Tuer le cauchemar

C'est ce que ja vais faire. Non pas éliminer quelqu'un mais éliminer en moi toute appartenance à un système qui me révulse. 

Je suis dans un cauchemar et il faut que je me réveille...


JUSQU'AU BOUT

Ce qui est écœurant, écrivit-il le soir dans son cahier, c’est de voir la médiocrité des gens qui, soi-disant, instruisent les enfants. Sans être aussi ignobles que Brohou ou la Pennec, beaucoup d’entre eux n’ont rien à faire dans une classe. Ils sont très doués pour suivre des programmes, des progressions, des emplois du temps et des livres du maître, car eux-mêmes n’ont rien à donner. Ce sont des enveloppes vides que l’éducation nationale s’empresse de remplir avec des dogmes, des règles et une morale. Et durant toute leur carrière, ils recevront du ministère des directives qu’ils mettront un point d’honneur à appliquer à la lettre. Ils seront bien notés par un inspecteur, petit soldat gradé, devant lequel ils trembleront jusqu’à la fin de leur soumission. Quelle tristesse pour tous ces enfants qui n’auront devant eux, pendant des années, que des archétypes parfaits du fonctionnaire obéissant ! Le premier critère de sélection pour l’entrée à l’école normale (anormale conviendrait davantage) devrait être la ferveur et l’humanité des postulants. S’agit-il d’enseigner le français, les maths et le reste ou d’édifier un être humain, en développer la sensibilité, le caractère, la volonté, l’engagement, la solidarité, l’amour de la vie, le respect de soi et des autres, l’observation de tous les phénomènes intérieurs ? Face à cela, que valent le complément d’objet direct ou l’accord du participe passé ? Faut-il s’attacher d’abord et avant tout à des valeurs fondamentales ou à des techniques d’enseignement ? Des gens diplômés et apparemment intelligents ont souvent été capables, à travers l’histoire de l’humanité, d’actes horribles. Des gens illettrés ont souvent été, durant toute leur existence, extrêmement respectueux de la vie, sous toutes ses formes. Le savoir comme l’ignorance ne sont ni des critères, ni des garanties de progrès. Seule, l’absolue conscience d’appartenir à la terre et à l’humanité qui s’est développée en son sein peut empêcher l’homme de se détourner de l’amour et de la paix. L’industriel et le chimiste qui détruisent la nature ont-ils de hautes valeurs morales ? L’Indien Kogi, ignorant des techniques modernes, n’est-il pas plus humain ? Où est dès lors le rôle de l’école ? Quel type d’individu doit-elle s’efforcer d’éveiller ?

Je ne m’adresse pas ici à des indiens mais je ne considère pas ces enfants non plus comme de futurs industriels. Je travaille pour l’humanité, pas pour une économie. Je peux donc combattre telle valeur si elle s’oppose à l’édification de l’homme. Les enfants sont de toute façon plus proches d’un Indien que d’un industriel. Je respecte donc leur nature profonde. Je ne transforme rien, j’approfondis. Je ne risque pas, par cette éducation, de couper l’enfant de ses racines pour en faire un citoyen diplômé. Il sera diplômé s’il y trouve de l’importance pour son existence mais ce n’est pas une finalité.

Ce n’est pas le contenu qui importe mais le contenant.

L’essentiel ce n’est pas de cerner par des diplômes ce qu’un homme sait mais de connaître l’homme qui sait. Et que cet homme avant tout se connaisse. Particulièrement, son degré d’humanité.

Brohou n’a aucune humanité et n’en aura jamais. Si je n’interviens pas, je n’irais pas jusqu’au bout de ma mission qui est de construire un monde meilleur. Je perdrais mon humanité en acceptant une situation intolérable. Je dois protéger les enfants de toute image néfaste. C’est cela mon métier. Le reste est secondaire. Et je dois donc être exemplaire. Le véritable meurtre serait de laisser ces âmes jeunes se confronter à des tentations perverses. Autant il est difficile de sauver l’amour, autant le goût de la violence, de la haine et de la destruction nous tente facilement. La bêtise en est le tuteur principal et c’est elle qui mène le monde. Rien ne doit pousser dans l’ombre de Brohou. »

Certitude apaisante. Il était l’exemple, celui qui ne devait avoir aucune faiblesse. Et si cela advenait, il fallait supprimer cette erreur. Tuer le cauchemar, c’était la seule solution.

Jusqu

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