Thérapie cognitive (2)

QUESTIONS DIVERSES LIÉES À LA THÉRAPIE COGNITIVE

 http://therapie.cognitive.free.fr/questions_diverses.html#DAS

Ce chapitre traite de diverses questions qui, sans être liées les unes aux autres, ont toutes trait au domaine de la thérapie cognitives.

• L'échelle des croyances dysfonctionnelles (DAS : Dysfonctionnal Attitude Scale) 
Le Dr. Arlene Weissman a beaucoup étudié les schémas cognitifs chez les patients dépressifs. Elle a pu distinguer 7 grands schémas cognitifs "classiques" que l'on peut retrouver fréquemment, à des degrés divers, chez les personnes dépressives ou ayant tendance à la dépression.

Voici la liste de ces postulats silencieux :

1. "Mon amour propre dépend de l'estime des autres".
2. "L'amour est nécessaire à mon bonheur".
3. "Ma valeur dépend de mon travail".
4. "Je dois être irréprochable".
5. "J'ai droit à un certain nombre de choses".
6. "Je suis à l'origine de ce qui se passe autour de moi".
7. "Mon bonheur ne dépend pas de moi, mais de paramètres extérieurs".

Elle a élaboré un test d'évaluation permettant de mettre en évidence chez une personne les postulats silencieux qui pourraient potentiellement induire une dépression. Même si la personne n'est pas dépressive, ce test lui permet de connaître ses points de vulnérabilité.

Faites le test (DAS)

 

• Pourquoi des personnes intelligentes peuvent avoir des pensées dysfonctionnelles ?

Si on peut aisément constater la nature irrationnelle des cognitions chez le personnes dépressives, et amener ces personnes à rationaliser leur pensée, il est, en revanche, difficile de trouver une explication claire sur les raisons qui ont amené ces personnes à adopter ce mode de pensée. Nous ne répondront pas non plus clairement à cette question.

Cependant, on peut peut-être entrevoir un élément de réponse en étudiant un cas un peu particulier : le choc culturel (culture shock, en anglais).

Le choc culturel est un phénomène qui peut parfois apparaître chez une personne qui est amenée à quitter son environnement habituel pour vivre temporairement ou définitivement dans une autre culture (autre pays, autre langue, autre religion, autres moeurs, etc...). L'individu qui perd alors ses repères, il peut manifester de l'anxiété et de la frustration. Certains symptômes similaires à ceux de la dépression sont parfois clairement identifiables après quelques semaines, ou plusieurs mois :

-le fait de se laver très souvent les mains.
-inquiétudes excessives concernant l'eau et la nourriture.
-jugements négatifs et stéréotypés sur les habitants du pays.
-rejet de l'environnement et isolement.
-troubles du sommeil.
-crises des larmes inexpliquées.

Pourquoi une personne extraite de son environnement habituel et placée dans un contexte qu'elle maîtrise mal, présente t'elle les symptômes d'une dépression ?
Cette question peut être liée à une autre : Pourquoi les personnes dépressives ont tendance à réduire leur monde à un environnement minimum (isolement, vision stéréotypée du monde) ?

Peut-être une réponse : Surgénéraliser, faire des prédictions négatives, stéréotyper, etc..., présente un avantage incroyable : il procure l'illusion de maîtriser son environnement.
Les pensées dysfonctionnelles offrent un pouvoir exceptionnel : celui de répondre à l'avance à toutes les questions. Le dépressif sait tout : il sait quelle est sa nature profonde, quelle sera sa vie, comment sont les gens et le monde.
En ce sens, la dépression offre un don unique : celui de clairvoyance, c'est à dire le fait de tout comprendre. N'est-ce pas là le but de l'intelligence ?...

 

• Les origines de la Thérapie Cognitive
 

S'il les travaux d'Aaron Beck sont très marqués par le stoïcisme antique, on pourra également noter l'influence plus contemporaine de théoriciens de l'apprentissage tels que Jean Piaget et George Kelly dans l'élaboration de la thérapie cognitive.

