Bande de porcs
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/06/2020
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"Ce virus serait donc déjà passé chez les humains, rapportent les scientifiques, mais il n'y a pas de preuve qu'il peut être transmis d'humain à humain. C'est aujourd'hui leur crainte et il faut, selon eux, mettre urgemment en place une surveillance des populations travaillant au contact des porcs."
Je trouve consternant la dernière phrase de cet article et je trouve que c'est très représentatif de l'absence de conscience du problème ou de son déni.
Il ne s'agit pas comme le préconisent les instances concernées de pointer du doigt les employés des élevages et abattoirs mais de voir dans quelles conditions émergent ces virus. Les ouvriers sont des victimes, pas des coupables. Ils n'ont pas créé ce virus, ils le subissent eux aussi.
Personne dans cet article ne vient expliquer que la demande mondiale de viande de porcs constitue la raison essentielle. Personne ne veut le dire parce que ça revient à pointer du doigt ceux qui en mangent. Aïe, non, surtout pas.
Les scientifiques trouveront un vaccin et l'industrie pharmaceutique se remplira les poches. Et tout le monde pourra continuer à manger ses cotelettes.
"Bande de porcs", pourrait-on dire. C'est effrayant de voir à quel point les raisons d'un problème peuvent être occultées, détournées, manipulées...Le pangolin était responsable du covid...Ou peut-être la chauve-souris...Ou peut-être un poisson...Ou...Oui, bon, n'en jetez plus. Les zoonoses, on n'en parle pas beaucoup. Le comportement de l'humanité envers les animaux, on n'en parle pas davantage. Pas dans les grands medias en tout cas. Sauf quand une video vient dénoncer le massacre quotidien. Et puis, on passe à autre chose. Et ça continue. Et maintenant, ces élevages viennent mettre en danger l'ensemble de l'humanité et les instances disent qu'il faut surveiller les employés...Un monde de dingues. Vol au-dessus d'un nid de coucous. Et ce sont bien les instances dirigeantes les plus folles.
Quant à "l'information", quand on la veut, il faut la chercher, encore et encore, loin des réseaux officiels et recroiser les supports et remonter à la source. Et c'est compliqué, compliqué...
https://www.reussir.fr/lesmarches/la-chine-encourage-construire-des-elevages-de-porc-hors-du-pays
Chine : des chercheurs découvrent des virus de grippe porcine propices à une pandémie
Ces virus, appelés G4, descendent génétiquement de la souche H1N1 à l'origine d'une pandémie de grippe porcine en 2009.
C'est une nouvelle dont on se serait bien passé. Des chercheurs ont découvert une nouvelle famille de virus de grippe porcine en Chine présentant toutes les caractéristiques capables de provoquer une future pandémie, selon une étude (en anglais) parue lundi 29 juin dans la revue scientifique américaine Proceedings of the national academy of Sciences.
Ces virus, appelés G4, descendent génétiquement de la souche H1N1 à l'origine d'une pandémie en 2009 : ils "possèdent tous les traits essentiels montrant une haute adaptabilité pour infecter les humains", écrivent les auteurs, des scientifiques issus d'universités chinoises et du Centre de prévention et de lutte contre les maladies chinois.
Le G4 EA H1N1 déjà présents chez des humains
Entre 2011 et 2018, les chercheurs ont réalisé 30 000 prélèvements nasaux sur des porcs dans les abattoirs de 10 provinces chinoises et dans un hôpital vétérinaire, permettant d'isoler 179 virus de grippe porcine. L'un d'eux, le G4 EA H1N1, a été retrouvé chez 10,4% des ouvriers et personnes travaillant dans la filière porcine.
Ce virus serait donc déjà passé chez les humains, rapportent les scientifiques, mais il n'y a pas de preuve qu'il peut être transmis d'humain à humain. C'est aujourd'hui leur crainte et il faut, selon eux, mettre urgemment en place une surveillance des populations travaillant au contact des porcs."
Qu’est-ce qui, depuis les années 1980, explique la multiplication des virus et les abattages à grande échelle d’animaux ? Le développement de l’élevage industriel porcin en Chine, accompagné par la France, répond l’auteure de cette tribune. Qui en appelle à d’autres modes d’élevage, respectueux des animaux.
