déplaçons vers l'autre établissement. Les enfants se fatiguent, se lassent, deviennent tendus, agressifs, ingérables dans les groupes. Certains enfants nous ont demandé le droit à des temps calmes, le droit de gagner du temps en faisant leurs devoirs (surprise ! Il parait que ça n'existe plus !) D'autres enchainent les activités et les temps en collectivité, c'est inhumain. Dans les établissements, les enseignants nous traitent comme des intrus, ils réclament leurs salles pour effectuer leurs temps de soutien ou de projet pédagogique (Réforme APC qui se superpose à celle-ci). Les tensions sont fortes, nous ne pouvons pas assurer des prestations de qualité, nous occupons les enfants comme nous pouvons. Pas d'AVS pour les enfants handicapés qui sont intégrés aux activités sans adaptation, des ATSEM qui n'ont plus le mercredi matin pour préparer, s'organiser. Perte de temps, d'énergie, d'argent et d'intelligence ! Il est encore temps de faire marche arrière et de se poser pour réfléchir : oui aux interventions extérieures qui viendraient soutenir les projets pédagogiques, oui aux ouvertures culturelles, aux ateliers découvertes, à la curiosité, aux partages, aux échanges mais sans stress, sans forcing : pouce ! S'il vous plait : pouce ! On arrête de jouer avec les nerfs des enfants et d'user les bonnes volontés.

Balade le 25/09/2013 à 21:45  Signaler un contenu abusif

Ego quand tu nous tiens

Oui Mr Peillon voulait avoir sa "loi" - quant aux conséquences, c'est pas
grave, les enfants seront déboussolés pendant encore 4 ans, et après le
prochain Ministre de l'Education Nationale fera encore des changements
cela fait des années que ça ne marche pas, aussi, voyez les résultats
les enfants ne savent ni lire, ni écrire sans faire des fautes d'orthographe
avant le "certificat d'études" même si cela fait sourire, n'était pas évident
a réussir, il fallait avoir zéro faute à la dictée, la moyenne en calcul, et
l'histoire de France etc. Combien d'enfants, actuellement réussiraient
à cet examen ?

bâtisseur le 25/09/2013 à 19:10  Signaler un contenu abusif

Tout ceci est nul...

Il faudrait mieux voir les programmes et faire que les enfants entrant en sixième sachent lire, compter calculer, écrire sans fautes et avoir de l'imagination avec moralité et application de la devise de la république : la liberté, l'égalité, la fraternité et donc le respect de l'autre et faire que les parents soient formés régulièrement à leur rôle ! Idem pour les niveaux suivants avec deux voies classes : professionnelles et intellectuelles pour encadrer ! Enfin ouvrir à tous les métiers avec efficacité et envie du travail ! Supprimer les examens dans leur conception de massification actuelle qui est nulle et revenir à l'ancienne conception avec des examens vrais et complétés par les notes de travail régulieres ! Penser excellence efficace !

JRenémont le 25/09/2013 à 17:58  Signaler un contenu abusif

Il fallait couper les vacances d'été en deux

« cette réforme "est faite, d'ailleurs on le voit bien, uniquement dans l'intérêt des enfants. » dixit Peillon. Sur quelles bases a-t-il tiré cette conclusion ?

Le mercredi libre permettait de véritables activités : sorties montagne, mer, famille. Et permettait aussi le suivi médical ; sans le mercredi matin, les médecins ne savent plus comment faire.

Alléger les journées était sans doute une bonne chose, mais la vraie bonne solution était de couper les vacances d'été en deux, trop longues pour les enfants, et trop chères et trop compliquées à gérer pour les parents.

don diegue le 25/09/2013 à 17:57  Signaler un contenu abusif

Le ministre est un philosophe...

... C'est à dire quelqu'un qui pense et décide par idéologie avant d'observer, ce qui est tout le contraire d'une démarche scientifique. Les difficultés de cette réforme voire sa nocivité étaient prévisibles mais on "sortira" l'excuse habituelle de l'effet pervers ou de la mauvaise volonté des enseignants !

navrre le 25/09/2013 à 16:10  Signaler un contenu abusif

K6 a raison

Il n'était pas nécessaire d'avoir fait de grandes études pour prévoir le fiasco de cette réforme stupide. Tout de même, lorsque les acteurs adultes sont unanimes pour dénoncer les effets délétères, un ministre, fut-il de gauche, ne peut pas avoir raison. Il nous dit en rigolant qu'elle gêne davantage les adultes que les enfants ; à ceci près que l'on en voit déjà les effets sur la fatigue des enfants au quotidien. Il n'y a plus aucune stabilité. Dans la plupart des communes rurales qui se sont engagées, bien à la légère, dans la réforme, on est incapable d'assumer financièrement la fin de journée. Alors, on colle les enfants au CLAE une heure à l'avance. Quant aux parents, qu'ils se débrouillent pour caser leurs gamins pendant la demi-heure précédent leur sortie du travail ; et en même temps, on veut promouvoir le travail féminin...
On est en pleine incoh-errance et cela ne fait, hélas, que commencer.

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