Jean Piaget et l'épistémologie génétique :


Biologiste, psychologue et philosophe, Jean Piaget (1896-1980), un des fondateurs des sciences cognitives, travailla dès les années 1920 sur la nature de la pensée, et en particulier sur le développement de la pensée chez l'enfant. Il nommera ce domaine de recherche : l'Epistémologie génétique (l'étude du développement de la connaissance).

Les travaux de Piaget ont marqué les grandes lignes des sciences cognitives.

 


 

Lors de ses études, Piaget a pu distinguer 4 étapes fondamentales dans le développement de l'intelligence chez l'être humain :

▪ La phase sensori-motrice (0-2 ans)
L'enfant perçoit directement le monde à travers ses impressions sensorielles, et il réagit par le biais de réactions motrices. Il ne fait pas la différence et objets stables et objets mobiles, il ne fait pas la différence entre lui et le reste du monde. 
Dès le début de sa vie, l'enfant développe des aptitudes par rapport à son environnement. Ce sont des aptitudes simples de type sensori-motrices (agripper les objets, les porter à la bouche, etc...). 
Ces aptitudes qu'il va employer pour acquérir plus de connaissances sur le monde, ainsi que les représentations mentales qui en découlent, sont appelées schémas.
L'enfant construit ses schémas par le mécanisme d'assimilation, qui consiste à tester ses anciens schémas avec de nouveaux objets (par exemple, il apprend ce qu'il peut sucer ou pas). Le mécanisme d'accommodation, quant à lui, lui permet de modifier ses schémas en fonction de ses nouvelles expériences.
L'assimilation et l'accommodation sont les processus qui vont permettre une diversification et une différentiation toujours croissantes des schémas. Elles forment les deux faces de ce que Piaget nomme l'adaptation (ce que nous appelons couramment l'apprentissage). 
 

 

La notion de permanence des objets :

Un enfant de 6 mois s'intéresse à un jouet. Quand le jouet est hors de sa vue, l'enfant n'y prête plus attention.
Selon Piaget, ceci est dû au fait que l'enfant n'a pas la notion de permanence des objets.
[illustration d'après Henry Gleitman]
 


L'enfant n'a pas la notion que l'objet que l'on retire de sa vue, continue à exister. Pour lui, ce qu'il ne peut pas toucher, voir, sentir, n'existe pas.


▪ La phase préopératoire (2-7 ans)
L'enfant commence à avoir une représentation du monde plus évoluée. Il peut, par exemple, vouloir un objet qu'il n'a pas sous les yeux. Cependant, les représentations ne sont pas encore corrélées de manière cohérente. 
En particulier, l'enfant n'a pas encore la notion de conservation des quantités et des nombres :

La notion de conservation des quantités :


A :on demande à un enfant de 4 ans si l'on a les mêmes quantités de jus de groseille dans les deux verres. L'enfant dit "oui".

 

 

 


B : on verse alors, sous les yeux de l'enfant, le contenu d'un des deux verres dans un verre plus large, et on demande à l'enfant quel verre contient maintenant le plus de jus de groseille. L'enfant indique le verre le plus étroit.
[illustration d'après Henry Gleitman]

 

 

 

La notion de conservation des nombres :

L'adulte montre à un enfant de 4 ans deux rangées de jetons. L'une appartient à l'adulte, l'autre à l'enfant. On demande à l'enfant s'ils ont autant de jetons. L'enfant acquiesce.

 

 

 

 


L'adulte écarte les jetons d'une des rangées, puis il demande à l'enfant s'ils ont encore autant de jetons. L'enfant dit "non", et indique la rangée des jetons écartés comme étant celle contenant le plus de jetons.

[illustration d'après Henry Gleitman]

 

 

 

 

 

 

L'égocentrisme : le test des 3 montagnes

On demande à l'enfant d'indiquer ce que la poupée voit. La fillette en phase préopératoire pense que la poupée voit la scène telle que elle la voit. Selon l'enfant, la poupée voit la petite maison (qui est bien sûr cachée).
[illustration d'après Henry Gleitman]

L'enfant en phase préopératoire n'a pas encore la notion qu'il est possible d'avoir un autre point de vue que le sien.

