"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas. " (7)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas. " (1)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas." (2)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas." (3)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas. " (4)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas. " (5)

"Apprends à écouter ce que tu n'entends pas. " (6)

Il ne pouvait faire autrement. 

Il était retourné chez le thérapeute.

Ce rêve était d'une telle puissance. Jamais, il ne s'était réveillé en pleurant, jamais il n'avait été aussi bouleversé par des images oniriques.

Il était allongé sur la table de massage. Une musique de fond qui l'intriguait. Une musique de film certainement. 

Il racontait. Le cheval qui galope au bord de l'Océan, une force qui le réjouissait, une course joyeuse nourrie par un bonheur infini, comme si coulait en lui l'énergie de l'animal, il était dans son sang, dans ses muscles, dans sa joie, dans cette conscience ultime de la vie en lui...

Et sans que rien ne le laisse présager, sans aucune alerte, sans aucun prémices, le cheval s'était écroulé dans une gerbe de sable, il avait roulé sur lui-même et s'était immobilisé. Mort. 

Et c'est lui qui s'était approché. Il n'était plus dans ce corps éteint où luisaient encore des rigoles de sueur. Rien, aucun mouvement dans la poitrine, aucune souffle suspendu, tout s'était arrêté avec une soudaineté effroyable.

Les yeux ouverts de l'animal. Une brillance étrange, comme des larmes figées. 

Il n'avait pu en supporter davantage. Une douleur insupportable qui l'avait réveillé en sursaut. 

"Qu-avez-vous ressenti?

-Une épouvantable tristesse, une horreur, cette certitude incompréhensible que c'était moi. 

-Et vous n'avez pas supporté de vous voir mort ?

-Évidemment. Comment pourrais-je le supporter ? 

-Que pensez-vous de la mort ? 

-C'est la pire invention de la création."

Une voix sèche, cassante, déterminée.

Le thérapeute se leva du fauteuil et vint se placer au bout de la table. Regards croisés.

"Permettez-moi de vous donner ma vision de la mort. Vous en ferez ce que vous voulez. 

-Vous n'avez jamais cherché à m'imposer quoi que ce soit de toute façon.

-Je suis très heureux que vous l'ayez ressenti ainsi. 

-Je vous écoute."

Un sourire qui s'esquisse, comme un bonheur discret.

C'était la première fois qu'il voyait le thérapeute exprimer ainsi une émotion intime. Il avait toujours été impassible au fil des séances et il s'était même demandé si cet homme éprouvait parfois quelques embrasements, quelques bouffées de bonheur ou de quelconques moments de mélancolie, tout ce que lui vivait à de multiples reprises. 

"Que faites-vous lorsque vous recevez un courrier ? Imaginez une grande enveloppe marron. Vous ne connaissez pas l'expéditeur. 

-Et bien, je déchire l'enveloppe et je sors la lettre ou le document. 

-Que faites-vous de l'enveloppe ?

-Je la jette sans doute. Aucune raison que je la conserve. Je vérifie juste avant que l'adresse de l'expéditeur soit bien inscrite sur la lettre.

-Et que faites-vous du courrier? Il s'agit d'une longue lettre en fait. Plusieurs feuillets écrits à la main. 

-Je la lis bien entendu. 

-Et cette lettre vous bouleverse, elle vous concerne en tous points, elle parle de vous, elle vous connaît parfaitement, elle s'est écrite elle-même.

-Comment ça ?

-Cette lettre, c'est votre âme. L'enveloppe, c'est votre corps. Vous avez déchiré l'enveloppe pour pouvoir lire le courrier. Je pense que c'est ce qui se produit à notre mort physique. Je dis bien physique, c'est à dire lorsque l'enveloppe se déchire. 

-Qui déchire l'enveloppe ?

-Votre âme lorsqu'elle considère qu'il est temps pour elle de lire le courrier, c'est à dire l'ensemble de son parcours terrestre. La mort de son enveloppe la libère de toutes les contingences de la vie terrestre et c'est dans la paix de l'âme qu'elle pourra analyser clairement ce qu'elle aura vécu et ce qu'elle se doit de vivre encore. 

-Comment ça de vivre encore ?

-Dans un prochain parcours, dans une autre enveloppe, celle qui lui permettra d'éprouver de nouvelles épreuves, de nouvelles expériences, de nouvelles situations. Toujours dans l'intention d'aller vers une connaissance ultime de soi. Non pas de nous en tant qu'individu, nous ne sommes que des enveloppes, mais la connaissance spirituelle, une connaissance qui n'est pas du registre humain mais dans une dimension divine. 

-Vous voulez dire que notre âme décide de notre mort corporelle pour se libérer d'un parcours qui devient sans intérêt ? 

-Je ne dis pas qu'il est sans intérêt mais en tout cas, le parcours effectué lui suffit. Et il lui est par contre devenu contraignant de devoir s'y soumettre. Donc, elle déchire l'enveloppe. 

