Coronavirus : les héros de l'hôpital

 

Dans le film "Network", en 1976, l'acteur Peter Finch a un discours qui m'avait marqué.

Les applaudissements sont parfaitement justifiés au regard de l'engagement des personnels hospitaliers et autres mais ne vaudrait-il pas mieux exprimer la colère envers le fait qu'ils soient perçus, à juste raison, comme des héros, dans une société en déliquescence au regard des décisions politiques ?

Les pompiers qui rentrent dans une maison en feu sont des héros qui ont délibérément choisi ces actes éminemment courageux.

Il est par contre terriblement anormal que les personnels hospitaliers soient devenus aujourd'hui des héros. Qu'ils se soient engagés pour sauver des vies ne signifie pas qu'ils l'ont fait en imaginant qu'ils risquaient la leur...

 

Applaudissements pour les soignants à 20h : la fausse bonne idée?

  

Depuis une semaine, tous les soirs à 20h, les fenêtres s'ouvrent, et des applaudissements et des hourras résonnent pour célébrer les personnels hospitaliers, en première ligne dans la crise sanitaire. Une intention peut-être louable, mais qui pourrait avoir des conséquences néfastes si elle n'est pas un tant soit peu questionnée.

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Suis-je le seul à être mal à l’aise avec ces applaudissements, tous les soirs à 20h, pour célébrer l’engagement du personnel hospitalier dans la lutte contre le coronavirus ?

Non pas que les personnes qui œuvrent pour sauver des vies en ce moment ne méritent pas notre admiration, loin de là. Mais de quoi ces applaudissements sont-ils le signe exactement ?

Pour quelle raison tout ce secteur professionnel, ignoré depuis des années par les pouvoirs publics, se retrouve soudainement porté au pinacle ? Parce qu’ils sauvent des vies ? A priori pas, puisque c’est ce qu’ils font tous les jours en temps normal. Parce qu’ils font leur travail dans des conditions déplorables ? Non plus, cela fait des années que c’est ainsi, que la situation empire, et que leurs nombreux appels au secours sont restés lettre morte. Non, la raison c’est évidemment la conjoncture actuelle, qui rend leurs conditions de travail encore plus déplorables que d’habitude : tellement déplorables qu’ils sauvent désormais des vies au péril de la leur. Des « héros », a dit Macron.

Voilà donc ce que l’on applaudit : leur sens du sacrifice. Je ne veux pas parler en leur nom, mais ça doit leur faire une belle jambe. La mégalomanie existe dans tous les corps de métiers, mais je doute que beaucoup de celles et ceux qui sont mobilisés en ce moment dans les hôpitaux se considèrent eux-mêmes comme des héros.

Ce qui me dérange surtout, c’est que ce processus d’héroïsation est d’abord le fait d’une classe politique qui, depuis des années, n’a que faire des revendications de celles et ceux qu’elle érige maintenant en sauveurs de la nation. On peut rappeler les chiffres les plus récents : plus de 8 mois de grève et de manifestations en 2019, presque 300 services d’urgences en grève à l’automne dernier, plus de 1000 médecins chefs de services démissionnaires de leurs fonctions administratives en janvier, le tout pour dénoncer le manque de personnel, de matériel, la suppression des services d’urgences de proximité, des lits, bref, tout ce que la salade sémantique d’une gestion managériale de l’hôpital public (« restructuration », « redéploiement », « fusion », « modernisation », et j’en passe) ne parvient que médiocrement à masquer.