 

 

 

 


 

L'enfant au stade préopératoire est encore prisonnier de ses perceptions immédiates. Il n'est pas encore en mesure de faire la distinction entre ses perceptions du monde et la réalité.

Par exemple, un enfant de 8 ans sera amusé et en même temps troublé et intrigué de voir un spectacle où un magicien fait sortir des lapins d'un chapeau. En revanche, un enfant de 6 ans assistant au même numéro de magie, sera certes amusé de voir des lapins, mais il n'en sera aucunement troublé ni intrigué. Il n'a pas encore la notion qu'un chapeau ne peut pas contenir de lapins.

▪ La phase des opérations concrètes (7-11 ans)
L'enfant sait gérer les notions de nombres et de quantités. Il est en mesure de comprendre ce qu'il se passera quand on reversera le liquide dans le verre initiale. 
En revanche, il n'a pas encore la notion de pensée abstraite. Il ne sait manipuler mentalement que des notions concrètes.
Par exemple, un enfant de 9 ans peut facilement comprendre que 4 est un nombre pair et 4+1 est impair, que 6 est pair et 6+1 est impair, et de la même manière que 8 est pair et 8+1 est impair. Cependant, il n'est pas encore en mesure de comprendre le principe qu'additionner le chiffre 1 à tout nombre pair produit nécessairement un nombre impair.
La capacité de gérer des notions abstraites et formelles n'apparaît que vers l'age de 11 ans.


▪ La phase des opérations formelles (11 ans et plus)
A ce stade, l'enfant est en mesure d'élaborer des hypothèses, de concevoir des stratégies, et de résoudre des problèmes abstraits.
 

Si, comme tous les cogniticiens, Aaron Beck a été marqué par l'oeuvre de Piaget, il a sans doute été encore plus marqué par les théories d'un homme pratiquement inconnu en France : George Kelly.

George Kelly et la théorie des "personal constructs"

George Kelly (1905-1967), ne s'est jamais défini lui-même en tant que cogniticien. Mathématicien, sociologue et psychologue, il a décidé de consacré sa vie à soigner les paysans dans une clinique rurale du Kansas. Dans les années 1950, il a également élaboré une théorie totalement originale qui ne s'inscrit dans aucun mouvement ni aucune école : la psychologie des personal constructs.
Si George Kelly est inconnu en France (son oeuvre n'a jamais été traduite en français), ses théories on eu un impact certain dans le monde de la psychologie cognitive dans les pays anglo-saxons, ainsi qu'au Canada.

 

 


Remarque : dans cet exposé, nous avons fait le choix de conserver la terminologie anglaise car nous perdrions de son sens en voulant la traduire en français (les Canadiens francophones emploient volontiers le terme de "construits personnels"). 
En anglais, le mot "Construct" a deux sens, il décrit une chose qui a été construitefabriquée de toute pièce. Il signifie également : conceptnotionmodèle ou idée schématique. Kelly utilisait comme synonymes les termes de "concepts utiles" (useful concepts), "fictions pratiques" (convenient fictions) et "modèles transparents" (transparent templates).

L'homme le scientifique : pour décrire sa théorie des personal constructs, Kelly aimait employer ce qu'il appelait sa "métaphore fructueuse". Il partait du principe que tout homme, dans sa façon de voir le monde, et dans son comportement, avait fondamentalement une démarche de type scientifique. L'homme a une représentation de la réalité, là où le scientifique a des théories. L'homme anticipe les choses et les événements, là où le scientifique a des hypothèses. L'homme essaie, il agit en fonction de ses anticipations, là où le scientifique expérimente. L'homme ajuste et modifie sa représentation du monde en fonction de ses expériences, là où le scientifique est amené à ajuster ses théories pour s'accorder avec les faits.

Théorie des personal constructs = Un axiome et 11 corollaires

  • L'axiome fondamental : "les processus d'une personne sont psychologiquement canalisés par la façon dont elle anticipe les événements".
    Par "processus", Kelly comprend les expériences, les pensées, les sentiments et les comportements.

  • Le corollaire de construction : "Une personne anticipe les événements en élaborant leur répliques".