Jocelyne Porcher est directrice de recherches à l’Inra de Montpellier. Elle travaille sur la relation de travail entre les éleveurs et leurs animaux. Avant, elle a été elle-même éleveuse et technicienne agricole.
La crise sanitaire mondiale que nous traversons actuellement fait des milliers de morts, dont une grande part, sans aucun doute, aurait pu être évitée par des politiques de santé humaines plutôt que gestionnaires. Elle atteint notre humanité, mais elle touche également de manière insidieuse une part de notre intégrité : nos relations aux animaux. Alors que nombre de nos concitoyens se réjouissent de la présence de leurs compagnons animaux dans le contexte actuel de rupture des contacts entre humains, reconnaissent leur importance dans leurs vies, leurs vies concrètes, matérielles, mais aussi psychiques, d’autres, avec plus d’opportunisme que de décence, insistent sur le fait que la cause première de cette pandémie serait à rechercher dans notre proximité avec les animaux, à travers l’élevage et la domestication. Haro sur le baudet, sur le pangolin, sur la chauve-souris et, plus récemment, sur le chien. Car, si pour les uns, le criminel est l’animal sauvage, pour les autres, c’est l’animal domestique, et, au-delà, l’animal humain, générique, celui dont Gaïa aspirerait à se débarrasser enfin.
Nous l’avons lu depuis le début de l’épidémie, l’origine du virus serait à rechercher chez les animaux. Il aurait été transmis aux humains à cause de pratiques hautement répréhensibles comme consommer de la viande ou vendre du poisson sur les marchés. Plus globalement, nos relations aux animaux provoqueraient ces zoonoses et cela depuis le Néolithique. Avant cette malheureuse rencontre entre les humains et les animaux, avant cette « monstrueuse cohabitation », au temps béni des chasseurs cueilleurs, voire au temps béni (surtout l’hiver) des cueilleurs tout court, la planète était un éden. Les communautés humaines ne connaissaient ni la guerre ni la faim, ces calamités étant venues avec l’agriculture, paraît-il.
Comment ces fables des origines peuvent-elles avoir un tel écho aujourd’hui alors que les animaux domestiques occupent une place si importante dans nos vies, dans nos vies concrètes, matérielles, mais aussi dans nos vies psychiques ? On peut proposer de penser au contraire, à propos de la domestication des animaux, que l’aventure humaine aurait pu tourner court sans cette extraordinaire bifurcation de l’évolution des espèces opérée il y a dix millénaires, l’association entre des individus de l’espèce humaine et ceux d’autres espèces animales, intéressés à mettre en jeu ensemble les conditions de leur survie respective [1].
Au cours de cette association et depuis dix millénaires, nous avons échangé bien des choses et, bien sûr, également des micro-organismes et virus. Qu’est-ce qui a changé ces dernières décennies pour que ces zoonoses se multiplient et soient rendues plus dangereuses et plus mondialisées ?
Ce qui a changé : les conditions d’élevage des animaux, notamment en Chine
Ce qui a fondamentalement changé et dont on entend fort peu parler à l’heure du Covid-19, ce sont les conditions d’« élevage » des animaux en Chine. En quelques décennies, ce pays est devenu un leader mondial des productions animales, et notamment de la production de porcs. La Chine est le premier producteur de porcs au monde et elle est également le premier pays consommateur. Cela, « grâce » à des structures industrielles de très grande taille – d’ailleurs développées en partie avec le concours d’entreprises françaises (génétique, aliments du bétail, équipements...), qui ont remplacé les élevages paysans.
Wuhan est la capitale de la province du Hubei, forte productrice de porcs (production, sélection, reproduction, abattoirs...). On trouve dans cette province de très grandes structures de production de porcs (de 10.000 à 50.000 animaux). Le dernier salon du China international animal husbandry exhibition (CAHE) [2], consacré aux productions animales (porcs et volailles notamment), s’est tenu à Wuhan en 2019.
Si la Chine détient sans doute aujourd’hui le triste record de la densité de porcs par mètre carré et fait preuve d’inventivité en entassant les porcs dans des bâtiments de plusieurs étages, elle ne fait que reproduire et étendre un modèle que les zootechniciens et vétérinaires français ont largement participé à développer. Quand, en 1970, a été conçu le « plan de rationalisation de la production porcine », il s’agissait bien de sortir les porcs des fermes où ils étaient dispersés et de mettre en place un « élevage » rationnel, moderne et productif.
