Corps et conscience. (spiritualité/conscience)
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/12/2009
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Ai-je un corps ou suis-je mon corps ?
Si je parviens à répondre à la question, il aura bien fallu que j’aille chercher la réponse en moi, c'est-à-dire dans l’antre qui contient ma conscience. Je ne peux concevoir que cette conscience, ou cette raison, soit une entité extérieure que je vais saisir dans mon environnement pour m’en servir. Ma conscience est incarnée. Ma réflexion est inséparable de mon corps, elle y est enracinée comme dans une terre. Mon corps est par conséquent un support, une enveloppe mais il est aussi un « filtre » par lequel toutes les expériences viennent à mon cerveau. Si je peux penser à mon corps, c’est bien parce que je le ressens, je le perçois, j’en reçois également une image. Par contre, il est évident que cette image évolue avec le temps et l’accumulation des expériences. Ce corps n’est pas figé et la conscience que j’en ai fluctue.
Si ces changements surviennent, c’est également que je ne suis pas seulement ce corps, comme une pierre est une pierre, mais que je dispose d’une capacité consciente à « m’extraire » de ce corps pour l’identifier. Ma conscience est par conséquent indépendante de ce corps, elle ne lui est pas seulement inhérente, elle n’est pas intrinsèquement englobée, elle a un pouvoir d’auto réflexion. Elle reçoit les informations reçues par le corps, elle les analyse mais elle a en plus la capacité à conscientiser ce processus. J’ai conscience de ma conscience. Ma conscience n’est pas qu’un récepteur comme peut l’être un ordinateur en état de marche, elle a également le pouvoir d’observer l’expérience et l’expérimentateur… D’avoir conscience de lui, indépendamment du corps. Dans cette situation là, le corps n’est plus le support de l’identité mais l’objet étudié qui permet à la conscience de prendre forme. Je ne suis pas mon corps, j’ai un corps qui me sert d’objet d’expérience afin d’offrir à ma conscience un piédestal.
Ca n’est pas pour autant que ce corps est méprisable et doive être considéré comme un fardeau dont il faut que la conscience se libère. Ca serait absurde, comme une lobotomie sensorielle. A quoi me servirait-il d’analyser ma conscience auto réflexive s’il n’y a aucune expérience à laquelle je puisse me référer ?
Il n'y a pas de conscience sans corps.
"Corps et conscience font un". Pour Spinoza, l'esprit et le corps ne constituent qu'une seule et même substance, une imbrication constante entre le champ d’expérience de la pensée (l'esprit) et le champ sensoriel (le corps).
Pour des philosophes matérialistes comme Diderot ou Nietzsche, la conscience est une simple extension de l'organisme. Les neurologues aujourd'hui déterminent ce que je pense et ce que je ressens qu’en fonction de notre corps. Il semblerait par conséquent que je ne sois qu'un corps qui « raisonne ».
Ma conscience pense "je suis", mais sans pouvoir se passer du récepteur corporel. On pourrait donc valider la phrase et dire "je suis un corps".
Pour Descartes, la conscience, bien qu'étroitement unie au corps, est radicalement distincte de lui. « Je ne suis pas mon corps. »
"La conscience est abstraite". Lorsque je pense "je suis", ma conscience se saisit elle-même comme conscience, en faisant abstraction de mon corps. La conscience du corps n’est qu’une option secondaire. Le corps n'est donc qu'un des objets parmi d'autres qui peuvent occuper la conscience. Descartes est intransigeant et ne veut pas être assimilé à un corps qui souffre et qui lui échappe…
Lorsque je pense, je n'ai pas conscience de mon corps et je n’en ai même pas besoin. Ma conscience et mon corps sont donc distincts et pour Descartes on doit dire "j'ai un corps". Le dualisme cartésien se sert du dualisme chrétien. Il n’y a qu’à lire Schopenhauer pour juger des dégâts…Mesdames, cachez-vous, ne tourmentez pas les consciences supérieures des mâles… Beurk…
Bon, la conscience est donc incarnée, la conscience et le corps ne font qu'un. Je m’en tiens à cette idée.
Il serait illusoire d'imaginer que la conscience puisse être abstraite, totalement coupée du corps. La psychanalyse essaie bien d’ailleurs de réconcilier la conscience et le corps, le moi (ou le surmoi) et l'inconscient, afin de permettre à l'individu de vivre dans la plénitude. Il n’y a aucun « ennemi » en soi, il n’y a que des entités ignorées, par éducation, conditionnement ou traumatismes.
Le zazen travaille également dans cette voie. La maîtrise du corps favorise le développement de la conscience. Il n’est pas question de s’extraire du corps mais de l’éprouver pleinement, en totale conscience, avec amour et cette expérimentation génère un état de conscience sublimé.