  • Le corollaire de l'expérience : "Le système de construction d'une personne varie lorsqu'elle élabore avec succès la réplique des événements".

 

Certains thérapeutes ont également inspiré l'oeuvre de Beck.

Albert Ellis : Thérapie Comportementale Rationnelle-Émotive

 

 

• La thérapie cognitive appliquée aux troubles de la personnalité

La thérapie cognitive a principalement été développé pour le traitement des troubles de l'humeur, comme la dépression ou l'anxiété. Elle peut également être utilisée pour des trouble de la personnalité. Généralement les traitements de ces troubles durent beaucoup plus longtemps que dans le cas des dépressions.
Arthur Freeman et Russell Leaf ont pu établir des schémas cognitifs types en traitant de nombreux patients souffrant de troubles de la personnalité. Voici une synthèse de ces schémas :

  • La personnalité paranoïaque :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité paranoïaque :
 1. "Les gens tenteront toujours de me faire du mal."
 2. "Je ne peux faire confiance à personne. Ils profiteront toujours de moi."
 3. "On tentera toujours de m'importuner."
 4. "Ne pas s'énerver, rester indifférent."
 5. "Toute offense envers moi, même minime, doit être sanctionnée."
 6. "Rester sur ses gardes. Être toujours préparé au pire."
 7. "Tout compromis est une capitulation."
 8. viter l'intimité, si je suis proche d'une personne, elle peut trouver mes faiblesses."
 9. "Se méfier de toute personne qui a du pouvoir, elle peut me faire du mal."
 

  • La personnalité schizoïde :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité schizoïde :
 1. "Pourquoi est-ce que je devrais être proche des gens ?"
 2. tre proche des autres n'est pas très important."
 3. "Je suis mon meilleur ami."
 4. "Rester calme. Afficher ses émotions est embarrassant et inutile."
 5. "Ce que les autres disent et pensent n'est ni intéressant, ni important."
 6. "Le sexe, d'accord, mais juste pour l'hygiène."
 

  • La personnalité antisociale :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité antisociale :
 1. "Les règles sont faites pour les autres."
 2. "Seuls les idiots obéissent aux règles."
 3. "Les règles sont là pour être transgressées."
 4. "Se méfier des gens de pouvoir."
 5. "Mon plaisir d'abord."
 6. "Si les autres son blessés par mon comportement, c'est leur problème."
 7. "Je le fais maintenant. Il est hors de question que je sois frustré."
 8. "Je ferai ce qu'il faudra pour obtenir ce que je veux."
 9. "Je suis beaucoup plus intelligent que la plupart des autres."

 

  • La personnalité borderline :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité borderline :
 1. Je ne sais pas vraiment qui je suis.
 2. Je finirai par être abandonné.
 3. Ma souffrance psychique est si intense que je ne peux pas le supporter.
 4. Je ne peux pas contrôler mon comportement. C'est ma colère qui me contrôle.
 5. Je suis dominé par mes sentiments, et je ne peux pas les modifier.
 6. Il (elle) est tellement extraordinaire, j'ai une chance incroyable ! / Il (elle) est tellement méprisable, je ne peux pas le (la) supporter ! [le jugement oscille d'un extrême à l'autre très rapidement].
 7. Quand je suis accablé, je dois obligatoirement m'échapper (départ, ou suicide).

 

  • La personnalité histrionique :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité histrionique :
 1. Les apparences sont importantes.
 2. Les gens sont jugés sur leur apparence extérieure.
 3. Je dois être remarqué.
 4. Je ne dois jamais être frustré.
 5. Je dois obtenir tout ce que je veux.
 6. Les émotions doivent toujours être exprimées directement et rapidement.
 7. La beauté est le facteur le plus important lorsqu'on juge une personne.

 

  • La personnalité narcissique :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité narcissique :
 1. Je dois obtenir ce que je veux lors de chacun de mes échanges.
 2. Je ne dois, en aucune manière, être frustré dans ma recherche de plaisir ou de reconnaissance.
 3. Je suis une personne hors du commun.
 4. Je ne devrais avoir à faire qu'avec des personnes hors du commun comme moi.
 5. Je dois être admiré.
 6. Personne ne devrait avoir plus que ce que j'ai.