Depuis les débuts de l’élevage industriel, les pathologies dévastatrices se sont multipliées
Ce modèle industriel de production porcine, celui qui existe actuellement en Bretagne comme en Chine, même s’ils sont à des niveaux de taille différents, n’a pas été mis en place si facilement et il n’a pu s’imposer comme « modèle dominant » que dans les années 1980. Pendant dix ans, il a fallu batailler contre les virus et microbes qui assaillaient les animaux enfermés et sans défense contre les pathologies générées par l’enfermement, la promiscuité et le volume des déjections [3].
Il n’était pas rare que le producteur entrant dans sa porcherie trouve une partie de ses animaux agonisants ou morts : « En post-sevrage, on a perdu jusqu’à 30 % de porcelets mais économiquement on n’a jamais souffert. [...] J’ai eu énormément de cochons à crever, on était tous des apprentis sorciers dans l’élevage en fait, il y en avait un qui voulait trouver son virus, l’autre qui voulait ceci, l’autre qui voulait cela », explique un producteur installé en 1968 [4].
Cette bataille contre les virus n’a en fait jamais cessé. Régulièrement, une pathologie dévastatrice – [SRDP|Syndrome dysgénésique et respiratoire du porc], diarrhée épidémique, rhinite atrophique, grippe porcine, [MAP|Maladie de l’amaigrissement du porcelet.], mais aussi les zoonoses comme l’hépatite E, etc. – apparaît dans les exploitations et est refoulée par l’abattage massif des animaux.
Les ravages que fait actuellement la peste porcine africaine (PPA) en sont un rappel. En Chine, depuis 2018, des millions de porcs ont été abattus à la hâte pour cause de PPA. Selon les sources, entre 30 % et 50 % du cheptel de truies aurait disparu. Il faut noter que, dans le cas d’abattages massifs, la gestion des cadavres est un véritable problème qui peut être résolu localement par des solutions expéditives, comme jeter les porcs (morts ou vifs éventuellement) dans des fosses sauvages ou dans des cours d’eau [5].
Les élevages industriels empêchent la pérennité des systèmes paysans
Mais, dans le monde des productions animales mondialisées, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ainsi la faillite de la production porcine chinoise a-t-elle donné de grandes satisfactions à la filière industrielle française, ravie d’exporter ses porcs à très bon prix. En décembre 2019, le prix du porc atteignait des sommets (prix de base à 1,7 euro le kilo). Comme le souligne un analyste de l’Institut du porc : « Les perspectives sont prometteuses pour les grands exportateurs mondiaux en 2020 dans le contexte actuel. » Elles le sont nettement moins pour les éleveurs-paysans qui sont sommés, pour limiter la propagation de la PPA et dans le cadre de mesures de biosécurité, de mener leur élevage plein air en appliquant des procédures industrielles. Ce qui est un contresens du point de vue du travail et ruine ce qui fait la valeur du plein air et du parcours, l’autonomie des animaux et leur proximité avec leurs éleveurs.
Non seulement, donc, les systèmes industriels participent de la destruction des équilibres naturels et de notre capacité à vivre avec les virus mais ils empêchent l’émergence et la pérennité des systèmes paysans, qui sont précisément ceux qui conviennent aux animaux et qu’attendent nos concitoyens.
Entre industrie porcine et Covid-19, il y aurait sans doute bien des choses à voir, et tout un système de production à revoir, radicalement. Non pas en misant sur l’agriculture cellulaire et la viande in vitro, comme semblent y penser très fortement aussi les Chinois, mais en revenant sur cinquante ans d’industrialisation de l’élevage. Les animaux ne sont pas des choses et, à travers ces virus (qu’ils les tuent ou qu’ils nous tuent), c’est la vie qui résiste en eux. C’est pourquoi nous devons de toute urgence renoncer à la violence industrielle et à ses conséquences mortifères, et mettre en place des modes d’élevage et de consommation respectueux des animaux. Non pas sans eux ni contre eux, mais avec eux.