-Qu'y a-t-il d'écrit sur la lettre?

-Votre parcours de vie, les évènements ou les situations quotidiennes, vos pensées, vos tourments, vos passions, vos amours, vos espoirs, vos désillusions. C'est votre âme qui parle mais c'est votre mental qui transcrit. Tout le problème vient du fait que le mental n'est pas capable parfois d'entendre ce que l'âme lui murmrure parce qu'il est inscrit dans un vacarme constant, celui de l'agitation de votre condition humaine. Certains auront à lire des milliers de pages, d'autres ne disposeront que d'un brouillon râturé et très bref, un condensé dérisoire d'une vie manquée. 

-Vous avez hâte de lire votre courrier ?

-Je n'ai aucune impatience ou peur à avoir étant donné que cette étape ne dépend pas de moi. 

-Et si vous vous suicidiez ?

-Ce serait le choix de mon âme.

-Et si vous étiez mort le jour de votre naissance ?

-Ce serait le choix de mon âme.

-C'est un peu facile, je trouve. Comme une soumission à des évènements dramatiques sur lesquels vous ne voulez pas intervenir.

-Je ne pense pas comme vous. Il me semble qu'il est bien plus difficile d'accepter l'inéluctable que de le fuir. Cette peur qui vous terrorise, vous la fuyez peut-être dans l'agitation de votre vie mentale et vous n'entendez plus votre âme. 

-Apprendre à écouter ce que je n'entends plus. " C'est ça que vous vouliez me dire ?

-C'est à vous de le décider. 

-Et à quoi me servira-t-il d'écouter ce que je n'entends pas ?

-À faire en sorte que votre âme puisse lire des milliers de pages. Que décidez-vous de faire de votre parcours de vie ? Voilà la question essentielle. Vous allez me répondre que vous avez réussi à créer l'entreprise dont vous rêviez, vous ne manquez de rien, matériellement, vous avez une femme qui vous aime et que vous aimez, vous avez deux enfants et vous les accompagnez au mieux, vous avez des projets, chacune de vos journées a un objectif qui s'inscrit dans cette vie sociale. Mais qu'en est-il de votre âme ? Que connaissez-vous d'elle ? Lui avez-vous déjà apporté la moindre importance ? Avez-vous déjà imaginé que cette vie sociale n'est peut-être qu'une ébauche ou même pire un paravent ?"

La première fois qu'ils percevait chez le thérapeute un certain énervement, une intonation appuyée, loin de cette voix monocorde qui caractérisait chaque séance. 

"Je n'ai jamais pensé au fait que je puisse avoir une âme. Et je pense qu'il ne s'agit que d'une interprétation de votre part. Rien ne vient affirmer avec certitude que cette âme existe.

-Et pourquoi avez-vous pleuré alors en écoutant cette musique, la séance passée et pourquoi encore en écoutant celle que je vous ai envoyée et pourquoi avez-vous fait ce rêve du cheval mort ?

-Peut-être tout simplement que je suis plus fatigué que d'habitude, davantage de stress, peut-être que c'est le résultat de nos séances, peut-être que ça réveille en moi une sensibilité plus forte. 

-Quand vous dites sensibilité, vous pensez sans doute à sensiblerie et ça vous dérange de vous voir sous cet angle, ça ne correspond pas à l'image que vous voulez préserver de vous. Mais vous êtes attiré malgré tout, vous voulez en savoir davantage et donc, vous êtes revenus alors que vous aviez décidé d'arrêter.

-Comment le savez-vous ?

-La façon dont vous m'avez dit au revoir. Vous n'étiez déjà plus là. 

-Et qu'est-ce que je dois faire pour comprendre ce que mon âme désire ?

-La vie se chargera de vous faire vivre ce que votre âme désire dès lors que vous serez capable d'écouter. 

-Vous voulez dire que si je parviens à écouter mon âme, les événements correspondront à cette voie spirituelle ?

-C'est exactement ça. Je pense que nous vivons ce dont notre âme a besoin et qu'elle a déjà choisi mais que cela n'est possible que si nous l'écoutons. Vous vous en apercevrez par vous-même. Les changements ont déjà commencé. Il ne vous reste qu'à écouter si vous souhaitez qu'ils s'amplifient. 

-J'aimerais bien écouter chez moi cette musique. Qu'est-ce que c'est ? 

-Funeral March. Dans le fim de Terence Malick "A tree of life".

-J'en ai entendu parler mais ça ne me tentait pas.

-Ça n'est pas un film pour le mental. Il faut le regarder et l'écouter avec son âme. Et vous voyez, cette musique-là, il y a deux mois, elle vous aurait irrité. Maintenant, elle vous attire."

Il ne répondit rien,. Fin de la séance. 

Il s'appliqua à saluer le thérapeute de façon à ce qu'il sache qu'il reviendrait...


Suite plus tard...

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