Des questions et des réponses (3)
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/08/2024
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Les solutions à apporter à la crise climatique
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/changement-climatique-nos-reponses-a-toutes-les-questions-que-vous-vous-posez.html
Quelles sont les solutions pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Le Giec n'y va pas par quatre chemins. "Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5ºC, il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite tous les aspects de la société", préconise le groupe international d’experts sur le climat. L’objectif est de réduire les émissions de CO2 de 45% d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 2010, puis d’atteindre vers 2050 la neutralité carbone, c'est-à-dire le point où les émissions sont compensées par l'élimination du CO2 présent dans l'atmosphère.
Pour ce faire, des actions sont à entreprendre à tous les niveaux. D'abord, par les décideurs politiques et les entreprises, en remplaçant la production d'électricité d'origine fossile par des énergies renouvelables, par exemple. Puis, dans une moindre mesure, par les individus, comme le montre le cabinet Carbone 4.
"Il faut à la fois faire des actions individuelles, même si elles sont parfois symboliques, parce que cela nous met en mouvement et il faut que du point de vue des pouvoirs publics, les bonnes décisions soient prises", estime le climatologue Gilles Ramstein. "C'est sûr que des citoyens bien informés, qui font déjà ce qu'ils peuvent à leur niveau, seront plus à même de pousser sur le politique."
Pour entamer cette démarche, vous pouvez calculer votre "empreinte carbone" – vos gestes du quotidien et vos habitudes de vie qui émettent le plus de gaz à effet de serre (les transports, l'alimentation, le chauffage...) – et envisager des moyens de la réduire.
Où en est la France en termes de politique climatique ?
La France s'est engagée à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. "D'après les résultats publiés (...) pour l'année 2021, le niveau d’émissions de gaz à effet de serre (418 Mt CO2e) respecte la trajectoire" fixée, se félicitait.) le gouvernement en juin 2022. Cette trajectoire a toutefois été revue à la baisse en 2020. L'initiale, datant de 2015, n'était pas respectée. Par ailleurs, ces émissions n'incluent pas celles générées dans d'autres pays pour la production des biens que nous importons. Ce calcul "diminue aussi depuis au moins 2010, mais [il] est 1,4 fois plus élevé que les émissions produites sur le territoire français", note le Haut Conseil pour le climat (HCC).
A l'échelle de l'Europe, le planning est encore plus serré : d’ici 2030, l'objectif est de réduire les émissions du Vieux Continent de 55% par rapport à 1990. Cela impliquera "une accélération sans précédent de la baisse des émissions en France dans tous les secteurs", alerte le HCC. Pour atteindre ses objectifs, la France doit donc passer à la vitesse supérieure. "Si on ne change pas les choses, on n'y arrivera pas", admettait Emmanuel Macron début 2023, appelant à "doubler le taux d'effort par rapport à ce qu'on a fait ces cinq dernières années".
Les énergies renouvelables sont-elles la solution ?
Une chose est sûre : il faut sortir de notre dépendance aux énergies fossiles que sont le pétrole, le charbon et le gaz pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et lutter efficacement contre le changement climatique. Par quoi remplacer ces combustibles ? Les énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique ou encore géothermique) sont peu émettrices de gaz à effet de serre et considérées comme inépuisables à l'échelle du temps humain. Elles sont donc citées dans le panel de solutions.
Le Giec, le groupe international d’experts sur le climat, distingue d'ailleurs les énergies solaire et éolienne parmi les solutions les plus à même de participer à l'effort de réduction des émissions. Avantage supplémentaire cité par le Giec : leur coût a continuellement chuté, de 85% pour l'énergie solaire entre 2010 et 2019, et de 55% pour l'énergie éolienne.
A l'échelle de la France, le basculement vers les énergies renouvelables n'est pas seulement souhaitable, il est nécessaire. Atteindre la neutralité carbone "est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables", rappelle le gestionnaire du réseau de transport électrique français (RTE). D'autres leviers sont bien sûr à actionner, tels que la sobriété, la reforestation ou encore la transition de nos modes de transport ou d'alimentation.
Qu'est-ce que la "compensation carbone" ?
Si vous réservez un billet d'avion Paris-New York et que la compagnie aérienne vous assure qu'en contrepartie, elle plantera des arbres au Brésil, elle fait ce qu'on appelle de la "compensation carbone". Le principe consiste à continuer d'émettre du CO2 tout en préparant les conditions d'absorption de ces émissions.
Mais cette stratégie – qui peut passer par de la reforestation, un changement de pratiques des sols ou des solutions artificielles de stockage – est controversée. "Il ne s'agit pas de dire qu'on peut continuer d'émettre des gaz à effet de serre. Plus les émissions résiduelles sont faibles, moins on a besoin d'émissions négatives pour les compenser", souligne Céline Guivarch, co-autrice du Giec, le groupe international d’experts sur le climat.