L’ironie de l’histoire, c’est que c’est précisément l’absence de réponses adéquates à leurs revendications qui fait aujourd’hui des personnels hospitaliers des « héros ». Auraient-ils été élevés à ce rang par le chef de l’état s’ils étaient en nombre suffisant ? S’il y avait de larges stocks de gel hydroalcoolique et de masques ? Du matériel en bon état ? Le nombre de lits nécessaires ? Si les salaires étaient attractifs ? Bref, si les moyens de faire face à une crise de cette ampleur leur avaient été donnés ? Probablement pas. A défaut d’avoir répondu à leurs demandes, le gouvernement tente de booster un peu leur égo en espérant que cela leur donnera le petit surplus de motivation et d’estime de soi qui compensera les carences matérielles. Combien de temps faut-il attendre avant de dire ce que l’on pense d’une telle attitude ? S’il est évident qu’ils partent d’une bonne intention, les applaudissements quotidiens portent toutefois en eux le risque d’être les garants de cette stratégie gouvernementale de gestion de la crise absolument nauséabonde. Continuera-t-on à les applaudir, ces femmes et ces hommes, une fois cette sinistre période derrière nous ? Rien n’est moins sûr. Entre une héroïsation de circonstance et la validation implicite de leurs conditions d’exercice, la frontière semble sacrément ténue.

C’est toujours dans des moments de tension, de drame, dans des situations extrêmes qu’apparaissent les héros. Et il en apparaîtra toujours : on peut avoir plein de raisons de ne plus avoir foi en l’humanité, notre espèce n’est pas qu’un ramassis de déchets, quand même. Le problème, c’est que le héros (en tant que construction sociale, pas l’individu) empêche de se poser les bonnes questions sur ce qui a suscité son apparition : on se gargarise de son attitude exemplaire, érigée en valeur morale universelle dont l’ensemble du corps social fait l’éloge, puisqu’elle était de toute façon déjà la sienne, bien évidemment. Et il faut dire que la France en a connu, des héros, ces derniers temps : les militaires tués dans une opération anti-terroriste au Mali, Arnaud Beltrame, les pompiers luttant contre l’incendie de Notre-Dame, la rédaction de Charlie Hebdo, entre autres. Cela nous a-t-il incité à questionner, au minimum, nos modes de lutte contre le terrorisme ? Non. Nos politiques budgétaires culturelles ? Non plus. A défendre toujours plus la liberté d’expression ? Big LOL.

Une société qui a besoin de héros pour rester debout est une société malade – c’est le cas de le dire. L’exemple actuel est particulièrement frappant : l’Etat se saisit du personnel hospitalier qu’il a méprisé et humilié pendant des années pour soudainement l’idolâtrer et opérer à travers lui une forme de narcissisation dont l’unique but est de masquer ses propres inconséquences. Au risque de faire de la psychologie de comptoir, essayez donc de remplacer dans cette dernière phrase « Etat » par « individu A » et « personnel hospitalier » par « individu B » ; le cas me semble assez sérieux. Adhérer à un élan d’unité nationale dont le fondement me semble avant tout relever du domaine du pathologique, très peu pour moi. Surtout que la conséquence de ce grand moment patriotique, dans lequel aucune voix discordante ne saurait être tolérée, risque d’être, les expériences passées nous le prouvent, une absence totale de remise en question de notre fonctionnement en tant que société et des soi-disant valeurs qui sont les nôtres. Evidemment, pourquoi se remettre en question alors qu’on a des héros pour nous rappeler quel est le véritable esprit de la nation ? Si l’on avait le courage de regarder les choses en face, on se rendrait compte que les personnels hospitaliers ne sont pas les héros de cette crise : ils en sont des victimes. Et leurs héros à eux, Superbudget, Spiderembauche et Captain Salaire, restent désespérément des personnages de fiction.

Alors soit, je veux bien sortir sur mon balcon tous les soirs à 20h pour les applaudir, parce que c’est vrai qu’ils font un travail remarquable. Mais seulement si à 20h15, tout le monde se remet à sa fenêtre pour conspuer le gouvernement et dénoncer les conditions de travail qui sont les leurs depuis des années. Il est louable, et pas injustifié, de prendre ces femmes et ces hommes pour des héros ; mais il faut être vigilants à ce que, d’un même mouvement, ils ne soient pas aussi pris pour des imbéciles."

 

Il est temps de remonter d'anciens articles pour montrer à quel point la plupart des personnalités politiques sont des personnes profondément malhonnêtes...