 

  • La personnalité évitante :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité évitante :
 1. Je dois être apprécié.
 2. Je ne dois pas paraître idiot aux yeux des autres, à aucun moment.
 3. Le monde est dangereux.
 4. Les autres doivent prendre soin de moi.
 5. Mieux vaut être isolé que de risquer d'être blessé.
 6. Toute critique envers moi est une terrible condamnation. 
 7. Les gens doivent m'offrir des garanties inconditionnelles d'acceptation avant que je puisse établir des liens avec eux.

 

  • La personnalité obsessionnelle-compulsive :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité obsessionnelle-compulsive :
 1. Il faut obéir à des règles strictes dans la vie.
 2. En se concentrant sur les détails d'un problème, on réduit les risques de faire une erreur.
 3. Une personne est définie par ce qu'elle fait.
 4. On est quelqu'un de bien si l'on fait bien son travail.
 5. Tout se passera bien si les règles sont suivies à la lettre.
 6. Ne jamais jeter quelque chose qui pourrait avoir de la valeur.
 7. Les émotions doivent être maîtrisées.

  • La personnalité passive-agressive :

Définition DSM-IV

Schémas type de la personnalité passive-agressive :
 1. Je ne devrais avoir à faire que ce que j'ai envie de faire.
 2. Les gens ne devraient pas me demander quoi que ce soit.
 3. Les autres sous-estiment mon travail et ma valeur.
 4. Je dois me protéger en me faisant passer pour une victime.
 5. Les supérieurs hiérarchiques sont généralement injustes.
 6. On ne devrait pas me demander de travailler autant.
 7. Les échéances et la pression sont injustes. Il faut s'y opposer.
 8. La colère ne peut pas être exprimée ouvertement.
 9. La colère est dangereuse et doit être évitée.
10. Tout ce qui peut être remis au lendemain, doit l'être.
11. Partir avec le maximum de choses.
 

• Thérapie cognitive et psychoses

La thérapie cognitive de fait pas un distinguo de nature entre névrose, d'une part, et psychose, d'autre part. Beck considère les deux comme le résultat de distorsions cognitives. Le mécanisme est le même, avec simplement une intensité et une étendue plus ou moins large des distorsions. Ainsi, un patient névrosé aura une perception irrationnelle de la réalité dans quelques domaines seulement, alors qu'un patient psychotique aura une perception irrationnelle de la réalité dans presque tous les domaines. Pour être plus précis, on peut dire que les patients psychotiques ont malheureusement tendance à réduire le champ de leur activité mentale à ces seules distorsions. Les capacités de jugement des patients psychotiques étant alors fortement endommagées, il devient très difficile, voire impossible, au thérapeute d'amener l'individu à développer une approche métacognitive de ses problèmes.
C'est la raison pour laquelle la thérapie cognitive est habituellement réservée aux troubles de l'humeur (dépression, anxiété) au cours de thérapies courtes, et, dans une moindre mesure, aux troubles de la personnalité (thérapies plus longues, voir chapitre ci-dessus). Elle s'applique, en revanche, difficilement aux troubles psychotiques (type schizophrénie).
 

• La notion de Domaine personnel

Le Domaine personnel est une notion qui peut sembler triviale à priori. Cependant c'est un outil puissant qui permet souvent de mieux comprendre des sentiments tels que l'anxiété, la tristesse ou la colère.

Définition : Le domaine personnel est l'ensemble des choses, matérielles ou immatérielles, qui ont de la valeur aux yeux du sujet.

Au centre du domaine, on trouvera la représentation de soi, les caractéristiques personnelles, les buts, les valeurs fondamentales de l'individu. Autour de ce centre, on trouvera par exemple la famille, les amis, les biens matériels. Selon les individus, on pourra également trouver d'autres composants du domaines, comme par exemple : la nationalité, la classe socioculturelle, des concepts tels que la liberté, la justice, la moralité, la foi religieuse, le respect des règles, etc...

