Un vocabulaire révélateur

 

Ce vocabulaire mensonger est bien évidemment le reflet de notre positionnement à l'égard de la nature.

Mes parents passaient un temps infini à arracher ces "mauvaises herbes" qui abîmaient leur pelouse et à tenter de tuer ces "maudites taupes" qui défiguraient leur jardin, un jardin entièrement dédié à la décoration. Rien de consommable. Ils étaient fiers que leur jardin reçoive le prix du plus beau jardin dans la commune...

J'étais jeune et je n'attachais aucun intérêt à ce jardin, ni d'ailleurs à l'idée d'y installer un potager. Il a fallu que je grandisse.

Aujourd'hui, notre terrain nous nourrit et nous utilisons le paillage et le broyat pour limiter l'extension des adventices ("herbes envahissantes"). Les rats taupiers mangent une partie des légumes et tracent des galeries dans tous les sens. Rien à faire contre eux, il faut accepter le partage. On a installé divers abris naturels pour attirer des prédateurs : tas de pierres et de bois morts pour les serpents et les mustélidés. En espérant qu'un renard veuille bien venir se servir également :) Je vais ajouter deux nichoirs spécialement adaptés aux oiseaux noctures, chouettes et autres. On a un très grand tilleul pour les fixer.

On ne peut pas chercher à profiter des bienfaits de la nature en excluant tout ce qui nous dérange. 

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Animaux « nuisibles » et « mauvaises » herbes

"L'emploi des mots, les psychologues nous le répètent depuis longtemps, influencent nos prises de position et notre comportement. Il y a des expressions qu'il importerait d'extraire de notre vocabulaire, à cause de leurs connotations négatives injustifiées.

Dans un contexte écologique, je veux évoquer ici les expressions « mauvaises herbes » et « animaux nuisibles ». Ce sont, bien sûr, de vieilles expressions, nées dans des contextes aujourd'hui dépassés. Leur utilisation prolonge un état d'esprit que nous avons toutes raisons de vouloir faire disparaître, à cause des implications négatives nocives qu'ils perpétuent.

Les mots « espèces nuisibles » et « mauvaises herbes » ne sont que le reflet d’un préjugé séculairement ancré, selon lequel les plantes et les animaux sont là pour nous servir ou nous réjouir, et que nous avons sur eux un droit discrétionnaire.

Ces mots sont la traduction directe de notre égocentrisme (ou anthropocentrisme), de notre ignorance et de notre étroitesse d’esprit. Les animaux considérés comme nuisibles ne le sont que par nous, et il en est de même des herbes prétendues mauvaises.

En réalité, nous ne sommes qu’une espèce parmi tant d’autres. Ajoutons, en passant, que, face aux extinctions multipliées d’espèces dont nous sommes aujourd’hui responsables, nous mériterions, seuls, le qualificatif d’espèce hautement nuisible à l’harmonie et à la préservation de la biodiversité."

Les études scientifiques des dernières décennies ont profondément transformé notre regard sur la nature et sur les organismes vivants qui cœxistent avec nous.

Sur notre planète, toutes les espèces vivantes sont intégrées dans des écosystèmes dont elles sont toutes dépendantes, et dans lesquelles elles jouent un rôle spécifique. Les populations sont maintenues en équilibre par un jeu permanent de reproduction et de prédation.

Quelles sont les implications de ces réflexions dans le monde concret dans lequel nous vivons ?

La prolifération de certaines espèces peut devenir indésirable par rapport aux objectifs des êtres humains : cultures, élevages, préservation de l'habitation et du territoire. Souvent ces proliférations sont dues à l'élimination, par notre zèle intempestif, des prédateurs naturels qui contribuaient à l'équilibre des populations.

C'est ici que l'attitude globale face à la nature doit intervenir. Elle imposera ses exigences sur le choix de l'action à entreprendre. Une intervention peut-être justifiée, à la condition qu'une étude scientifique appropriée ait désigné sans ambiguïté l'espèce ou les espèces responsables du problème.(...)

Mais revenons à notre question de vocabulaire. Que suggérer pour remplacer ces expressions ?

Au lieu de « mauvaises herbes », on peut dire par exemple « herbes sauvages ». Dans notre jardin, nous utilisons « plantes non invitées ». Et l'on peut remplacer « animaux nuisibles » par « animaux indésirés ».

Chacun ici peut faire preuve d'imagination. Toutes les suggestions sont bienvenues …"

Hubert Reeves ( Astrophysicien et vulgarisateur scientifique)

 

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