On peut s’interroger maintenant sur les états de conscience modifiée déclenchés par des situations particulières.
Les NDE ou d’autres situations moins extrêmes.
De quoi est constituée cette conscience... Elle me semble très liée à la mémoire. Par exemple, je sais très bien que la neige, le glaçon dans mon verre, les nuages, la pluie, la vapeur au-dessus de la casserole sont des états différents d'un même élément. Mais je ne peux le savoir qu'en ayant expérimenté diverses situations cognitives ou sensorielles. Les conclusions sont insérées dans ma mémoire et lorsque je suis confronté à une nouvelle situation, la conscience que j'en ai est générée par le rappel à cette mémoire. Pourtant cette conscience n'est pas qu'une mémoire étant donné qu'il a bien fallu la première fois que j'use uniquement de ma raison pour valider les expériences. On peut donc considérer que la conscience est liée à la mémoire mais qu'elle peut aussi fonctionner sans elle. Il faudra simplement multiplier les situations pour que les acquis soient stables. La conscience a donc besoin d'une "énergie" pour rappeler les acquis. Le corps est bien souvent utilisé comme filtre mais pas nécessairement. Mais qu'en est-il de cette "énergie" qui servirait d'agitateur à la conscience ? Dans un de mes romans, un guide de haute montagne est amputé d'une jambe. Pour l'écrire j'ai passé deux journées dans une clinique spécialisée en prothèse et rééducation et j'ai discuté avec des soignants et des soignés. "Le membre fantôme" est un phénomène étrange puisque la personne amputée a des sensations très précises, jusqu'à la douleur, avec des envies irrépressibles de se gratter les orteils, le mollet...Il reste une "conscience" de l'élément perdu et ça dure parfois jusqu'à la mort malgré les médicaments...La mémoire ne s'efface pas et la conscience reste totale. Un autre témoignage transmis par un kiné faisait état des rêves de personnes tétraplégiques et qui racontaient leurs cavalcades pendant la nuit. Des années après leur accident, elles gardaient en elle une perception très précise de la marche...Elles en avaient encore totalement conscience. D'où vient dès lors l'automatisme du bébé quand on lui fait le test de la "marche"? Il n'y a pas de mémoire là...D'où vient cette "conscience"? Un geste instinctif...Oui, mais c'est quoi l'instinct ? Où le range-t-on par rapport à la conscience ?
Site "philosophie et spiritualité."
Un extrait da la leçon "corps et conscience".
« Deepak Chopra oppose deux images du corps, celle de la sculpture et celle de la rivière. Nous avons tendance à penser la réalité du corps à partir du concept de chose. Nous y voyons une sculpture faite avec de la matière, ou à la rigueur – mais c’est la même idée – un automate fait avec beaucoup de petites choses, des pièces qui en font une machine. Mais comme ce corps, c’est aussi un corps vivant, et remarquablement structuré par une sorte de technicien intérieur, on a imaginé qu’il fallait nécessairement lui adjoindre une âme-vitale : « on a d’abord désigné ce technicien sous le nom d’âme, puis il semble avoir été déchu au rang de fantôme que l’on imagine enfermé dans la machine ». Il y a une faille dans ce raisonnement, car « le corps ressemble bien plus à une rivière qu’à un objet figé dans l’espace ». Et c’est à la physique nouvelle que nous devons ce changement de regard sur les soi-disant objets matériels. Le corps est dans un flux permanent. « Quatre-vingt-dix-huit pour cent des atomes de l’organisme étaient absents un an auparavant. Le squelette qui semble si solide n’était pas le même trois mois plus tôt…La peau se renouvelle tous les mois. La paroi de l’estomac change tous les quatre jours et les cellules superficielles qui sont au contact des aliments sont renouvelées toutes les cinq minutes… C’est comme si l’on vivait dans un immeuble dont les briques seraient systématiquement remplacées chaque année. Si l’on conserve le même plan, il semble alors qu’il s’agisse du même immeuble. Mais en réalité, il est différent ». Le corps ne reste pas le même, il est perpétuellement dans le flux du changement. Or, malgré cette instabilité d’une rivière en mouvement, le corps ne s’effondre jamais comme une simple pile de briques, une intelligence maintient son intégrité, se charge de coordonner la transformation du flux, ce qui permet de dire, vu de l’extérieur (celui qui se regarde dans la glace), que le corps reste le même. « Pour ce qui est de la permanence, le corps est solide et stable comme une sculpture figée. Pour ce qui est du changement, il est mobile et fluctuant comme une rivière ». Seulement, du point de vue du paradigme de la physique classique, c’est là un paradoxe insoutenable, car il est impossible de considérer en même temps ces deux points de vue. Ce serait considérer un même phénomène à la fois comme de l’ordre des choses (corpuscules) ou de l’ordre d’un flux (l’onde). De là suit que, parce que le concept d’objet solide est surtout intelligible du point de vue de la vigilance quotidienne, parce qu’il est en accord avec une vision linéaire de la causalité, qu’il est plus facile à l’esprit de penser le corps comme une sculpture figée, que comme un flux vivant. Il est plus simple de se représenter le changement comme une causalité linéaire, une cause engendrant un effet, dans une séquence qui lie les objets entre eux, comme les boules de billard de Newton. Mais en restant dans ce modèle, on oublie justement ce qui est étonnant dans le corps physique, la beauté du renouvellement constant du corps, du renouvellement qui se produit à chaque instant.