Le concept de domaine personnel aide à comprendre comment une personne peut être fortement affectée par des événement très éloignés géographiquement : par exemple, un individu peut devenir euphorique si un membre de son groupe social, ou de sa nationalité reçoit une récompense lors d'un championnat sportif. De même il peut être scandalisé si un membre de son groupe est victime de brutalités. Il réagira comme si c'était lui-même qui était l'objet de bons ou de mauvais traitements. D'autres personnes peuvent rester totalement indifférentes aux mêmes événements si elle n'ont pas les mêmes composants dans leur domaine personnel (celui de nationalité par exemple).

La nature de la réponse émotionnelle d'une personne à un événement donné, dépend selon que l'individu considère cet événement comme ajoutant, enlevant, mettant en danger, ou bien affectant son domaine personnel.

  • La tristesse : c'est le sentiment provoqué par la perception d'une perte pour le domaine personnel. Perte d'un être aimé, perte de capacités physiques, perte d'une fonction sociale (chômage).

  • L'euphorie et l'excitation : sentiments provoqués par la perception d'un gain pour le domaine personnel. Par exemple le fait de se faire de nouveaux amis, acquérir de nouveaux biens matériels, ou atteindre ses buts.

  • L'anxiété : c'est le sentiment provoqué par la perception d'une menace pour le domaine personnel. Menaces pour ses biens matériels, menace de la perte d'un proche (maladie, séparation géographique), menaces psychologiques (risques d'humiliation, de critiques) . Si l'individu a confiance dans sa capacité à faire face à la menace, son anxiété est grandement diminuée. L'anxiété augmente lorsque la menace est perçue comme imminente, hautement probable et très destructrice pour le domaine personnel.

  • La colère : c'est le sentiment provoqué par la perception d'une attaque (physique ou verbale) visant un ou plusieurs composants du domaine personnel, ou d'une frustration (lorsque l'on obtient pas un élément du domaine que l'on pense dû, par exemple le respect, la reconnaissance).

On peut retrouver les mécanismes cités précédemment chez toutes les personnes dites normales. Chez les personnes souffrant de troubles de l'humeur, les perceptions (de perte, de menace, d'attaque, ou de frustration) sont soumises à de fortes distorsions cognitives, dues à une évaluation très erronée de la situation réelle.
Travailler avec le patient pour mettre à jour les composants de son domaine personnel lui permettra de choisir ceux qu'il souhaite conserver, et éventuellement y adjoindre d'autres.
La thérapie permettra également au patient de rationaliser les perceptions qu'il a des événements en rapport avec les composants de son domaine personnel, et d'en corriger les distorsions.

• L'impuissance apprise, un modèle animal de la dépression

 

• Thérapie cognitive Versus Pensée positive et méthode Coué

Ceux à qui l'on présente pour la première fois les principes de la thérapie cognitive, font souvent le lien avec "le pouvoir de la pensée positive" (N. V. Peale), ou à la méthode Coué. Il est vrai qu'il y a des similarités apparentes entre la pensée positive et la thérapie cognitive, en particulier, l'idée que nos pensées influencent nos émotions et notre comportement. Cependant, la ressemblance s'arrête là. En effet, le problème majeur de la "pensée positive" vient du fait que les pensées positives ne sont pas nécessairement valides, ni exactes.
Remplacer des pensées irrationnelles négatives par des pensées irrationnelles positives ne résout pas, à terme, les problèmes du patient.
Si une personne peut s'exalter quelque temps en appliquant les principes de la pensées positive, il est probable que ces pensées ne résisteront pas longtemps à la réalité des faits. Or des pensées positives ne peuvent conduire à des sentiments positifs, que si le patient croit en leur validité.

De plus, "le pouvoir de la pensée positive" repose en partie sur les principes religieux de la foi chrétienne (amour, prière, aimer Dieux et son prochain). Ces concepts sont tout à fait hors de propos dans la thérapie cognitive.

Avec la "pensée positive", on vous amènera à voir un verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide. 
L'approche rationnelle de la thérapie cognitive vous apprendra à neutraliser les distorsions, et à constater par vous-même que le verre est rempli à 50 %.

 

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