Par ailleurs, les solutions artificielles sont encore peu développées et il est périlleux d'annoncer à l'avance que tel ou tel projet portera ses fruits. Si la forêt plantée par la compagnie aérienne est mal gérée ou qu'elle part en fumée dans un incendie, la compensation aussi.
Les écogestes servent-ils vraiment ?
Ils ne font pas tout (loin de là), mais ne sont pas non plus inutiles. Selon une étude du cabinet de conseil Carbone 4, les changements de comportement individuels et "significatifs" - comme devenir végétarien, privilégier le vélo ou ne plus prendre l'avion - permettraient de réduire de 20 à 45% l’empreinte carbone de la France. Le reste relève de décisions politiques et collectives. "Il faut à la fois faire des actions individuelles, même si elles sont parfois symboliques, parce que cela nous met en mouvement (…) et il faut que du point de vue des pouvoirs publics, les bonnes décisions soient prises, commente le climatologue Gilles Ramstein. Des citoyens bien informés, qui font déjà ce qu'ils peuvent à leur niveau, seront plus à même de pousser sur le politique."
Certains gestes ont aussi davantage d'impact que d'autres. Transports, alimentation, logement... Si vous vous demandez sur quel secteur agir en priorité, vous pouvez calculer votre empreinte carbone personnelle. Cet outil donne des pistes pour passer d'une empreinte carbone moyenne en France de 9,5 tonnes de CO2 par an et par personne à une empreinte située "entre 1,6 tonne (hypothèse basse) et 2,8 tonnes (hypothèse haute)". Selon le ministère de la Transition écologique, c’est ce qu’il faudrait viser pour tenir l’objectif fixé par l'accord de Paris, à savoir un réchauffement global limité à +2 degrés d’ici la fin du XXIe siècle.
La technologie peut-elle nous sauver ?
Avions bas-carbone, voitures électriques, robotisation de l'agriculture, usine de captation du CO2, hydrogène vert… Le refrain revient souvent dans les discours politiques : l'innovation technologique serait la réponse principale au réchauffement climatique. Ce techno-optimisme n'est pourtant pas réaliste. Il se base sur des solutions encore incertaines et qui ne sont pas arrivées à maturité. Il intervient à une échelle de temps trop lointaine pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Enfin, certaines des solutions qu’il propose nécessiteraient une très grande quantité d'énergie pour fonctionner. Dans le cas de la capture de CO2 par exemple*, "si nous voulions reprendre dans l'air la totalité de nos émissions de CO2, il faudrait y consacrer toute la production d'électricité mondiale et que celle-ci soit décarbonée"*, calcule Jean-Marc Jancovici, membre du Haut Conseil pour le climat. Par ailleurs, gare à “l'effet rebond”. Par le passé, les économies d'énergie réalisées ont aussi, souvent, provoqué l'augmentation des usages et donc de la consommation d'énergie.
Dans son sixième rapport, le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations unies), cite toutefois bel et bien l'utilisation de technologies dans la palette des solutions. Mais il s'agit, par exemple, de capter les émissions qu'on ne peut pas réduire en étant plus sobres. Les technologies ne pourront donc servir qu'à parcourir les derniers mètres de la longue marche vers la neutralité carbone.
Que signifient les mots "atténuation" et "adaptation" ?
Ces deux termes se retrouvent souvent dans les discussions autour de la lutte contre le changement climatique. L'atténuation renvoie à tout ce que l'on met en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L'adaptation, en revanche, consiste à se préparer à faire face aux effets déjà inévitables du changement climatique. Par exemple, préparer les villes aux températures extrêmes ou modifier les côtes pour faire face à la montée des eaux.
Le fait de planter des arbres est-il utile ?
Lors de vos achats, vous avez peut-être déjà été invités à "compenser vos émissions" en plantant des arbres. On vous promet alors, moyennant finance, de préparer l’absorption future des gaz à effet de serre que vous émettez. Comment ? Lorsqu'il pousse, un arbre capte le CO2 présent dans l'atmosphère et le stocke. C’est ce qu’on appelle un "puits de carbone". Chaque année, les forêts absorbent près de 30% des émissions de CO2 d'origine humaine. La reforestation fait ainsi partie des solutions pour limiter le réchauffement climatique. Le dernier rapport du Giec signale d'ailleurs que c'est l'une des options d'atténuation de nos émissions les plus efficaces.
Néanmoins, les experts du climat n’envisagent cette solution que pour "compenser les émissions résiduelles, difficiles à éliminer", comme celles liées à des secteurs dépendant des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon). "Il faudrait 4,5 planètes pour absorber la totalité de nos émissions annuelles en plantant des arbres", relativise le média spécialisé Vert. Ce n'est donc pas suffisant pour régler le problème. Mieux vaut voir ces initiatives comme un complément de tout un panel de solutions à mettre en œuvre, à commencer par la sobriété.