Pour éviter de faire le saut vers une représentation quantique du corps, il reste encore un repli stratégique : celui qui consiste à dire que c’est au cerveau, machine complexe entre toutes, que revient la production de cette intelligence du corps. Cependant, comme l’explique longuement Chopra, si le cerveau est lui-même une machine, extrêmement complexe et perfectionnée, expliquer les phénomènes psychologiques par la présence du cerveau, c’est un peu comme dire que les véhicules sont responsables des accidents de la route, et non leur conducteur. L’intelligence ne se réduit pas aux mécanismes dont elle se sert pour opérer, y compris les mécanismes neurochimiques impliqués dans les échanges synaptiques. Le savoir que nous possédons aujourd’hui sur le cerveau nous permet de beaucoup mieux appréhender le fossé que l’on posait autrefois entre la pensée et la matière. Ainsi, « Les neurotransmetteurs sont les coureurs qui vont et viennent à partir du cerveau, transmettant à chacun de nos organes, émotions, désirs, souvenirs, intuitions et rêves. Aucun événement n’est confiné dans le cerveau seul. De même, ce ne sont pas uniquement des phénomènes mentaux puisqu’ils peuvent être codés sous forme de message chimique… Penser, c’est réaliser une chimie cérébrale qui engendre une cascade de réactions dans tout l’organisme». Ces découvertes ont une importance capitale : « L’entrée en scène des neurotransmetteurs favorise plus que jamais la mobilité et la fluidité de l’interaction entre esprit et matière – qui se rapproche encore plus du modèle de la rivière ». Pour comprendre la transformation subtile de la pensée en matière, il faut cesser de les opposer strictement, il faut se représenter le corps comme doué d’une intelligence propre, et se représenter le mental comme une intelligence consciente s’auto transformant dans le corps en processus matériels. Les conséquences de cette vision sont immenses, elles nous contraignent en effet à penser notamment la médecine comme une médecine corps-esprit et plus comme une simple médecine du corps-objet.
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C’est une erreur de raisonner sur le corps, comme sur l’esprit à partir d’une hypothèse substantialiste, c’est une erreur de chercher des relations de causalité mécanique entre l’esprit et lui-même, entre le corps et lui-même et entre l’esprit et le corps. Le corps physique est bien plus qu’un automate bien rodé. La pensée est plus qu’une sorte de fantôme dans la machine du corps. L’Intelligence elle-même transcende à la fois le mental pensant et la structure matérielle du corps.
Pour la première fois, il devient possible de tirer parti des découvertes de la physique nouvelle pour redessiner l’image que nous avons du corps, tout en respectant scrupuleusement ce que l’expérience vécue du corps propre a d’original. La subjectivité n’est pas confinée dans un royaume coupé du domaine objectif décrit par la science. Nous sommes à l’aube d’une complète révision de la compréhension classique à la fois de la conscience et du corps. La métaphysique de la représentation et ses différentes doctrines, est insuffisante pour comprendre l'incarnation.
Cela implique des questions nouvelles : en quoi le paradigme mécaniste est-il nécessairement limité et doit-il être dépassé ? Qu’est-ce que cette Intelligence qui transcende à la fois le mental pensant et la structure matérielle du corps ? Y a-t-il dans la conscience une puissance non-mentale qui ne serait pas liée au corps, mais directement liée à l’Intelligence ? De quoi le corps-physique est-il donc capable, si il est non pas seulement une machine, mais aussi l’intelligence qui conduit la machine ? "
Dans "l'Ayurveda", il me semble, l'homme n'est pas une entité duale, corps-esprit ( Descartes) mais une entité tripartite "corps-esprit-âme".
L'esprit serait à nos yeux d'Occidentaux le siège de l'intellect et des pensées alors que l'âme tiendrait le rôle de cette Intelligence citée dans le texte précédent. Cette âme serait reliée à l'Energie vitale...Le corps serait l'enveloppe créée autour de cette âme pour qu'elle ait un point d'ancrage dans le champ d'expériences matérielles. Nous sommes avant tout une Energie, le corps n'est qu'une construction secondaire mais tout de même indispensable et il convient de le développer par les pratiques liées au souffle et à la posture (yoga).
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