[1] Pour en savoir plus, lire Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle, de Jocelyne Porcher, aux éditions La Découverte, 2011.
[2] L’équivalent XXL du Space breton.
[3] Sur les conditions de vie et de travail dans les porcheries industrielles dans les années 1970-1980, voir le film Cochon qui s’en dédit, de Jean-Louis Le Tacon (1979) en ligne ici et complété par des interviews et des commentaires.
[4] Le producteur était rémunéré quelle que soit sa production, comme expliqué dans Cochons d’or. L’industrie porcine en questions de Jocelyne Porcher, 2010, Quæ.
[5] Rappelons aussi que des abattages massifs similaires avaient déjà eu lieu en Corée du Sud il y a une dizaine d’années pour cause de fièvre aphteuse. Cette maladie n’est pas mortelle pour l’animal, elle n’est pas contagieuse pour l’humain, mais elle entrave les exportations.
Les nouvelles "fermes" porcines en Chine comptent sept étages…
Publié le par Jean-Louis Schmitt
L’entreprise agricole privée Guangxi Yangxiang Co Ltd. gère deux installations d’élevage de cochons qui s’élèvent à sept étages. La compagnie est en train d’en construire quatre autres, dont une de 13 étages. Elle sera le plus haut bâtiment de ce genre dans le monde entier.
En Chine, c’est la première “ferme” de cette dimension, mais elles vont éclore un peu partout pour nourrir la population… D.R.
Depuis plusieurs décennies la Chine est en train de changer son régime alimentaire. Avec le développement de la classe moyenne et l’occidentalisation de leur culture, les chinois commencent à consommer de plus en plus de viande, notamment la viande de porc. Le gouvernement chinois a déclaré qu’ils investiront dans la promotion de l’alimentation végétale, mais pour l’instant la tendance est à l’inverse.
Les compagnies chinoises ont décidé de répondre à l’augmentation de la demande par l’industrialisation totale du secteur. Ces nouveaux bâtiments seront l’habitat des plus grands troupeaux de porcs dans le monde. L’industrie cherche toujours à réduire les coûts financiers, mais comme d’habitude, cela se traduit par un coût caché pour les animaux, les humains et l’environnement.
“Il y a de grands avantages à un immeuble de grande hauteur”, a déclaré Xu Jiajing, directeur de la ferme de montagne de Yangxiang. “Cela économise de l’énergie et des ressources. La superficie n’est pas énorme mais on peut élever beaucoup de cochons. ”
Yangxiang abritera 30 000 truies sur son site de 11 hectares d’ici la fin de l’année, produisant jusqu’à 840 000 porcelets par an. Une grande ferme industrielle chinoise plus typique aurait 8 000 truies sur environ 13 hectares. Les problèmes qui peuvent surgir dans ces nouvelles usines sont nombreux.
Des fermes porcines de deux ou trois étages ont été essayées en Europe, mais la plupart ont été abandonnés à cause des difficultés de gestion. La Chine a déjà un problème avec la propagation de maladies dans ses fermes, la taille de ces nouveaux bâtiments rendra la gestion encore plus compliquée. Même si la compagnie essaie de rassurer les médias en parlant de leurs adaptations technologiques, c’est clair que le risque de propagation rampante de maladies sera très élevé. Nous pouvons imaginer qu’une telle usine nécessitera l’utilisation de grandes quantités d’antibiotiques, ce qui est déjà le cas dans la majorité des élevages industriels.
Ne parlons pas du bien-être des animaux, c’est évident que ces usines ne sont pas faites pour réduire les souffrances des animaux ou pour améliorer leurs conditions de vie. On peut se poser également des questions sur la qualité de vies des travailleurs qui seront enfermés dans ces bâtiments gigantesques remplis d’animaux, durant leurs longues heures de travail.
Une usine de traitement des déchets est encore en construction sur le site. Elle sera chargée de traiter l’énorme quantité de fumier qui sera générée par ces innombrables animaux. La solution envisagée est loin d’être idéale : après le traitement le liquide sera pulvérisé sur la forêt qui entoure le site, alors que les restes solides seront vendus en tant qu’engrais. Il est difficile d’imaginer comment cette manière de traitement des déchets sera compatible avec les ambitions du gouvernement d’augmenter la popularité touristique de cette forêt…
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