Qu'est-ce qui a déjà été fait pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Des actions sont menées à tous les niveaux. Des entreprises, des villes et de plus larges territoires agissent pour tenter de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, plusieurs pays ou institutions ont annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Au niveau mondial, l'accord de Paris, signé en décembre 2015, a embarqué la quasi-totalité des pays du monde dans une réduction de leurs émissions afin de contenir le réchauffement de la planète à +2°C, voire +1,5°C.
Mais ces engagements ne sont pas assez ambitieux. "Les politiques actuellement en place devraient entraîner un réchauffement planétaire de 2,8°C au cours du XXIe siècle", alerte un rapport de l'ONU publié en 2022. Et même si les pays suivent les feuilles de route qu'ils se sont fixées, le réchauffement atteindrait 2,4 voire 2,6°C. Des fractions de degré en plus qui impliquent nombre de conséquences désastreuses pour les sociétés humaines et la biodiversité.
Qu'est-ce que le GIEC ?
C'est la source privilégiée quand on parle de climat. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) est un organe scientifique créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l’environnement. Il regroupe des centaines des chercheurs, répartis sur les cinq continents, qui épluchent les recherches menées dans les laboratoires du monde entier, afin de faire le point sur les connaissances scientifiques "sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade", explique le site de l'organisation.
Depuis sa création, le Giec a publié six rapports, disponibles en ligne, ainsi que plusieurs synthèses thématiques. Ses résumés, destinés aux décideurs politiques, sont lus et approuvés ligne par ligne par les représentants de tous les pays membres, sous le contrôle des scientifiques.
Le travail du Giec sert de socle commun de connaissances sur le réchauffement climatique et a été récompensé, avec l'ex-vice-président américain Al Gore, d'un prix Nobel de la paix en 2007.
Qu'est-ce que la "neutralité carbone"?
Etats, entreprises... Depuis quelques années, chacun y va de son annonce pour viser la "neutralité carbone" à horizon plus ou moins lointain. Mais que veut dire ce concept, censé tous nous sauver ? Il s'agit de mettre à l'équilibre les émissions brutes d'un acteur (un pays, une société...) et les puits de carbone, qui absorbent le CO2 de l'atmosphère pour le stocker. La Terre dispose de puits naturels (les forêts et les océans notamment). Mais ce qu'ils peuvent emmagasiner ne suffit plus, face à l'explosion des émissions d'origine humaine. Pour atteindre la "neutralité carbone" rêvée, il faudrait donc à la fois réduire nos émissions et trouver le moyen d'absorber le surplus de gaz à effet de serre. Une étape nécessaire, car sans cet équilibre, le CO2 continuera de s'accumuler dans l'atmosphère et fera encore grimper le thermomètre.
Qu'est-ce que l'accord de Paris ?
L'accord de Paris est un traité international rédigé à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) à Paris. Il a été adopté le 12 décembre 2015 puis signé par 195 parties, soit la quasi-totalité des pays du monde.
Il énonce des objectifs globaux pour lutter contre le réchauffement climatique : réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C au cours du siècle, publier des plans d'action nationaux mis à jour tous les cinq ans et fournir aux pays en développement des ressources financières pour s'adapter aux conséquences du réchauffement climatique.
Peut-on arrêter le réchauffement climatique ?
Arrêter le réchauffement climatique du jour au lendemain est impossible. Les gaz à effet de serre émis aujourd'hui ont une durée de vie de plusieurs années dans l'atmosphère (12 ans pour le méthane, 100 ans pour le gaz carbonique, 120 ans pour le protoxyde d'azote).
Le sixième rapport du Giec (document PDF), le groupe international d’experts sur le climat, a cependant étudié l’évolution de la température à la surface du globe en fonction de divers seuils de réduction de nos émissions. Il a montré qu'en réduisant massivement nos émissions dans les prochaines années, la hausse des températures peut se stabiliser très rapidement, et même s'infléchir à partir du milieu du XXIe siècle.
Mais ce scénario nous échappe de plus en plus. Le réchauffement climatique est une conséquence de l'activité de nos sociétés, et celles-ci dépendent actuellement, et très largement, des énergies fossiles. Il faudrait donc bouleverser nos modes de vie pour y parvenir.
Qu'est-ce que la sobriété ?
La sobriété est "un ensemble de politiques, mesures et pratiques du quotidien permettant d'éviter des demandes d'énergie, de matériaux, de biens et de terre", définit le Haut Conseil pour le climat. Cette démarche, qui consiste à réduire la consommation, peut permettre une réduction de 40 à 70% des émissions globales de gaz à effet de serre, selon le dernier rapport du Giec. "Il faut exploiter ces leviers et réfléchir à ce que cela induirait en termes de changements de comportements et de modes de vie", invite Nadia Maïzi, co-autrice du groupe d'experts sur le climat.
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