 

La « marche des hospitaliers » réprimée à Paris

 

Une manifestation pour l’hôpital public a été réprimée à grand renfort de gaz lacrymogène le lundi 2 octobre devant le siège de l’assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Le syndicat Sud Santé social de Gironde, présent à la manifestation, a fait part de sa consternation :

Aujourd hui 2 octobre 2017 à Paris devant le siège de l AP-HP, on gaze des personnels hospitaliers pendant une manifestation pacifiste ... Elle est belle notre démocratie, elle est belle notre police !!!
Un bon rétablissement à notre collègue hospitalisée...

Communiqué de SUD Santé APHP Gazés mais toujours debout !

Ce matin lundi 2 octobre, la marche des hospitaliers rejoignait l’hôpital Bichat au siège central de l’APHP avenue Victoria. Martin Hirsch y réunissait le comité technique d’établissement central pour présenter son bilan social de l’année. La date était trop bonne de lui faire connaître notre propre bilan d’un an de la nouvelle organisation de travail à commencer par les 5 suicides de professionnels mettant en cause les conditions de travail. La manifestation qui se voulait à la fois pacifiste et solennelle, mettait en scène les 5 cercueils devant l’entrée du siège central. Les manifestants décidant alors de symboliquement brûler les photocopies du bilan social comme un refus de celui-ci.

Les forces de police, prendront ce prétexte pour bousculer et vaporiser à bout portant de gaz lacrymogènes les manifestants. Les violences policières sont sans communes mesures avec l’esprit de la manifestation. Une de nos camarades sera hospitalisée aux urgences de Cochin qu’elle quittera du reste sans avoir été examinée par un médecin.

Le syndicat Sud-Santé APHP dénonce la répression policière comme seule réponse aux légitimes revendications des hospitaliers de l’APHP. Le dialogue social n’est définitivement plus de pratique ni par le gouvernement ni par la direction générale de l’institution.

Sud-Santé APHP ne se laissera pas intimider par de tels agissements, les revendications portées par la marche des hospitaliers ont vocation à s’étendre sur l’ensemble du territoire. C’est pour le moins l’objectif que les organisateurs se donnent.

Secoués, gazés, meurtris, mais toujours déterminés, Sud-Santé ne lâchera rien !

Vous pouvez voir ici les revendications de ce dangereux groupe gauchiste subversif :

Un an après : le désastreux bilan de Hirsch

« La Marche des Hospitaliers » s’achève le lundi 2 octobre 2017 devant le siège de l’AP-HP. Ce jour-là, Martin Hirsch, directeur général, présente son bilan social au Comité Technique d’Établissement de l’institution après un an d’application de sa réforme de l’organisation du temps de travail.

Plutôt que de le laisser pérorer une fois de plus sur les bienfaits de ses mesures, SUD Santé appelle l’ensemble des agents de l’institution à venir faire connaître à ce monsieur et à tous les technocrates qui l’entourent le véritable bilan de la réorganisation du temps de travail. Ils doivent comprendre la souffrance qu’ils engendrent chez les hospitaliers à vouloir faire d’eux des machines à donner du soin, des répétiteurs d’actes.

Ce que nous subissons à l’AP-HP, l’ensemble des hospitaliers le subissent tous les jours : les plannings non respectés, les vacances refusées, les comptes épargne-temps explosés, les heures supplémentaires impayées, les retraites reculées, les salaires gelés, l’emploi précarisé...

Nous n’en voulons plus, ce n’est pas déplacé de le dire !

Nous sommes légitimes à revendiquer, n’en doutons plus.

Pour nous, l’amélioration de notre condition passe par :

Augmentation de salaire de 500€ pour tous, 1700€ minimum
Réduction du temps de travail à 32 heures de jour, 30 heures de nuit
4 jours travaillés par semaine
8 heures de présence minimum par jour
Création de 10 000 emplois
Mises en stage de tous les CDD
Suppression des comptes épargne temps, après remboursement de la dette
Rassemblement : 3, avenue Victoria, Paris 4 / métro : Hôtel de Ville, Châtelet

Pas un hospitalier ne doit manquer à l’appel !

 

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